Amor tóxico (2015) Avis, Résumé. Ce que veulent les femmes et les folles. Eduardo Ferrés, Ann Perelló. 8/10

Temps de lecture : 6 minutes

Eduardo Ferrés, Ann Perelló nous entraînent jusqu’au bout de la nuit. Un exercice qui devrait nous permettre l’analyse des rapports amoureux de haut vol.

Et tout ce que je lis au sujet de ce long métrage, est particulièrement niais. Ils n’ont rien compris sur cette matière fusionnelle en devenir. Ce film n’est ni « absurde », ni « romantique » (classification netflix). Ce n’est pas non plus une lutte entre le féminisme tóxico et le machisme tóxico. Et on ne peut pas dire que « Toni ne comprend pas les femmes », mais plutôt que les femmes ne peuvent pas être comprises et ne doivent pas être comprises. C’est une question de « magie ». Elles le souhaitent ainsi. C’est d’ailleurs la leçon du film.

Tino contre et Irène.

En fait il s’agit d’une confrontation aérienne entre le propre de l’homme et le propre de la femme. Mars contre Vénus. La recherche de lévitation, entre la force qui nous éloigne et celle qui nous rapproche.

On observe donc la fabrication d’une boule de feu croissante, décroissante, et en tout cas à l’aspect changeant. Voilà un magma incandescent incroyablement difficile à maintenir en sustentation. Et bien entendu ils se brûlent. Mais ils résistent jusqu’à la fin.

Rien n’est jamais acquis à l’homme. Ni sa force
Ni sa faiblesse ni son coeur…

Cela dure deux heures à l’écran et une dizaine d’heures dans la supposée réalité. Et c’est passionnant au sens premier du terme.

***

Très « concrètement », un garçon et une fille se rencontrent grâce à Internet. Ils ont l’âge de la lucidité et semblent tous deux à un tournant. L’un et l’autre pourraient en avoir marre des brèves rencontres.

Il l’a inspiré, en réclamant de parler du temps qu’il fait, sur sa présentation. Un indice en contre-pied, qui laisse entendre qu’on pourrait se moquer des codes. La fameuse originalité qui devrait en théorie faire sortir un quidam du lot. Mais une parole n’a jamais suffit.

Et de suite, Irène fait des siennes pour marquer sa puissance. Pour en faire une bonne pâte, il faut qu’elle l’humilie, qu’elle l’écrase, qu’elle le malaxe. Encore faut-il bien évaluer le point de résistance. Et chaque fois qu’elle croit broyer son « bonheur » elle le sauve… in extremis.

Elle le ramène sur son terrain de jeu, sa voie royale. Ils se retrouvent dans un bar où la jeune femme a ses habitudes.

L’insaisissable Irène est respectée dans cet endroit.

Ils vont parler, parler, parler encore. Surtout elle.

De par sa position de « chassée » en permanence par les mâles priapiques, elle se croit obligée d’être offensante et offensive. Elle contrôlera d’ailleurs « manu militari » (la main dans la culotte) que l’impétrant ne bande pas. C’est radical. Et cela a le mérite de préciser le débat, à défaut de l’élever. Mais ce geste tabou, la belle peut se le permettre… à un moment du jeu.

Elle enverra des pointes, des pics et des hameçons. C’est de bonne guerre. Le laisser la vaincre sans péril, aurait amené un triomphe peu glorieux. On sait cela.

Sous des apparences d’aventurière au très franc parler, elle cache un cœur classique de femme à la recherche de l’Amour ; grand si possible… et avec une arrière-pensée procréatrice, qu’elle pourrait même se dissimuler à elle-même. La meilleure façon d’éloigner ce spectre trop puissant c’est de réclamer d’être « violée ». C’est évidemment une métaphore du « surprends moi ».

On sent qu’elle est à la fois instruite de ses nombreuses expériences passées, mais aussi un brin désabusée. Elle ira pleurer aux toilettes, pour cacher qu’une phrase du gars, réclamant une union sans lendemain, l’ait choqué. Même si elle-même a simulé son désir de relation kleenex et qu’elle l’a forcé à s’exprimer ainsi. Elle n’a fait que prêcher le faux.

  • Sans vouloir généraliser, les femmes sont souvent du type « translittération » : « je te quitte » de leur part, signifiant « retiens moi ». « je suis toute à toi » = « laisse moi le temps d’y réfléchir »

Et comme souvent les femmes, elle fait porter le bonnet de ses craintes et ses échecs passés, à sa nouvelle rencontre. Le voilà vite catalogué de misogyne, branleur, scatophile, amateur de pute. Ces assauts sont hyperboliques, comme l’est l’ambiance étonnante de ce bar. Mais ils servent aussi de crash-tests. Assiégé ainsi, peu de mecs, gardent leur sang froid. D’où de possibles fautes. Et c’est précisément là qu’elles veulent en venir. Trouver la faille.

A deux reprises, il se fera casser la gueule. Juste retour du principe de réalité, mais d’une manière surréaliste.

La première fois qu’on l’agresse au bar, c’est très violent et personne ne peut vraiment comprendre pourquoi ce couple va le rouer de coup. C’est sans doute la traduction d’une pensée secrète, pour cet homme qui veut être un martyr, pour mieux convaincre cette femme de coucher avec lui.

  • Un peu comme ces coups montés de cinoche, où le dragueur s’interpose dans une fausse bagarre pour paraître un héros. Un coup monté bien sûr.

La deuxième fois, il encaisse la furie du même couple, mais pour une vraie raison cette fois. Irène voulant montrer son détachement absolu, a balancé son verre en arrière sans savoir où il atterrirait. Et le fille au bar se le prend au visage. Il paye pour Irène mais ne s’en offusque pas. Un atout que de paraître un chevalier protecteur et bienveillant. A part qu’il passe sans doute pour un faible. D’ailleurs elle n’a de cesse que d’affirmer qu’elle est bien plus forte que lui.

A chaque phrase, tout est remis en question. Le but premier du mec est de baiser, sans perdre son temps en palabres inutiles. Mais il connaît la règle, il faut « discuter » et faire valoir son point de vue, en y allant mollo. D’ailleurs il est bien connu que le contenu des propos compte bien moins que le ton dans ces premiers temps de l’amour. Elle lui dira texto. Preuve qu’elle connaît la musique.

Les interactions sont redoutables et souvent nos héros de comptoir sont au bord de la rupture. Chacun pensant à abandonner. Alors il la traite de folle. Et elle l’attaque en le traitant de minable, de moins que rien, de personne qui n’a rien à lui offrir. Et c’est vrai qu’il arrive les mains nus. Rien ne le distingue d’un autre garçon de la Movida madrilène. Voilà une vérité essentielle qui témoigne que la fille voit plus loin qu’une seule nuit.

Ils proclament haut et fort qu’ils aiment baiser. Une valeur apparemment suprême. Mais peut-être qu’il ne s’agirait que d’un médicament calmant.

Elle est disruptive et on pourrait la croire folle en effet. Il y a de ces créatures de nuit, souvent droguées, bourrées et difficiles à comprendre. Et notre raison d’homme hésite alors entre fuite, pitié et goût du danger. Ce n’est pas une mince affaire que de tenter de chevaucher ces créatures puissantes et rares, qui semblent vouloir à tout prix se débarrasser de leur monture, comme au rodéo.

Il est difficile de la juger dans l’absolu, car les approches nécessitent de s’impliquer le plus à fond possible, quitte à perdre toute rationalité. Les bréviaires de drague qu’on retrouve sur Internet n’ont aucun intérêt. Et cela la fille « madrée » lui dit aussi.

Ce film utilise des comédiens au physique ordinaire, des quasi « n’importe qui » comme moi, toi ou elle, mais pour un exercice périlleux. C’est un « big game » extraordinaire et qui n’arrivera que peu de fois dans la vie. Pire et meilleure expérience de leur vie, à la fois ?

Je le souhaite à tout un chacun. Ne soyez pas effrayé par la violence, elle n’est que symbolique (le sang versé, c’est de la sauce tomate).

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Critique espagnole - au moins ces critiques là l’ont vu !

Synopsis

Réconfortant comme un bon verre de strychnine ; réparateur comme un bouillon avec des cristaux broyés ; revigorant comme une bouffée d’anthrax : voilà l’amour toxique qui naît dans cette comédie romantique dysfonctionnelle et martienne. Toni, qui dit ne pas comprendre les femmes, et Irène, une fille « spéciale » (pour ainsi dire), se rencontrent en ligne. Une situation qui mène à une conversation byzantine sur l’amour, le sexe (et les sexes), une bataille dialectique dans laquelle la confusion se cache à chaque coin de rue.

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