Il maestro di Vigevano. Topaze. Maître Sordi. Claire Bloom. 8/10

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Pour mieux percevoir les subtilités du jeu de Sordi, ce film gagne à être vu en italien sous-titré. Le doublage dévalorise ce grand bonhomme si expressif. La parfaite conjonction du ton et des manières lui rend justice. Et puis l’italien n’est pas du chinois ; on devine donc quand il faut.

Il maestro di Vigevano est un grand film, qu’on pourrait facilement laisser de côté, tant il n’a l’air de rien.

C’est une histoire d’instituteur pauvre et intègre, dont l’avenir sera perturbé suite à une crise morale et pécuniaire, façon Topaze (1951).

Dans ce village industrieux de la chaussure, il y a des places pour les initiatives individuelles. Le couple saura-t-il ravalé ses scrupules, accepter de descendre de quelques crans dans les valeurs de l’esprit pour en gagner bien plus dans l’échelle sociale fondée sur l’argent ? Il faut être sûr de soi, pour se lancer dans une telle aventure. Et le petit enseignant qui vit dans l’abstraction des livres, manque de courage concret ou d’audace.

  • Fernandel, tourmenté entre les devoirs sacrés de l’éducation et les compromis malhonnêtes hautement lucratifs du monde profane, nous la faisait en noir et blanc, moitié comique, moitié futé. Mais il n’y avait pas trop à rajouter sur cette partition sans risque et efficace de Marcel Pagnol.

L’Alberto Sordi de 1963 se permet des gammes de jeu d’une envergure bien plus large. On frôle le génie. Il va bien au-delà de ce qu’on croit connaître de cet acteur plutôt « rigolo ».

Elio Petri, un réalisateur politisé assez peu connu, en aurait-il tiré le maximum ? Il est plus plausible, que le metteur en scène ait lâché totalement la bride à une telle légende de l’interprétation. Notre habile Fregoli a très bien pu se faire tout seul. Bien entendu il y a aussi une composante de farce, mais cela se dilue dans un ensemble bien plus large. Les scènes les plus basiques, voire Commedia dell’arte, se justifient même par le soucis de figurer la panique clownesque d’un « Sordi à l’école ».

L’autre manœuvre intéressante a été de glisser dans le lit de cet acteur peu connu pour son sex-appeal, la magnifique et inespérée Claire Bloom.

L’équation devient alors : Sordi l’honnête homme + Bloom qui commence à en avoir marre de la disette, contre Alberto qui cède maladroitement aux tentations mais ne parvient pas pour autant à satisfaire Claire, qui elle en profite pour s’émanciper et échapper au maître…

Les fortes capacités de déduction et d’intuition du professeur, le prévenaient que le risque était très élevé. Mais il n’avait sans doute pas d’autre choix que de se lancer dans cette ultime tentative de désamorçage d’une situation maritale compromise.

Le long cheminement interne est bien exposé dans le film. Ce n’est pas le tout ou rien de Topaze, ce sont des allers retours incessants, des calculs, des approches… avant de franchir le Rubicon.

La fin consiste en un retour à la case départ, dans sa bienheureuse routine, mais cette fois « débarrassé » de sa femme. Ce qui était sans doute la meilleure solution.

Il y a de la matière dans tout cela. C’est bien épais, sans être le moins du monde bourratif. Et on a droit en prime à une belle satire du monde enseignant et de bien d’autres choses. Sordi mène sa classe comme si il était en guerre contre l’ignorance, avec en outre un saint respect du commandement. Tel un Louis de Funès transalpin, il est obséquieux avec ses supérieurs mais sans pitié avec ses élèves. Les profs de l’époque n’ont pas du tout été d’accord, preuve qu’ils avaient visé juste.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Il_maestro_di_Vigevano

https://fr.wikipedia.org/wiki/Alberto_Sordi

https://fr.wikipedia.org/wiki/Claire_Bloom

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