Ku Klux Klan, une histoire américaine (2019) 8/10

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Un documentaire en deux parties sur Arte.

Je ne m’attendais pas à ce que l’organisation criminelle KKK ait pris une telle envergure.

Partant d’une sorte de blague de jeunes sudistes en 1865, à la fin de la guerre civile, elle s’est diffusée comme une traînée de poudre et a fini par concerner de très nombreux Américains.

Elle a compté jusqu’à 4 à 6 millions de membres officiels, alors que par définition, elle ne recrutait que les blancs protestants racistes, antisémites, anticatholiques et suprémacistes, du sud. Par moment, elle a même acquis un semblant de respectabilité.

Cela a été le catalyseur d’un mal profond.

La guerre de sécession avait pour enjeu la fin de l’esclavage. Mais les états du sud, même en ayant perdu, ne pouvaient se résoudre à accepter la moindre émancipation des noirs.

D’abord par intérêt, et dans la mesure où ils voyaient s’échapper une main d’œuvre captive et bon marché. Napoléon n’a pas fait mieux, en rétablissant l’esclavage, pour les beaux yeux de Joséphine.

Ensuite par conviction raciste, car ils estimaient qu’ils étaient nettement au dessus d’eux, qu’ils représentaient eux la civilisation, et qu’il ne pouvait y avoir aucun métissage avec ces êtres inférieurs, qualifiés souvent d’animaux.

Leur racisme fondamental les a fait s’accoquiner avec le nazisme à certains moment.

Ils avaient aussi le fantasme du noir hyper-sexué et qui désirait « leurs » femmes blanches.

  • Ce mythe du noir violeur a été largement entretenu par le film de Griffith « Birth of a nation » (1915), qui a connu un succès considérable. Sans doute le premier film blockbuster, dont les qualités cinématographiques sont indéniables, mais à l’idéologie naïve clairement pro-sudiste. Le KKK y est montré comme une organisation noble, chevaleresque et vertueuse, qui fait le ménage et punit ces méchants criminels noirs.
  • Ce très long métrage contribuera, sans doute involontairement, à forger durablement l’identité au groupe. Ces membres finiront par adopter les différents codes, vestimentaires et autres, tels que propagés par cette œuvre.

Ces hommes qui se pensaient lésés ont vite compris qu’il fallait empêcher par tous les moyens possibles, l’affranchissement. Pour cela ils ont bloqué l’accès des noirs à l’éducation, aux postes administratifs et aux votes. Ils ont réussi à les maintenir dans ce dénuement, presque pendant un siècle. Dans le sud les noirs sont restés des sous-citoyens, voire des sous-hommes bien longtemps.

La prospère entreprise KKK est vite devenue une organisation spécialisée dans l’intimidation et le terrorisme. La cagoule et les codes internes garantissaient le lâche anonymat. Des bandes, d’abord informelles, se sont arrogées des pouvoirs de police, avant qu’elles ne deviennent de véritables gangs structurés, mais toujours incontrôlables. Quelques fous sanguinaires ne sont pas fait prier pour se livrer à une répression sanguinaire. Les lynchages sont devenus très fréquents. Les tortures et les mutilations abjectes les ont accompagné.

Par la suite des opportunistes ont compris l’intérêt de s’organiser et de se fédérer. Au cours de son histoire, le KKK a même cherché la respectabilité. Et quand ils ont atteint la masse critique, ils ont pu intervenir dans les décisions politiques. Le principe démocratique est impuissant quand le grand nombre décide de choisir une mauvaise voie. Les politiques ambitieux n’ont pas d’autres choix que de suivre et/ou de feindre qu’ils en sont les moteurs.

Il y a toujours eu un désir particulier des humains de faire partie de puissants groupes comme celui-ci. Ce collectif apportant au tout venant, ce sentiment grisant d’appartenance à une caste. Surtout pour se livrer à cette nouvelle chasse aux sorcières.

  • L’intégration rituelle leur procure la fierté d’être un « élu ». On discute encore d’éventuels rapprochement d’illustres franc-maçons avec le Klan. L’anticatholicisme, une certaine promotion du retour dans les temples, et la tempérance affichée, n’ont pas manqué d’intéresser certains pasteurs, en tout cas au début.

Les mauvaises passions réprimées par l’éducation, sont ici exacerbées. Les réunions permettent de se désinhiber et de libérer sa haine primitive.

Il faut comprendre le poids des symboles, ces « milestones », dans l’histoire des hommes.

Le film de Griffith en a été un. Les strange fruits, où pendaisons multiples en est un autre. Ces abominations ont même été l’objet d’un vaste commerce de cartes postales.

Mais il faut aussi connaître ces grands moments à forte portée symbolique, que sont l’attentat de Birmingham (1963), l’assassinat des 3 activistes des droits civiques dit du Freedom Summer (1964), le meurtre de la militante blanche Viola Liuzzo (1965), le lynchage de Michael Donald (1981) et autres événements largement médiatisés.

  • La mort par étouffement de George Floyd en 2020, a eu le même genre de retentissement. L’affaire judiciaire est toujours en cours.

L’enjeu en a été considérable.

D’un côté cela a conforté l’idée d’une impunité sudiste. La police locale a même aidé les exactions. Les juges blancs des états concernés, n’ont pas condamné ces crimes, pourtant clairement démontrés. Hoover a enterré des dossiers.

  • Il a également comme à son habitude cherché à torpiller la réaction émancipatrice en qualifiant ses membres les plus influents de communistes

Ce mal s’est révélé un bien. Cela a bousculé les bonnes âmes et réveillé les consciences nordistes. Et donc cela a permis la mise en route du puissant mouvement des droits civiques.

Aussi bizarre que cela paraisse le héros de bande dessinée Superman a servi la cause anti-KKK.

Mais pour avancer réellement, il a surtout fallu les grandes marches symboliques et pacifiques et plusieurs assassinats notables, comme celui de Luther King. Lindon Johnson, qui a fait suite aux Kennedy, a fait ce qu’il fallait pour que cela commence à bouger. Les dirigeants ont donné les moyens légaux qui permettent le libre exercice du droit de vote, pour tout le monde. Les coupables de meurtres ont enfin été condamnés. La ségrégation a été fortement réprimée.

Ce qui n’a pas empêché plusieurs loups solitaires de se livrer à de très meurtriers attentats

L’arrivée d’Obama a été comprise comme une véritable révolution des mentalités.

Le film nous montre quand même qu’il pourrait y avoir quelque chose de nauséabond qui traîne encore dans certains esprits et qui ne demande qu’à prospérer à nouveau. En particulier le futur basculement démographique qui fera des blancs une minorité comme une autre. C’est la problématique du « grand remplacement ».

Trump, dont on connaît l’inclination pour le white power, a refroidi l’enthousiasme démocratique.

Les opinions racistes et/ou de haine raciale sont toujours tolérées par la sacro-sainte liberté d’expression.

Mais Beulah Mae Donald, une mère courage, a ouvert une brèche. C’est la maman du jeune Michael, qui a été lynché gratuitement par des membres du KKK en 1981. Elle a obtenu de mettre en cause la responsabilité du groupement, en plus de la responsabilité des individus. Cette condamnation d’une idéologie et de ses incitations aux meurtres, est une première. Les 7 000 000 $ obtenus ont mené le KKK à la faillite financière.

https://www.lemonde.fr/culture/article/2020/10/13/ku-klux-klan-une-histoire-americaine-les-demons-racistes-des-etats-unis_6055888_3246.html

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