Boulez. Prélude Tristan et Yseult. Festival Lucerne. Melancholia, Baudelaire. 8/10

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En 2003, Pierre Boulez conduit le Gustav Mahler Youth Orchestra au Festival de Lucerne. On entend le Prélude, Tristan und Isolde de Wagner, mais aussi Berg pour son fameux Concerto pour violon « A la mémoire d’un ange » et Schoenberg dans Pelléas et Mélisande.

Je ne m’arrêterais cependant qu’à son excellente prestation dans Wagner. A cela, il y a une raison maîtresse. Ce prélude est un morceau privilégié. Pourtant je ne suis pas un thuriféraire de Wagner, loin s’en faut.

Bien entendu, je ne suis pas le seul à l’avoir remarqué cette intro à Tristan und Isolde. Outre les manifestation de plaisir de très nombreux amateurs, il y a une illustration musicale et visuelle du morceau qui est particulièrement bienvenu, dans le Melancholia de Lars von Trier en 2011. Le prélude de Tristan und Isolde de Richard Wagner en est en effet le thème principal.

Le préambule du film montre Kirsten Dunst qui se meut au ralenti, dans un environnement qui se ramollit et avec laquelle elle tend à se confondre. Le tout en combinaison étroite avec le sujet mélancolique de Wagner. Et en cela, c’est une métaphore de la « consistance » intrinsèque de la musique.

Et il me semble être sur la même longueur d’onde avec ce visu « réaliste » de la musique, qui permet une extériorisation du sujet.

Une œuvre de qualité donne nécessairement cette impression de forte d’unité, mais qui reste cependant protéiforme. Cela bouge en permanence, mais dans les cas convaincants, il subsiste à chaque instant quelque chose de tenace de l’ordre de la trame. Comme un rendu filaire, en langage de graphistes informatiques.

Dans ma vision des choses, il s’agit d’une matière insaisissable, de l’ordre d’une pâte de verre opalescente, qui serait toujours malléable, mais selon un plan déterminé. On peut lui coller tous les attributs. Elle s’étire, se contracte et compose une structure au moins tridimensionnelle.

  • Je dis « au moins » car le côté apparemment inachevé et labile, pourrait traduire en fait une projection dans notre monde 3D, d’une méta-structure insaisissable à nos sens, mais qui aurait une cohérence mathématique dans un monde de degré supérieur. Cela n’a rien d’échevelé. Depuis longtemps on sait visualiser la projection en 3D de rotations d’hypercube à 4 dimensions.

La particularité de la sensation musicale, c’est qu’on en oubli au fur et à mesure les parties les plus anciennes, mais la récurrence des éléments principaux, redonne de la solidité à l’ensemble. Ceci n’a pas échappé à nos créateurs. C’est même une base de la composition.

Un petit morceau peut nous permettre d’identifier tout le morceau. Il s’agit donc chez les grands auteurs d’arriver à une unité holographique.

Il y a une unité globale, quasi conceptuelle, mais dont les formes sont toujours en destruction / reconstruction. Cela a à voir avec la faiblesse de la persistance auditive, comme il y a des limites à la persistance rétinienne.

Charles Baudelaire avait aussi éprouvé la densité mi-liquide, mi-solide de certaines œuvres, avec cette temporalité qui efface et renouvelle le motif, comme pour les vagues. Il l’exprimait en partie ainsi : « La musique souvent me prend comme une mer… »

Regardez bien les images. Boulez dirigeant le Gustav Mahler Youth Orchestra, dans cette belle scène, ressemble à une frêle embarcation, dans une mer agitée par les mouvements des musiciens. Étonnant de voir la métaphore filée ainsi.

https://blogduwanderer.com/tag/lucerne-festival-academy/

https://www.mezzo.tv/fr/Classique/Pierre-Boulez-dirige-Wagner-Berg-et-Schoenberg-10802

https://www.bonjourpoesie.fr/lesgrandsclassiques/poemes/charles_baudelaire/la_musique

https://fr.wikipedia.org/wiki/Melancholia_(film,_2011)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Boulez

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