Black Book. Verhoeven. Moszkiewiez. Carice van Houten, Sebastian Koch. Jacques Mandelbaum. 6.5/10

Temps de lecture : 4 minutes

Cet opus est un chapitre non encore exploré d’une grande saga qui a été traitée en plusieurs films.

Et pourtant ce segment occupe encore un format titanesque. Il impose donc de nombreux raccourcis. Il n’est pas rare que dans une même scène, surviennent plusieurs circonstances fortuites, avec des probabilités invraisemblables.

Mais comme cela défile vite, nombreux seront ceux qui ne s’en rendront pas compte de ce sérieux manque de réalisme. En plus la cause est noble et incite au pardon du téléspectateur. C’est sans doute ce qui arrive à notre critique Mandelbaum.

Je serais plus nuancé sur cette œuvre qui prétend être issue d’une histoire vraie.

En 2006, Paul Verhoeven a d’autres chats à fouetter. Il vise l’efficacité maximale, tout en ménageant le plus d’émotion possible. Cette lourde romantisation du sujet est manifestement ce qu’on appelle du cinéma grand public. Le réalisateur hollandais de RoboCop, Total Recall, Basic Instinct, Starship Troopers, ne fait pas dans la dentelle.

La néerlandaise Carice van Houten est une jeune actrice formidable. Elle est pétillante, intelligente, nuancée, incarnée, mais aussi très jolie et très bien faite. Comme on la voit souvent dénudée, il n’y a pas de doute à ce sujet. Mais les spectateurs mâles pourraient n’en avoir que pour leurs yeux. La belle qui vit avec un homme, et ce n’est pas toujours le même, a fait aussi une sorte de coming-out homosexuel, dans son livre Antiglamour. C’est bien compliqué pour une actrice chanteuse qui semble tout nous donner au premier regard. Mais l’art du comédien est de savoir bien nous tromper.

Elle est également chanteuse, dans la vraie vie et à l’écran. On s’en rend compte avec ses belles interprétations. Sa prestation complexe sera récompensée par plusieurs prix.

C’est elle, et quelques acteurs méritants, qui peut nous amener à être indulgents.

On peut aussi gloser sur ses amours litigieux avec le nazi incarné par Sebastian Koch. Espionne, contre-espionne, agent double, femme vendue ? Mais leurs amours sont belles et on sent leur penchant l’un vers l’autre. Pas étonnant quand on sait que nos deux lascars ont longuement fricoté ensemble dans la vraie vie, suite à ce tournage.

Halina Reijn nous fait une opportuniste qui survivra grâce à ses fesses à tous les régimes, toutes les compromissions.

Mis à part les invraisemblances, liées aux trop grandes unités de lieu et d’action, le film est joliment tourné. Bien qu’on soit en guerre et dans des drames effroyables, c’est « agréable » à regarder.

Les méchants sont très « visiblement » des salauds, comme ce Waldemar Kobus. Ah qu’est ce qu’on le déteste celui là.. Les gentils ont ce beau regard clair, ils forment un clan de résistants.

Le bel Hauptsturmführer de la Gestapo Ludwig Müntz, est lui forcément du mauvais côté. Mais l’amour et la perspective de fin de la guerre, l’amèneront à changer de camp. C’est comme cela dans le spectacle facile qui réclame de la clarté et de la rédemption.

Un suspense à rebondissements des plus classiques, veut que le traître au groupe est celui qu’on soupçonne a priori le moins (n’est-ce pas Thom Hoffman ?). Il y a donc une exception, traînée d’un bout à l’autre, dans ce pseudo biopic sur Hélène Moszkiewiez, et qui confirme la règle.

Les questions maîtresses de la guerre, de la Résistance, de la collaboration, des jugements expéditifs de la Libération, sont traitées ici, mais sans qu’il y ait quelque chose de révolutionnaire dans ces approches. Au contraire, le travail de Verhoeven semble quelques crans en dessous de nombreux reportages, plus clairs et plus incisifs.

***

Le Black Book éponyme permettra de confondre les plus compromis. Ce carnet tient peu de place dans le scénario de 2h20, mais il est bien entendu essentiel. Surtout si l’héroïne et auteur du livre parait surtout vouloir se dédouaner des soupçons qui pèsent sur elle.

Les rescapés à la tondeuse facile, comme les “résistants” de la dernière heure, ont toujours du mal à digérer que « leurs » femmes couchent avec des gradés allemands, surtout si comme ici, c’est une vraie idylle. Le sexe mène encore le monde.

Arletty a connu cela avec Hans Jürgen Soehring et ce n’était pas du cinéma. Coco Chanel était avec un baron allemand, Hans Gunther von Dincklage, et ce fut au mauvais moment. Mais on a reproché principalement à cette grande naïve, sa collaboration avec les services d’espionnage SS.

***

On est bien dans du cinéma lourdement souligné et donc qui s’avère lisible par les moins exigeants. Question vitale de box-office, surtout quand on mis 18.000.000 €, en vrais billets, sur la table.

Jacques Mandelbaum du Monde, qu’on a connu plus rationnel, s’est enflammé pour cette œuvre qu’il estime « d’une intelligence et d’une audace remarquables ». Il en rajoute avec « Cette leçon d’humanité et d’inquiétude se situe dans le sillage des quelques rares chefs-d’oeuvre qui se sont dignement confrontés à cette histoire, Le Dictateur, de Chaplin, To Be or not to Be, de Lubitsch, ou Monsieur Klein, de Losey ». Sans doute était-il sous le charme de Carice van Houten, ou bien dans une tour d’ivoire idéologique, pour dire de telles bêtises.

Il note ce qui lui semble « la qualité de la mise en scène », ce qui cette fois n’est pas faux.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Black_Book

https://www.lemonde.fr/cinema/article/2006/11/28/black-book-paul-verhoeven-brouille-les-pistes-du-bien-et-du-mal_839532_3476.html

Envoi
User Review
0 (0 votes)

Laisser un commentaire