Chok-Dee (2005) 7/10 Dida Diafat, Giraudeau

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Il y a du bon dans ce film, qui traite de ce franco-algérien modeste qui se confronte à la boxe thaï. Il démarre au plus bas de l’échelle, pour finir en beauté, vraiment tout en haut.

Une ascension vertigineuse sur le toit du monde.

Plus qu’un biopic sur un très grand champion du monde, Dida Diafat, c’est un récit de sa vie. Un relevé d’informations sur une manière de faire. Ce qui peut être utile à certains déboussolés.

Il y joue son propre rôle. Ce qui est une garantie, car il est doué dans les deux disciplines, le sport et l’écran.

Dommage que la fin triomphale soit si prévisible, pour ce héros dont on sait, lorsqu’on achète son billet, qu’il a été onze fois champion du monde.

On perçoit clairement, sous cette gangue de dureté bien réelle, à laquelle il a été confronté, la volonté de nous montrer un panel des bons sentiments nécessaires si l’on veut s’en sortir.

Il faudrait que son exemple serve de leçon. Une intention didactique qui est louable en soi, avec cependant, si on veut être honnête, la nécessité de développer des contrepoints, des bémols et/ou des mises en garde à cette thèse un peu trop linéaire.

Ça c’est le boulot des critiques qui veulent mouiller leur chemise. Les béni-oui-oui de service, ceux qui se repassent les plats, ne sont pas appelés à monter sur ce ring.

Il faut donc préciser quelques évidences ; pas si évidentes que cela pour tout le monde, en particulier pour certains jeunes pressés d’arriver.

  • Tout le monde ne devient pas le point de mire ultime de la Nation. Il n’y a qu’un champion du monde par catégorie chaque année et une seule Miss France (On peut rajouter : une championne et un Mister France, si cela peut vous faire plaisir). C’est même le principe de ces concours. Mais cela ne doit pas décourager ceux qui cherchent à en sortir. Le monde n’est pas fait que de premiers, de seconds… de derniers. On peut avoir une vie accomplie sans se mesurer ainsi en permanence aux autres. La maîtrise du métier choisi, fait de chacun un premier. Même s’il ne faut pas négliger l’émulation, qui permet les évolutions.
  • Il est question principalement de la force de la volonté. Mais il y a bien entendu d’autres qualités inhérentes au personnage et qui font qu’il est devenu ce qu’il est. Je doute que les autres compétiteurs tablent exclusivement sur la « motivation » pour y parvenir. Si c’était le seul moteur nécessaire, comme cela est si souvent présenté dans un certain mode ciné, alors il n’y aurait que des premiers.
  • Il ne suffit donc pas d’avoir la hargne, la détermination, le besoin viscéral d’en découdre, la capacité à encaisser des coups au propre comme au figuré. Ces atouts précipitants, font la différence tout en haut de la préparation, pas en bas. Mais bien entendu cet attirail guérier permet un folklore grimaçant, bien démonstratif à l’écran.
  • Parmi les autres qualités requises, il semble qu’il faille aussi de la loyauté. Ce petit trésor de confiance est durement conquis par les deux protagonistes, qui se sont connus en tôle. Pour en arriver là, il faut aussi franchir des épreuves.
  • Il est dit, et c’est sans doute un des points majeurs, que le travail intense, la méthode, l’application, la persévérance tranquille, l’écoute des anciens, sont des éléments indispensables. C’est ce chapitre essentiel que négligent généralement les jeunes générations. Sans la motivation émotionnelle, le soufflet retombe vite chez ceux qui privilégient l’instantané. C’est la faiblesse bien connue de la jeunesse. Mais les échecs cinglants, les grosses baffes de la vie, sont là pour leur apprendre. L’expérience n’est pas transmissible, qu’on se le dise une fois pour toutes.
  • Ce qui n’est pas dit ici explicitement, c’est cette nécessaire « petite » différence qui tient de l’équation personnelle. Certains parlent de don. Le plus grand a ce « je ne sais quoi » en plus. Si on savait de quoi il s’agit, on saurait comment fabriquer des champions à la chaîne.

– – –

Le vieux coach est joué par Bernard Giraudeau. On finit par croire à son curieux rôle de sage de la boxe « bouddhiste ». Il est incarcéré pour longtemps, car il a été piégé par son ex associé. Mais cette embrouille avec des kilos de cocaïne, on ne l’apprendra que plus tard.

  • A noter que mettre de tels faits ou supposés faits, dans un biopic est assez casse-gueule légalement parlant. J’espère qu’ils savent ce qu’ils disent.

Cet « innocent » judiciairement parlant, n’est pas un demi-sel. Il rumine sa vengeance.

  • Je ne suis pas assez averti pour juger de ces conseils en boxe thaï. Bernard Giraudeau, contrairement à Diafat, est plus acteur que boxeur. C’est évident.

Le plus tout jeune, Dida Diafat, retourne régulièrement à la case prison. C’est le point de départ du film. Il n’arrive pas à se sortir de ce cercle vicieux. Sa pauvre mère est désespérée.

Il va profiter des acquis de l’ancien pour canaliser son trop-plein d’énergie dans ce sport exotique. C’est curieux, mais il n’a rien d’autre sous la main. Il faut croire que c’est vrai.

  • Bon sentiment encore, pour Giraudeau qui veut renouer des liens avec sa fille qui vit en Thaïlande la patrie de sa mère. Il faut dire qu’on a à faire à Florence Vanida Faivre, une belle pointure métisse.

Et puis il y a cette ascension difficile et méritante de Diafat, en tant que « Chok-Dee ». C’est le gros morceau.

  • Je vais être le seul commentateur à ne pas vous traduire cette locution.

On nous en décrit toutes ces difficiles épreuves qu’il a enduré.

Avec un petit pécule et pas mal d’obstination, il se rend en Thaïlande.

On nous montre d’abord sa folle détermination à entrer dans la meilleure école de boxe. Un établissement réputé mais qui ne paye pas de mine. Il est exclusivement réservé aux autochtones. C’est foncièrement élitiste et basé sur l’efficience. On ne plaisante pas ici.

Et on ne veut vraiment pas de lui. Il est handicapé du fait qu’il part de zéro, qu’il n’a pas de recommandation, qu’il n’a pas d’argent. Et ces blancs on la réputation de perdre leur énergie avec les filles. On reste entre soi.

Si on y pratique l’excellence, ce n’est pas pour autant de l’art pour l’art. La principale motivation de ces centres d’entrainement, c’est qu’il y a beaucoup de pognon en jeu. Les poulins ne sont pas mieux traités que de possibles chevaux de course (ou plutôt, si on veut faire “local”, des coqs de combat). Les grossiers percherons sont éliminés sans ménagement.

«Ici si tu cognes, tu gagnes ». Inutile de chercher une pseudo-sagesse orientale des arts martiaux, ça ce sont les bêtises convenues à destination des occidentaux. A la dure comme à la dure.

Le fait que ce roi muay-thaï daigne descendre du ring, pour nous faire part de son expérience, est un réel plus. Il faudrait quand même pouvoir faire le tri entre la réalité toute crue et un certain storytelling.

En tout cas bravo au champion de boxe, au co-écrivain du livre réalisé avec Henry-Jean Servat, à l’acteur, au co-scénariste, à l’homme d’affaire, au bon fils, au bon camarade… et même au politique qui s’est impliqué dans les banlieues.

On est forcé de mettre un 7/10 à ce « bon client »

https://fr.wikipedia.org/wiki/Chok-Dee

https://www.facebook.com/dida.diafat.officiel/

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