Shangaï kid – Avis. Owen Wilson – Résumé. (2000) 6,5/10

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Ce film se passe au milieu du XIXe siècle. On y voit d’abord la Chine d’en haut, avec la cité interdite, l’Empereur et sa cour. Et on oblique rapidement vers le Nevada, avec la crasse des saloons et ces bouseux de cowboys. Le choc de deux mondes diamétralement opposés.

  • La prise de vue est remarquable. Les plans séquences sont d’une efficacité rare. Les détails sont léchés, rien n’est laissé au hasard.
  • La chorégraphie des bagarres s’effectue de manière impressionnante, tout en restant bien lisible. C’est rarement le cas de nos jours. Et il n’y a pas ici trop de ces lassantes surcouches numériques. Au contraire, c’est plein de belles trouvailles simples et efficaces.
  • Toute la technique dans ce film s’avère millimétrée et magnifiée. On voit rarement un tel degré de qualité. Mais cela reste dans un certain classicisme de bon aloi. Ce qui n’est pas mauvais en soi.
  • Il y a un boulot extraordinaire sur les décors, les accessoires, les costumes.
  • De l’excellent travail, toujours très beau à voir. On pourrait presque en rester là, juste dans le registre contemplatif.

Merci au réalisateur Tom Dey.

Et ma foi, les acteurs ne se débrouillent pas si mal, les petits comme les grands.

Ce qui pèche, c’est d’abord un peu le scénario, et peut-être aussi la juxtaposition curieuse des gags.

  • Il faut déjà bien vouloir accepter l’histoire. Une belle et intelligente princesse chinoise (Liu), s’enfuit aux USA, avec le premier aventurier venu, juste parce qu’elle ne veut pas épouser un prince moche comme un crapaud. Pas évident.
  • Ensuite on doit admettre, qu’elle est assez stupide pour se laisser berner par une bande de brigands, qui ne pensent qu’à la rançonner. Ils n’hésiteront pas à la mettre au turbin comme coolie dans des travaux de chemins de fer. Ils n’ont pas peur de gâcher la bonne marchandise, ces gars là.
  • Une petite équipe chinoise est chargée de récupérer notre séduisante Lucy Liu. Ils amènent avec eux un coffre plein de pièces d’or. Un des gaillards n’est autre que Jackie Chan. Pris de remords pour ne pas avoir su éviter sa fuite, et aussi pour ses beaux yeux, il s’est imposé à l’équipe. A priori, ce n’est pas forcément le meilleur élément, mais ça c’est l’avenir qui en jugera.
  • On connaît bien sa physionomie de bon père de famille et son caractère qui se veut un peu naïf, mais dont le tempérament est si sympathique.
  • Il est employé une fois de plus, comme un redresseur de tort, qui n’en a pas l’air. Son honnêteté fondamentale, son courage, sa ruse et ses incroyables capacités physiques, feront des merveilles. Il est là pour cela, tout le monde le sait. On ne se refait pas, dans la vie, comme à l’écran.
  • En parallèle on assiste aux « exploits » de Owen Wilson, en petit chef de gang. Il donne dans le classique : petits méfaits, triche aux cartes, attaques de train.
  • C’est un tireur plutôt modeste et conscient de ses lacunes… jusqu’au moment où, illuminé, il se croira « l’Invincible ».
  • Les circonstances l’amèneront à croiser la route de Chan, puis à s’associer avec lui. Il y aura d’ailleurs la belle scène des baguettes excavatrices. Mais je ne peux pas en dire plus.
  • Ce blondinet n’échappe pas non plus, à ce qu’il est supposé être au cinéma.
  • Il joue donc plutôt cool, voire un peu trop décontracté. Il se montre assez zen, ou en tout cas comme un gars qui souhaiterait l’être.
  • Son ressort comique vient du fait qu’il incarne le ridicule d’une sorte d’aspiration spirituelle, un peu téléphonée, et bien de notre époque. Une sorte de produit gadget de bien-être et de prétendu accomplissement, bien moins profond que ses nombreux pratiquants le pensent.
  • On voit bien cela, dans ses multiples tentatives d’amener Jackie Chan, qui est devenu son partenaire, à lâcher prise. Tout est dans la relaxation, voilà le message. La méthode Coué de l’élévation mentale.
  • Et c’est encore plus vrai, quand après avoir échappé à la pendaison, bien que poursuivi de près, il demande à ce qu’on prenne le temps d’observer les montagnes, la nature, comme s’il avait reçu une leçon de vie. Il est coutumier de ces attitudes. Il fait du Owen Wilson, voilà tout.

Revenons au scénario et à ses faiblesses. On ne va pas tarder à découvrir que c’est un cinéma d’emprunt, une parodie.

  • Le film démarre donc comme un grand spectacle dans la cité interdite de Pékin (Beijing maintenant) On se croirait dans les premières scènes du film Le dernier Empereur. C’est grandiose, vraiment impressionnant. Un plan montre des centaines de serviteurs en costume, qui réagissent de concert, au quart de tour. Parfait.
  • Mais toute cette mécanique, c’est juste pour faire joli. On a l’impression qu’ils en ont fait un peu trop. Ils nous ont embarqué dans une mauvaise direction.
  • Les plans américains n’ont bien entendu rien à voir, et le contraste est somme toute déroutant. Mais il y a là aussi de belles situations. Attaques de trains, poursuites à cheval, duels, massacres etc. Tout ce qu’on peut trouver dans les grands westerns de la bonne époque. Et on y rajoute les arts martiaux.
  • Ce n’est pas pour rien que Chan a comme par hasard un nom chinois proche de John Wayne (Chon Wang, prononcé en mâchant du chewing-gum). Ou que le chef des méchants corrompus s’appelle Nathan Van Cleef et cherche à lui ressembler (Lee Van Cleef), avec son beau chapeau.
  • Mais on est donc dans un tout autre registre que les grands classiques. La présence de la princesse déchue détonne et finalement n’apporte pas tant que cela.
  • Chan sera un moment prisonnier privilégié des Indiens. Drogué par le calumet rituel, il partagera la couche d’une entreprenante Indienne. Il sera contraint de l’épouser. Il héritera d’un curieux cheval.
  • Là on dérive sans hésiter sur Little big man et Dustin Hoffman. Il en a ce même fatalisme et ce même décalage. Il manque quand même la modernité révolutionnaire, puisqu’on est quand même trente ans après le premier.
  • Et les Indiens sont de la même espèce, que ceux épinglés dans ce film remarquable de 1970. Ils sont bien impressionnants et nobles à souhait. Tout nous incite à respecter leur culture, comme on le fait maintenant systématiquement. Mais la traduction de leurs propos dans les sous-titres, nous montre en fait des gars comme nous, qui n’hésitent pas à traiter leur « invité » de connard.
  • On a ça aussi d’ailleurs dans le premier Crocodile dundee avec les aborigènes. Un ressort comique un peu trop connu maintenant.
  • La scène de beuverie dans leurs deux baignoires juxtaposées, est longuette et ne repose que sur la répétition. Mauvais.
  • La fin avec son crescendo habituel de violence et de suspense, s’éternise et s’épuise.

Plutôt que de développer de l’originalité, alors qu’il avait tant d’atouts techniques, le film a choisi de se réfugier paresseusement dans de banales parodies. Et comme les styles diffèrent du tout au tout, cela nous donne un patchwork de gags mal assortis. En tout cas je le vois comme cela. Et c’est bien dommage !

Ils ne sont pourtant pas passés loin d’une œuvre majeure. Mais ils ont loupé des marches. Et au final, ils n’ont fait qu’un film distrayant.

Pour franchir les étapes qui auraient pu les mener au sommet, avec les mêmes ingrédients, il aurait certes fallu le talent et l’humour des frères Cohen, comme dans l’incroyable La Ballade de Buster Scrugg, un film de compilation qui tient du génie.

Le film n’est pas si mal. Mais il manque ici le vrai souffle de l’épopée humoristique. Ce je ne sais quoi d’intemporel et de plus profond, au-delà du rire et du sourire. Cet espace immense entre la bonne blague et le génie du rire.

C’est ce qui sépare les Goscinny, les Wolinski, les Élie Kakou, les Desproges, les Coluche, les De Funès, les Charlot, les Marx Brothers et bien d’autres, de la simple farce et du vulgaire. En tout cas, quand ils donnent le meilleur. Auquel cas ils sont forcément irremplaçables, c’est tout dire.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Shanghai_Kid

Jackie Chan
Owen Wilson
Lucy Liu

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