A star is born (2018) 8.5/10 Bradley Cooper + Lady Gaga

Temps de lecture : 4 minutes

A voir obligatoirement en anglais.

Une star naît, une autre disparaît. Une histoire simple et efficace. Un scénario qui semble sans surprise puisque c’est le énième remake. Mais ici le genre est habilement revisité.

Ce film que l’on pourrait classer à première vue sous le titre repoussoir de comédie musicale, ne l’est pas vraiment.

La musique peut plutôt être considérée ici comme la bande son du film et son épine dorsale. Elle souligne le propos, est constitutive de l’histoire, mais ne s’intercale pas comme dans les films musicaux classiques. Ouf !

Sur fond de scène néo-pop, une composition très solide faite de couleurs vives et qui sont appliquées sans ménagement, au couteau. C’est enrichi de touches pastel bien placées.

Contraste étonnant ! Sous la force souvent crue et brutale du propos, presque tout est amené dans la finesse par l’allusion et l’understatement.

Il y a un pudeur subtile dans le film qui accompagne sans les affadir, les puissances telluriques et les tensions astronomiques du récit. La bête est à peine domptée, mais elle reste extrêmement dangereuse.

Et surtout, ici on prend les spectateurs pour des gens intelligents. On les amène à reconstruire dans leur tête une grande partie du récit.

– Comme pour la scène du garage, où rien ne paraît vraiment totalement déterminé, mais tout mène quand même sans possibilité d’y échapper à l’inévitable. Et pourtant on ne nous montre que quelques ombres dans la caverne, juste quelques signes discrets, mais imparables.

– La scène des Grammys est également dans un équilibre précaire. On sait au fond de nous-mêmes ce qui va arriver, mais tout reste relativement indéterminé. Un coup à droite, un coup à gauche et l’estocade finale et imprévisible du « pantalon ». La botte secrète ! Touché au coeur !

– Dans la scène où Bradley se laisse aller et a des mots blessants pour Lady Gaga, on est tellement impliqué qu’on voudrait pouvoir intervenir et l’arrêter… Encore une illustration de la liberté que nous donnent les auteurs/interprètes.

Le cinéma US nous sert régulièrement des acteurs alcooliques à la dérive. Mais ici tout ne semble pas joué d’avance. Et comme le dit Lady Gaga avec infiniment de compréhension « it’s a disease »

On pourrait parler de sobriété dans le jeu, ce qui est paradoxal quand un personnage central est en proie à toutes les addictions.

Il y a un travail considérable des acteurs principaux. Ils sont non seulement des comédiens accomplis et qui mouillent sérieusement leurs chemises (voire leur pantalon), mais ils sont également des chanteurs et musiciens accomplis. Parfaitement crédibles dans la peau d’artistes talentueux. Une performance exceptionnelle et largement Oscarisable, mais qui pourtant n’a pas l’outrance habituelle du sur-jeu des primés (*).

Et le talent ne s’arrête pas là, car Bradley Cooper coécrit, coproduit et réalise le film ( son premier) !

Le début est un concentré où tout se met en place extrêmement vite. Dans une quasi unité de temps et de lieu. Pas de temps à perdre.

L’intensité de ce film de deux heures vingt est telle qu’on se demande au milieu, pendant une petite accalmie, s’ils vont pouvoir tenir la distance. Il y a un petit passage à vide, mais cela repart de plus belle et ils y arrivent sans peine.

L’excellent rythme, la qualité de la musique, la puissance du propos, la crédibilité de l’histoire, la force des images, l’intelligence du montage nous embarquent sans problème dans ce grand voyage.

Les acteurs ne font pas semblant, ils SONT. Le superbe comédien Bradley Cooper qui nous a ébloui plus d’une fois, EST là une pop star. Lady Gaga qui est déjà une pop star, EST là une actrice de tout premier plan. On en prend plein les yeux et plein les oreilles. C’est beau, fusionnel et sincère.

Lady Gaga fait des gammes dans son propre registre musical. Puisqu’elle nous interprète avec talent toutes les nuances de ce que peut être une artiste. De l’artiste de bar à l’icône frelatée du show-biz, en passant bien sûr par la chanteuse talentueuse et confirmée qu’elle est en réalité. Elle donne un vrai spectacle. Pour ne citer que la première chanson du film, La vie en rose, c’est repris dans un excellent français. Magnifique !

J’ai eu la chance inouïe de voir tout le film sans me douter une seconde que j’avais à faire à la célébrissime Lady Gaga. Ne vous moquez pas de moi. C’est un personnage que je ne connais qu’assez peu en dehors de ses facéties. Méconnaissable pour moi, sans sa « robe en viande ».

J’ai donc apprécié en toute objectivité, en tout cas sans aucun a priori, une jeune actrice débutante avec une forte présence, au physique un peu ingrat et qui m’a semblé une révélation cinématographique et musicale.

Dans le film initial et les premiers remake, par exemple celui de 1954 avec Judy Garland et James Mason, soit c’était l’égalité entre les deux principaux personnage soit il y avait un petit avantage pour le rôle féminin. Ici, il me semble qu’il y a un petit plus pour le rôle masculin. Tant il est christique et comme cloué sur sa croix.

Un grand bravo à Bradley Cooper pour ces mouvements de fauve blessé, ses regards incisifs, ses interrogations, ses certitudes parfois, ses mises en danger, ses changements de voix au gré de ses chutes et rechutes et somme toute l’intelligence de son jeu.

Son engagement vis à vis de Lady Gaga est tel, et vice versa, qu’on pourrait croire qu’ils sont vraiment ensemble. Et ils l’ont été !

Dieu merci, c’est un film américain de descente aux enfers qui ne nous fait pas le coup de la rédemption et du happy end.

The show must go on.

(*) Rami Malek, qui a eu l’Oscar du Meilleur acteur au détriment de Bradley Cooper correspond justement à ces excès qui plaisent tant au jury. Cooper à mon humble avis méritait davantage le titre.

Lady Gaga, ne serait-ce que par le régal de nos oreilles mais eu égard aussi à sa prestation d’actrice méritait également la statuette, en tout cas bien plus que Olivia Colman.

https://fr.wikipedia.org/wiki/A_Star_Is_Born_(film,_2018)

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