Austin Powers (1997) 8/10 Mike Myers au meilleur

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Pourquoi Austin Powers est-il si bon ?

D’abord parce que c’est une œuvre très riche et généreuse.

On nous donne à voir en réalité une multiplicité de films, là où les autres n’en auraient fait qu’un.

Il y a véritablement plusieurs James Bond condensés là dedans. Mais avec des scènes qui sont poussées chaque fois plus loin. Les reprises sont presque au premier degré. Elles ont été examinées avec une méticulosité d’anthropologue.

Et comme ces vénérables films d’espionnage contiennent déjà une bonne dose d’humour, mais aussi pas mal d’impossibilités, il suffit de monter le curseur aux limites du raisonnable, pour rendre la démonstration éclatante. Et ça marche !

  • Par exemple, il y a ce passage classique qui consiste à tuer les traîtres au gang grâce à des trappes aménagées autour de la grande table de réunion. Dans le long métrage initial, on ne voit plus que c’est totalement grotesque. Et pourtant qui se fatiguerait à concevoir et réaliser un tel binz si complexe, pour un si maigre résultat ?
  • Eh bien, Mike Myers va plus loin et reprend le truc littéralement. Mais il en profite pour pervertir l’implacable logique d’anéantissement. Celle qui nous dispenserait de voir ces dégoûtants cadavres.
  • La victime est certes très amochée dans sa chute, et on ne la verra jamais, mais elle n’est pas tout à fait morte. Au lieu de la fermer, elle réclame une ambulance, à travers la grille fumante. C’est indécent. Ce qui dérange le Dr Denfer encore plus que la trahison. Ce n’est pas juste drôle, c’est aussi très malin. Myers vient de pousser l’idée encore plus dans le déraisonnable, tout en semblant gagner en logique.
  • Il épingle également un autre trait répétitif et totalement artificiel. C’est quand le méchant prend tout son temps pour tuer le gentil, qu’il a pourtant totalement à sa merci. On sait bien que c’est une convention pour permettre au défenseur du monde de s’échapper. C’est toujours comme cela. Nous avons même envie de crier « fonce, achève le tout de suite, tu vas encore te faire avoir ».
  • Et là, le concepteur met en scène un fils rebelle qui démonte la manière de faire trop compliquée et trop lente de son vilain père. Il propose très lucidement de chercher un flingue pour en finir très simplement une fois pour toute, sans blabla. Outre ce charmant conflit père fils, avec ce questionnent habile du pouvoir, on a donc droit à une belle mise en évidence d’une faiblesse habituelle des films de James Bond et consorts.
  • Et pourquoi ne pas aller plus loin encore ? Le fils alibi va critiquer son paternel, pour inviter son pire ennemi à table. Qui diable lui ferait cet honneur dans la vraie vie. Faisant ainsi, il questionne un aspect du dogme.
  • Le Dr Evil, qui a quasi la Terre à sa botte, se prend les pieds dans les chiffres de la rançon demandée pour le salut du monde. Aveuglée par une incompréhensible haine, l’argent pour lui ne signifie plus rien. Et pourtant, le diable est dans le détail. Il ne s’agirait pas d’oublier de mettre la civilité docteur devant son nom. Il a quand même fait de nombreuses années d’étude. On est là en plein dans l’humour absurde avec un charmant méli-mélo des valeurs.
  • Les racines du mal ne sont pas expliquées dans les James Bond traditionnels. Mais comme le psychologisme est en soi souvent risible, Myers entreprend à dessein une sorte de psychanalyse/confession de comptoir. Elle tend à montrer que le tourmenteur du monde, est tiraillé par un passé incroyablement lourd. Cette surdétermination est délirante, mais pas plus que le système interprétatif de certains analystes.

A bien y regarder tout ce qui peut être remis en cause, fera l’objet d’une mise à plat, suivi d’une escalade vers le non-sens. Ce n’est pas une critique ou une moquerie, c’est un marche-pied complice vers davantage d’humour. Et souvent une belle leçon.

Il y a donc là déjà, un travail préparatoire considérable.

Mais il y a aussi une plongée dans les mythiques années 60. Et les images criardes et colorées sont un régal en soi. Cette nouvelle ère proclame l’insouciance, l’amour libre. Elle pense détourner tous les codes, mais ne fait que d’en créer de nouveaux. C’est le pays de Cocagne, le Candy Shop, qui a pu faire rêver toute une génération. Bien sûr c’est juste un fantasme et la réalité est largement enjolivée.

La sexualité à tout va des années avant-Sida, devient une gène vingt après. Mais c’est juste un principe pour une jeune génération qui découvre la pilule. Dans les faits, les relations homme femme restent très conventionnelles, hormis quelques « expériences » et une certaine volatilité des couples. On pourrait dire que désormais la vie à deux, peut intégrer le fait qu’on soit passé au préalable par des phases d’apprentissage. Ce qui est assez sain et logique en fait.

Mike nous fait une œuvre de rétro-anticipation. Le déplacement dans le temps va des années 60 aux années 90. Ce qui permet un regard nostalgique bien documenté. Il est plus difficile de se projeter vraiment vers un futur inconnu.

A quoi rime encore une génération qui se voulait libertaire, 30 ans après ? Et nous, à présent, nous pourrions nous poser la même question, mais 60 ans après. Ça donne évidemment le vertige.

Je n’ai pas tant de recul, mais je peux dire que chaque génération cultive son passé, comme si de simples images avaient valeur de racines. Certains par exemple, aimeront à jamais les voitures qu’ils ont vu dans les rues, adolescent. D’autres chercheront les lieux mythiques dont ils ont jadis entendu parlé. Il y aura bien entendu un retour cyclique vers les accoutrements d’une de ces périodes.

Et comme pour le saut du panda dans les échecs chinois, notre rebond jusqu’au présent, se fera sur la pièce intermédiaire – le film de 97 – et minimisera l’importance du point du départ – les années 60. Ce film en soi est devenu un repère. La transposition dépasse la réalité rêvée.

Cependant, j’ai toujours été surpris qu’une telle œuvre puisse être si intemporelle. Les générations suivantes continuent à le voir avec plaisir. Cela remet tout les raisonnements conjoncturels en cause.

Attention c’est tout sauf une farce. Il y a quelque chose de plus profond là derrière. Peut être faut-il y voir un nouveau Charlot ? Ce qui est plutôt un grand compliment.

Mention spéciale pour l’excellent travail du réalisateur Jay Roach, sur l’image, le rythme et toutes ces choses. Il réalisera les deux Austin Powers suivants et mon Mon Beau-Père et Moi.

Le bi-valent Myers est bien entendu parfait. Et les autres acteurs ne déméritent pas.

On ne peut pas oublier la craquante Elizabeth Hurley. Une quintessence de charme, de beauté et de classe.

Que l’on soit auteur ou critique, dans nos réalisations transparaît rapidement notre contenu intérieur. Certains tenteront de masquer leur vacuité, par des emprunts ou des analogies. D’autres au contraire nous offriront un réel enrichissement grâce à ce qu’ils ont su tirer de leur vécu. Myers assurément est à mettre dans cette dernière case.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Austin_Powers

Mike Myers
Elizabeth Hurley
Michael York
Robert Wagner
Seth Green
Mindy Sterling

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