Après la guerre, la guerre continue – Thorez stalinien, De Gaulle habile, Brasillach fusillé. 8/10

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France 1945-1950

Décidément les bons documentaires se suivent et fort heureusement ne se ressemblent pas.

Cette investigation en profondeur des suites de la guerre ne manque pas d’intérêt. Plusieurs secteurs sont évoqués. Le panorama est large et sensé.

D’abord on y évoque le sort des prisonniers allemands et des collabos sur notre territoire. Ce n’est pas tout rose. C’est le moins qu’on puisse dire.

Des vengeances sommaires et brutales ont lieu. Et comme immédiatement après la Libération, il n’y a plus trop de règles et un État délité, c’est dur à empêcher. Charles de Gaulle et les instances dirigeantes vont taper du poing sur la table et édicter des consignes claires.

On parle également de ces couples mixtes avec un soldat allemand et une Française. Un exemple est donné, de rejet total de la part des habitants. C’est assez effrayant. Là encore, n’importe qui paye pour les exactions des autres. Qu’importe la justice pourvu qu’on ait la haine revancharde puisse s’exprimer.

Le cas bien connu de femmes tondues est à nouveau présenté. Avec les réactions de maintenant mais parfois d’alors, qui montrent qu’on s’offusque de telles situations. Le pilori n’est plus à la mode.

A noter les commentaires moqueurs pour ces foules qui désormais acclament la France Libre alors qu’il n’y a pas si longtemps elles applaudissaient Pétain. Le procès de ce vieillard nocif range l’immense majorité des Français dans le camp opposé. Ce qui arrange Charles de Gaulle qui craignait le contraire. Il a beau jeu de commuer la peine de mort prononcée en détention à vie.

Face à la liesse, au redressement nécessaire, à la paix des braves et des moins braves, les lourds dégâts des bombardement alliés sur l’ouest du pays sont souvent minimisés ou occultés. Ici on se prend les décombres en pleine figure et on aborde sans voile la lenteur de la reconstruction. Des délogés attendront parfois plus de 10 ans pour être à nouveau dans du dur.

Puis vient le retour des rescapés des camps. Un choc énorme pour la population, qui dans l’ensemble n’avait pas imaginé cela. Comme le dit un des intervenants, si les Français avaient su cela dès le jour de la Libération, leur vengeance aurait été sans aucune limite. La commémoration des victimes de cet enfer s’est faite globalement, sans mettre en avant la composante juive si majoritaire. D’où un certain flottement par la suite. D’ailleurs de nombreux rescapés juifs ont eu le plus grand mal à parler et/ou à récupérer leurs biens spoliés. Et Boris Cyrulnik, victime collatérale, a sans doute élaboré une partie de ses théories sur la résilience, le déni, en partant de ces nombreux non-dits et des troubles qui en découlent.

Le rationnement se perpétue également un long moment. Ce qui est la plus grande surprise de nos concitoyens. Ils s’attendaient à ce que les choses s’arrangent presque immédiatement, dès lors que les ponctions allemandes cessaient.

La France n’a pas obtenu le charbon qu’elle convoitait à titre de dommages de guerre. Mais elle a réceptionné de nombreux soldats allemands pour le travail obligatoire. Ils ont été employés au déminage et il y a eu de nombreuses victimes. Bien fait diront certains, vus que ces mines avaient été posées par eux. Mais là encore c’est la logique discutable de la punition collective.

« L’occupation » américaine ne s’est pas faite sans dommage. On a compté des vols, des viols et pas mal d’exactions. Les G.I.’s noirs ont payé l’addition.

La politique est un autre chapitre passionnant et qui est scruté le plus objectivement possible. L’aura des communismes issue de la résistance, doublée de la gestion astucieuse de la situation par Maurice Thorez, fait que leur audience augmente sans cesse. Ils seront même majoritaires à certaines élections. Ils ont su faire fructifier le manichéisme « communisme ou fascisme ». Il régnait également un esprit de renouveau et de manière très constructive, ils ont encouragé la production. De nombreux intellectuels s’y laisseront prendre.

Le soutien aveugle à Staline et à l’URSS est total. Ce qui ne manquera pas de susciter des prises de conscience par la suite, une fois la toxicité de ce tyran imbécile démontrée.

L’enthousiasme franchouillard se délitera quand les « cocos » quitteront le gouvernement et s’enfonceront dans une opposition systématique et stérile. Le coup d’arrêt viendra d’un attentat contre un train où circulaient des civils. Une erreur d’aiguillage mais un impact considérable dans les consciences modérées. On a cru à une possible prise de pouvoir des communistes par la force. Les services secrets ont détecté un réseau bien maillé et étendu.

Les militants et sympathisants communistes qui ont vécu cette époque et s’expriment maintenant, sont dans deux catégories. Ceux qui sont manifestement plus intellectuels et regrettent de s’être fourvoyés et les chevilles ouvrières et apparentés qui semblent encore partager ce rêve idéologique. J’en ai rencontré de ces obstinés là.

Les fachos continuent eux aussi à croire à leurs idéaux stupides. Des mouvements plus ou moins « masqués » prospéreront. On a là le témoignage de Dominique Jamet contre son père. Claude Jamet jeune était éclectique, il était en amitié autant avec Simone Weil, qu’avec Robert Brasillach. Il est passé de la gauche radicale à la collaboration. Il en a gardé des amitiés peu reluisantes.

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On a longtemps voulu occulter cet aspect politique. Et c’est bien dommage car on gagnerait à comprendre les mécanismes qui poussent par exemple un intelligent Brasillach et son beau-frère fanatisé Maurice Bardèche, dans les pires extrêmes.

La lecture de « Notre avant-guerre » de Brasillach avec son périple dans différents fascismes européens est pleine d’enseignements. C’est une mine pour qui veut justement combattre ces mauvais penchants. Et je lis régulièrement leur « Histoire du cinéma », qui est relativement neutre politiquement, à quelques exceptions près.

  • Preuve d’une certaine lucidité, Brasillach commente Mein Kampf ainsi : « C’est très réellement le chef-d’œuvre du crétinisme excité où Hitler apparaît comme une espèce d’instituteur enragé. Cette lecture m’a affligé »
  • Preuve d’un aveuglement criminel, la plupart de ses écrits antisémites.

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Bon travail d’écriture et de réalisation de Emmanuel Blanchard ou Emmanuel Blanchard

https://fr.wikipedia.org/wiki/Claude_Jamet_(essayiste)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_de_Gaulle

https://fr.wikipedia.org/wiki/Parti_communiste_fran%C3%A7ais

https://fr.wikipedia.org/wiki/Boris_Cyrulnik

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Présentation plus ou moins répétitive avec de légères variations selon les sites :

A vous découvrir dans ces deux versions, qui a copié l’autre.

I) « Images de liesse populaire, résistants qui défilent dans Paris : le souvenir de la Libération est souvent positif. Pourtant, après des années de guerre et d’occupation, la France est meurtrie et ne se remet pas immédiatement de ce traumatisme. Vengeances, rancoeurs et divisions déchirent le pays, sur fond de misère et de ruines. Pour se rassurer, la nation réinvente l’histoire de l’Occupation et cherche dans le mythe gaulliste une unité nationale. Composé d’archives colorisées et d’entretiens, ce documentaire cherche à dresser un portrait juste de la France de l’après-guerre, sans céder à la tentation de dépeindre un pays plongé dans la guerre civile. »

II) « Images de liesse populaire, résistants qui traversent fièrement Paris, jeunes femmes qui se jettent au cou des libérateurs… voilà ce qu’on retient souvent de l’étrange période qui s’ouvre à la Libération. Pourtant, après de longues années de guerre et d’occupation, la France ne s’est pas relevée comme un seul homme. Vengeance, rancœurs et divisions, sur fond de misère et de ruines : cet après-guerre oublié nous dévoile une France encore en guerre avec elle-même. Un pays devenu schizophrène à force de se mentir. Une nation qui réinvente l’histoire de l’Occupation sous la dictée de la mémoire résistante, cherchant le réconfort dans le mythe gaulliste de l’unité nationale retrouvée… Composé d’archives colorisées et d’entretiens réalisés, Après la guerre, la guerre continue entend déconstruire le mythe des lendemains qui chantent, pour faire un portrait juste et émouvant de la France d’après-guerre. Sans céder à la vision cauchemardesque d’un pays plongé dans la guerre civile, le film propose une lecture ambitieuse et dérangeante de ces années électriques. »

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