Monsieur Schmidt (2002) 8.5/10 Nicholson, Hope Davis, Payne

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About Schmidt

Titre sobre et bien trouvé.

Un film du vieux monde, mais parfaitement exécuté.

Une œuvre qui va loin.

Monsieur Schmidt, c’est Jack Nicholson vieillissant (65 ans).

Il s’en va vers une consternante retraite. Ce sont les premières images. Plus de place pour le vieux, plus de valeur d’usage. La « fête » de départ est une sorte d’enterrement rituel. On y met les formes, on flatte, on cajole, mais cela ne veut dire que cela. Classique mais bien vu !

Sa femme qui vient de l’inciter à acheter un gigantesque motor home, décède dès le début du film. Belle scène symbolique de l’aspirateur.

  • Quand il l’a quitté quelques heures avant, elle passait l’aspirateur et quand il revient, il entend de loin ce pénible engin. Morte, bien entendu elle n’a pas pu l’éteindre. Cette mécanique, cette routine du nettoyage perpétuel, figurent l’exténuante roue de vie, le cycle auquel personne d’ordinaire n’échappe.

Il est triste et seul. Il se laisse aller un bon moment.

Bien que tout le monde soit poli et civil avec lui, au fond personne ne se soucie vraiment de lui. Ni ses anciens collègues, ni sa fille. Il finit même par découvrir que son « ami » de toujours, a couché avec sa femme.

Il évolue dans un monde très ordinaire, de convenance, de médiocrité et de petits égoïsmes. Il joue lui même parfois au veuf éploré.

Mais, au fond de lui même, il n’y est pas à sa place.

Le film oscille constamment entre son acceptation et sa révolte. L’une et l’autre sont le plus souvent masquées. Ce qui assure des situations intéressantes.

Il avait de grands espoirs pour sa fille. Jouée par la très efficace actrice britannique Hope Davis.

Mais elle va se marier avec un petit vendeur superficiel. Un jeune sans tact, sans culture, qui n’hésite pas à proposer au veuf une combine financière, pendant le tout début du deuil. Il ne fait pas grand-chose, mais il incarne à merveille la veulerie ordinaire.

C’est très bien interprété par l’acteur Dermot Mulroney. Les situations vulgaires sont finement cadencées. Cette moustache et cette queue de cheval déjà passablement ringardes à l’époque, sont parfaites. C’est fortiche, car il n’y rien de plus dur, que de rendre la bêtise ordinaire. Sauf à tomber dans la caricature.

Jack aimerait bien dissuader sa fille. Il en fait même le seul but du dernier chapitre de son existence. Il attaque et esquive sur tous les tons. Mais il s’y prend mal. Et de toute façon sa progéniture n’a guère plus d’horizon que cela, quoiqu’il en pense. C’est peut être mieux ainsi.

Sa fille « adorée » est conventionnelle, le regard en coin, semblant toujours avoir quelque chose sur le coeur. Elle lui reprochera même d’avoir choisi le cercueil le moins cher, à son père.

Lorsqu’il voudra la voir, elle cherchera chaque fois à l’en dissuader. Pas qu’elle le déteste, mais plutôt qu’elle ne veut pas mettre en danger le triste nid protecteur qu’elle convoite. Ce n’est pas la joie.

Là encore, les rapports dégradés père fille, mais qui maintiennent grosso modo les apparences, sont bien mis en scène.

Il y a une bonne dose d’énergie produite par le choc de ce monde d’illusions, de paraître, de frustrations avec l’extériorisation progressive de l’immense force intérieure de Nicholson.

Ce grand fauve jusque là totalement bridé, cherche le moyen de sortir de la gangue dans laquelle il s’était enfermé.

Preuve de son émancipation, lui qui était contraint par sa femme d’uriner assis, se dresse et pisse debout. Puis tout autour de lui dans une satisfaction jubilatoire.

  • Pour avoir été à lâge de six ans dans la même situation libératrice, je peux vous garantir que cela fait du bien à l’âme de bénir ainsi les quatre coins du globe, en pissant généreusement sur les murs.

Accessoirement, mais non sans importance, sur un coup de tête, après avoir visionné un clip caritatif sur les enfants du tiers monde, il s’engage dans le parrainage d’un petit tanzanien.

Jack lui écrira de longs monologues, qui sont des prétextes à dire tout le mal qu’il pense de son entourage.

Il entame un road trip purgatif avec son home truck. Il va de-ci delà, à la recherche de lui-même et de ses racines. Bien vu, les désillusions du retour aux sources. Il a beau être heureux d’avoir retrouvé la maison de ses origines, ce n’est quand même à présent qu’une station service.

Il est maladroit dans ce nouveau monde sans claire routine. Il fera la rencontre d’un couple dans la communauté de campeurs motorisés. La femme lira dans son âme. Il est plein de peur, de solitude et de colère. Le Lion, presque apprivoisé par la circonstance, fera un faux pas. Ce qui donne lieu à une belle scène.

Toutes proportions gardées, à ce moment, on n’est pas loin de l’esprit déjanté de Mammuth, autre road trip, avec là aussi un monstre sacré, Depardieu.

Nicholson, le solitaire, l’inadapté, a dit qu’il mettait 70 % de lui-même dans ses personnages. On veut bien le croire.

Puis, très décidé, il s’embarque pour le mariage de sa fille.

La belle mère divorcée, l’étonnante Kathy Bates vaut le détour, en vieille femme libérée qui lui fait des avances.

La cérémonie nuptiale est totalement convenue, mais c’est tellement bien restitué qu’on a même l’impression qu’on a du assister à quelque chose du genre soi-même.

Nicholson, le beau père imprévisible prend la parole. Une tension dans la salle. Il hésite et finit par un discours de remerciements à tous, totalement hypocrite, mais qui doit satisfaire sa fille et les convives. Au point de se retrancher dans le toilettes, tant il a la nausée. Une nausée existentialiste, toute sartrienne.

Il y a un parallèle lointain avec un autre film de qualité où un solitaire intelligent est mis sur la touche lors du mariage de sa fille, c’est Last Chance for Love, avec l’impeccable Dustin Hoffman.

Nicholson concentre toute la résistance que permet l’introspection qui est en nous. C’est une opposition sourde au monde corseté des convenances et des préjugés. Règles sans doute nécessaires, a minima, mais qui progressivement nous débordent et qui finissent par nous engluer.

Toute cette énergie enfouie de la révolte intérieure, explose dans le bouquet final.

Nicholson, lit la lettre de la Sœur qui en Afrique suit son protégé.

Et puis, magnifique, il regarde le dessin ensoleillé et profondément humain de son petit correspondant. Et là, c’est tous les matins du monde.

Bravo l’artiste de nous permettre de partager tes belles larmes.

Respect pour ces deux heures de bonheur nuancé.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Monsieur_Schmidt

Jack Nicholson
Kathy Bates
Hope Davis
Dermot Mulroney

Alexander Payne

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