Résumé. Ange exterminateur Buñuel Film surréaliste – Aperçu (1962) 8/10

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Voilà un film de Buñuel dont on ne sort pas indemne, encore maintenant. Imaginez ce qu’il en a été pour les spectateurs de 1962  !

Ici c’est le résumé de l’histoire avec des commentaires. L’avis sur le film se trouve sur cette page : Avis. Ange exterminateur – film Buñuel – (1962) 8/10

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La haute bourgeoisie d’une capitale se rend à un dîner en vue. C’est du grand spectacle : belles autos, femmes en fourrure et bijoux précieux, messieurs en grande tenue… il faut voir et être vu. Devant cette consécration d’avoir été choisi pour y participer, on cache ses ressentiments et ses préférences. L’important est d’y être, cela procure une joie anesthésiante.

Mais pourquoi donc les personnels se défilent et tendent à quitter le navire ? Ce n’est vraiment pas le moment. Ils ont tous de bonnes excuses mais cela ne plaît pas du tout à la maîtresse de maison. Ils n’ont pourtant rien à faire qu’elle les menace de licenciement.

Un indice troublant montre que l’on s’abstrait de plus en plus des équilibres classiques. L’entrée des convives et la sortie des domestiques est montrée deux fois, de manière quasi identique. Malaise spatio-temporel avec ce rituel de répétition.

Et puis il y a ces moutons et cet ourson qui se baladent dans la maison seigneuriale. Décidément, les choses ne sont pas toutes à leur place. La très confortable réalité de ces nantis subit des coups de buttoir.

La soirée se déroule pourtant à peu près comme il se doit. Cependant, là encore, le festin est curieusement expédié et l’ordre des plats a été chamboulé. On pourrait mettre cela sur le compte du manque de personnels. Mais cela va plus loin.

Le plus gros morceau est à venir. Après un court passage de piano et les applaudissements convenus, les participants devraient rejoindre une autre pièce. Mais chacun trouve des excuses pour ne pas franchir le seuil.

La funeste situation devient de plus en plus évidente, ils sont condamnés à rester dans ce salon tous ensemble.

Ce n’est pas un obstacle physique mais une sorte d’aboulie contre laquelle ils ne peuvent pas lutter.

Passés les inquiétudes initiales, il faut s’organiser… ou abdiquer devant de telles forces.

Ce « loft » devient un laboratoire. Les rapports cordiaux initiaux entre les uns et les autres, risquent de voler en éclat. La psychologie des personnages transparaît peu à peu.

Comme il se doit, les dominants tendent à prendre les choses en main. Mais on ne peut que constater leur impuissance à résoudre le problème.

Les ingénieux dénudent et exploitent une conduite d’eau enfouie dans le mur. Cela résout la question de la soif mais pas celle de la faim. Plus tard les moutons du début entreront dans la pièce et termineront à la broche.

La découverte d’une planque de drogue donnera un espoir artificiel à certains.

Une figure à la santé précaire décède. On le met dans le cagibis. Rapidement cela « pue ». On calfeutre les ouvertures.

L’ardent désir de survivre dans cette nasse dangereuse et nauséabonde, conduit la plupart à une sorte de chacun pour soi. Seuls quelques couples résistent. Un homme cependant voudrait profiter de la nuit pour s’emparer d’une femelle. Le climat devient électrique.

Au bout d’un certain temps, les conventions volent en éclat. Ceux qui se faisaient les plus belles des politesses commencent à s’insulter. Des arbitres improvisés cherchent à les faire revenir à la raison. Mais que vaut la raison dans des circonstances si irrationnelles.

Ils ne peuvent pas vraiment se laver. Ils sentent mauvais. Et comme ils en sont réduits à assumer leurs besoins fondamentaux dans cette promiscuité, ils vont se déshumaniser progressivement. Les reproches directs ne tardent pas. Ils s’apostrophent. Ils vont en venir aux mains.

Les plus soumis implorent les protections religieuses. D’aucuns promettent un Te Deum si cela s’arrange, d’autres veulent aller à Lourdes. On tente de prier.

Les esprits superstitieux agitent les pattes de coq. Une femme avait pris soin de les emporter. Et comme cela ne donne rien, ils partent à la recherche d’un bouc émissaire. On va emprunter le chemin le plus court. C’est bien entendu l’organisateur de la soirée qui est visé. Il les a fait venir dans ce piège, c’est donc de sa faute. On ira jusqu’à vouloir qu’il soit sacrifié.

Les francs-maçons appelleront à l’aide selon leur rite.

Un couple qui s’est réfugié dans un deuxième cagibis se donnera la mort.

Une personne inspirée constatera qu’après tant de jours de souffrance, ils se retrouvent dans la configuration initiale. En dehors des morts, chacun est à la place où il était avant le drame. Ils tentent alors de reprendre leurs rôles au plus juste… et cela marche ! Ils sont libres !

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Ricercare (*). Le Te Deum promis a bien lieu, les survivants s’y retrouvent avec bien d’autres supporters.

Ite missa est ! Ce n’est pas le happy end prévu. Personne ne peut sortir de l’église. Et là ils sont bien plus nombreux à être pris au piège, les ecclésiastes en premier !

Cette image est tellement frappante, que dans ma mémoire, la construction gothique avait pris le dessus sur le salon funeste. Comme si tout s’était déroulé dans l’édifice religieux, alors que cela ne dure que quelques petites minutes.

Et si par ce court-circuit mémoriel, j’avais ressenti au plus profond de moi, que l’oeuvre iconoclaste aurait du se dérouler tout entière dans un lieu saint ?

Imaginez la scène, aux implications encore plus grandioses avec des cadavres dans le confessionnal, des scènes d’amours sur les bancs, des blasphèmes bien caractérisés en crachant sur les saintes effigies, des guenilles qui sèchent sur la Croix, des baptistères servant d’urinoir…

Oui c’est cela qu’il voulait (ou qu’il aurait du vouloir) mais qui aurait été forcément interdit par n’importe quelle censure de pays à domination catholique.

Ici c’était le résumé de l’histoire avec des commentaires. L’avis sur le film se trouve sur cette page : Avis. Ange exterminateur – film Buñuel – (1962) 8/10

(*) La Boucle Étrange dans l’Offrande Musicale de J.-S. Bach, le « Canon Éternellement Remontant » « Canon per tonos » qui donne l’impression d’une croissance sans fin. Confer Gödel, Escher, Bach, et les « Brins d’une Guirlande Éternelle » de Hofstadter.

« À leur tête, comme roi, elles ont l’Ange de l’Abîme ; il s’appelle en hébreu “Abaddôn”, et en grec “Appolyôn”1. »

— Apocalypse selon saint Jean 9,11

https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Ange_exterminateur_(film)

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