MuseumTV. Une heure avec Delacroix. Barthélémy Jobert pédant. Peintre surfait, scolaire, sulpicien. 6/10

Temps de lecture : 4 minutes

A priori le style Eugène Delacroix n’est pas mon préféré ; pas plus que celui de son concurrent direct Jean-Auguste-Dominique Ingres d’ailleurs. Et je mets dans le même sac Jacques-Louis David qui les a précédé. Donc « une heure » de promiscuité, c’est déjà pas mal.

Il faut se farcir le style romantique avec ces poses outrées. Les commandes institutionnelles faites à Delacroix ne me passionnent pas non plus. Surtout ce plafonnage un peu trop démonstratif ou d’autres grandes pièces commandées par les institutions.

Mais ce jugement péremptoire tient aussi de la distance à laquelle on voit généralement ces œuvres.

Ce documentaire a une fois de plus l’intelligence de nous amener très près et de cibler les bonnes parties des tableaux. Les commentaires OFF sont plutôt bien faits et bien placés. On en finirait presque par apprécier certaines petites parties de la production de notre bon Eugène.

En tout cas les auteurs de cette « fresque » se sont donnés de la peine : sauf pour ce sorbonnard sentencieux Barthélémy Jobert, à l’écran, qui en fait des tonnes. L’académisme de l’un s’accorde bien avec l’académisme de l’autre.

Mais c’est un combat pour la réhabilitation qui est perdu d’avance. A quoi bon tenter de sauver son œuvre. Surévaluer « ça » revient à dévaloriser le meilleur qui est ailleurs. Par contre il y a des choses à dire sur l’homme. Et en effet on en apprend et cela nous maintient éveillé.

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Comment pourrait-on s’extasier sur ces toiles ultra connues, comme La Mort de Sardanapale, les Femmes d’Alger dans leur appartement, la Scènes des massacres de Scio ? En plus de ces peintures, on lui attribuerait presque Le Radeau de La Méduse de Géricault pour s’en débarrasser en seul lot. Cette filiation est d’ailleurs bien connue ; Géricault étant un des premiers inspirateurs de Delacroix.

Les peintures religieuses, dont les retables, le ramènent des siècles en arrière, ce qui fait beaucoup pour celui qu’on tente de faire passer pour un précurseur. C’est clair pour cette Vierge à l’Enfant, dite Vierge des moissons et aussi pour La Vierge du Sacré-Cœur. Les méchantes langues, dont je fais bien sûr partie, évoqueront le mièvre style sulpicien.

La Barque de Dante devrait nous prouver sa culture littéraire. Soit. Mais c’est aussi une œuvre on ne peut plus lourdingue qui aurait plus sa place comme illustration d’un livre scolaire sur Dante. Je ne suis pas sûr du tout qu’on puisse l’élever au rang de chef-d’œuvre, comme on le fait si souvent. En tout cas je ne suis pas béat d’admiration. Les béotiens, qui jugent l’art aux litres de sueur, trouveront qu’il a du bien se fatiguer et que « il faut le faire ».

La Liberté guidant le peuple a définitivement sa place dans les manuels de nos petits et elle ne devrait pas en sortir. C’est un peu comme pour Victor Hugo, l’affirmation politique tranchée qui s’impose dans leurs réalisations, leur assurent un piédestal pour la postérité ; ils brillent au fronton de la république bien plus que par leur seul talent d’exécutant. Pas touche, ils sont hors d’atteinte désormais. Ce serait crime de lèse majesté que d’oser mettre leur bébé glorieux en cause. D’ailleurs Hugo fut un de ses amis.

La Jeune orpheline au cimetière en fait trop avec ses yeux écarquillés. D’ailleurs ces yeux exagérément expressifs sont une marque de fabrique. On les retrouve même dans les études de lions. En cela, c’est en effet un précurseur… des outrances de FaceApp.

Le Voyage en Afrique du Nord d’Eugène Delacroix donne des tableaux à l’exotisme facile, mais on sent quand même une vraie conversion para-coloniale et la fascination qui en découle.

S’il semble embourbé dans sa trop dense peinture à l’huile, au point qu’elle alourdisse la composition, il se libère dans ses aquarelles, bien moins connues. Là souvent, l’imagination est libérée et il se montre à la fois plus intense et plus léger. La technique qui permet de surfer sur le support, le rend moins empesé; plus alerte, plus vif.

Il en va de même de ces illustrations « noir et blanc » du Faust de Goethe, son contemporain ; confer Faust, la représentation du mythe par Delacroix. C’est très daté dix-neuvième siècle avec ces diables grimaçants, mais cela vaut quand même un petit coup d’œil.

Son art devient plus fluide et plus téméraire à la fin de sa vie ; comme pour Saint Augustin d’Hippone. La fin (proche) justifie les moyens et tente d’effacer les errances passées.

On apprend dans ces témoignages du temps présent, qu’il aurait pu être musicien ou écrivain. Les allusions aux grands auteurs sont nombreuses. Peut-être s’est-il trompé de voie.

Personne n’a l’air de vouloir en parler, mais ces peintures n’ont pas correctement défiées le temps ; cela craquelle de partout.

Autres misères, mais qui sont le fait de l’émission cette fois :

  • Pourquoi vouloir encore utiliser cette “astuce” qui dissocie les éléments des tableaux en éloignant les parties les unes des autres et en recréant les arrières plans manquants, puis en réunissant ces composantes dispersées pour revenir à l’original ? Cette espérance de créer ainsi une 3D cinétique, un “éclaté”, me semble bien inutile. Et même, elle apporte de la confusion quant à la composition réelle de l’oeuvre. Et on voit cela partout maintenant.
  • De la même façon, pourquoi vouloir nous imposer une re-création en temps réel d’une des toiles; pinceau à la main ? Cette peinture imitative, qui se fait d’un bout à l’autre du documentaire, par phases successives imposées, et qui nous montre au final une caricature criarde et grossière, est franchement à éliminer. Là aussi, la série est coutumière de ce crime à la Norbert. On décerne au commis d’office, la Spatule d’Or.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Eug%C3%A8ne_Delacroix

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Auguste-Dominique_Ingres

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques-Louis_David

https://fr.wikipedia.org/wiki/Barth%C3%A9l%C3%A9my_Jobert

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