La foule (Crowd) (1921) 8/10

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King Vidor n’est pas qu’un joli nom facile à mémoriser. C’est un pointure dans son art. Un artiste de la réalisation, qui a inauguré des styles formels et une très agréable façon de raconter. Nous sommes au début des années vingt, on peut encore parler de défrichage.

C’est l’histoire d’un homme ordinaire qui croit à sa bonne étoile, depuis que son père lui a assuré qu’il aurait un grand destin. On le voit tout au long de sa vie. Adulte, il est interprété avec talent par le très prometteur James Murray.

Le comédien doué mourra jeune (35 ans)

Il part à la conquête de New-York confiant, mais sans savoir trop bien comment s’y prendre. Il se sent distinct de la foule (crowd) sans se rendre compte qu’il en fait partie autant que les autres. Il se moque de ce pauvre gars qui fait le clown, en homme sandwich porteur de publicité.

Il trouve un petit boulot dans un grand groupe d’assurance. Mais il ne parviendra jamais à gravir les échelons. Il est perdu dans la masse des centaines de tacherons, dans un open space perdu dans un gratte ciel.

Lors d’une sortie à quatre, il se lie avec une belle jeune femme, incarnée par la splendide Eleanor Boardman. L’amour qui naîtra sera vraiment puissant. Ils auront deux enfants.

Vient alors le temps des disputes pour trois fois rien. Des querelles de couple qui sont aussi stupides qu’éternelles.

La belle famille comprend vite que le couple est bloqué par le manque d’ambition du gendre.

Dans ce récit, tout ne semble pas écrit d’avance. Les embranchements sont multiples. Les êtres et les situations sont assez modernes, et même moins surdéterminées qu’on ne le fait à présent.

Plus tard, cet homme perturbé par la mort accidentelle de leur fillette partira en vrille. Il quitte la sécurité de son travail et enchaîne les petits boulots. Rien ne fonctionne. Il se retrouve homme sandwich comme l’homme dont il avait ri à son arrivée. Sa femme ne le quittera qu’en dernier ressort.

Il y aurait eu sept projets de fins différentes. Mais la production nous fait une fleur. L’épouse ne partira pas vraiment. L’amour étant plus fort que tout. Le dernier plan les met dans une salle de spectacle où ils se bidonnent comme tout le monde, de très bon coeur. L’hilarité générale est quasi felliniesque.

Tout cela est en noir et blanc et en muet. Et ce n’est vraiment pas un obstacle. Hormis quelques roulements de yeux exagérés, les acteurs sont incroyablement efficaces et attachants. Ils sont présents et leur style reste curieusement actuel. Ce bon de 100 ans vers d’autres nous-mêmes est impressionnant. Bravo les artistes.

Ce vieux breuvage, resté si longtemps dans sa bouteille, est paradoxalement raffraichissant. Surtout si l’on vient de se coltiner quelques uns de ces nanars de la sinistre production française actuelle.

C’est bien le souffle épique d’un conteur à l’esprit libre et profondément humain, qui nous traverse dans cette saga. Pas étonnant que cela nous fasse vibrer encore.

Ça n’a pas de prix. Saurez-vous l’apprécier ?

https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Foule_(film)

Eleanor Boardman
James Murray

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