Call me Chihiro. Prostituée japonaise au grand cœur. Manga au cinéma. Van Miss Transgenre. 8/10

Temps de lecture : 4 minutes

Je ne suis pas assez versé dans la pensée japonaise, pour comprendre pourquoi cette ex-prostituée veut qu’on l’appelle de son nom de « scène » Chihiro, comme dans Le Voyage de Chihiro. Mais on devrait trouver la solution, s’agissant d’un film issu d’un manga.

Bien qu’toute la vie elles fassent l’amour, bien qu’toute la vie elles fassent l’amour
Qu’elles se marient vingt fois par jour, qu’elles se marient vingt fois par jour
La noce est jamais pour leur fiole, parole, parole
La noce est jamais pour leur fiole

Kasumi Arimura est toujours agréable à regarder, son métier ne l’a pas usé, elle n’est pas devenue non plus une sainte repentie, comme on le voit parfois dans des films « moraux ».

Ici elle se refait une conduite en vendant des bentos à l’étal. Elle est très appréciée et pour les hommes qui fréquentent assidûment l’échoppe. Bien qu’ayant laissé tomber le métier, elle est nimbée de l’aura de ces geishas des rues. Pas que les mâles avides la considèrent comme une idéalisation de cette forme de sexe et de ses rituels, mais plutôt que cela les affole de voir une source de plaisirs, si ouvertement accessibles, dans ce petit magasin ouvert sur la rue. Il n’y a ni mépris, ni culte là dedans.

Elle ne s’offusque absolument pas qu’on lui rappelle son ancien métier. En réalité cela lui fait ni chaud ni froid. Elle se considère comme une coquille vide. Et en effet c’est ce profil que le réalisateur met en avant dans un premier temps.

Sa bonne copine de boulot ” Van “, la retrouve et passe un moment chez elle, à observer ce « phénomène » de réhabilitation. La belle, nouvelle arrivée, s’est fait spolier par son mac. Adieu la petite entreprise dont elle rêvait et qui reste son objectif malgré tout. Une bosseuse celle-là. Une actrice très belle d’ailleurs. Une de celles que les crédules, s’imaginent pouvoir sortir des basses besognes, pour la garder rien que pour eux. Un fantasme de « petit ».

  • Vous l’appréciez vous aussi ? Eh bien je vous ai feinté, en vrai Van est une Miss Transgenre (MIQ Japon 2019) ! Ça refroidit le mâle toxique qui est en nous.

L’histoire se diversifie grâce à des ouvertures. On le doit aux tentatives de la repentie sans gêne, d’aider les êtres tout aussi perdus qu’elle. Cela sera le cas pour un chat, un clodo, un client de bento, un tout jeune gamin indiscipliné qui fugue, une jeune élève qui s’interroge, une adolescente lectrice de mangas, une vieille aveugle… son ancien gérant du bordel, qui habite fortuitement ici aussi, et qui s’occupe d’un négoce de poissons rouges. Avec lui, ce sera un peu plus compliqué.

Et finalement on ne sait pas très bien, ce que son assistance apportera vraiment.

Il y a certes des éclaircies comme pour le petit en déshérence, du fait de la faible présence de sa mère, pour cause de travail et de célibat. Cette mère d’ailleurs fera la guerre à notre héroïne, car elle pressent qu’à cause d’elle son fils Tetta Shimada lui échappe, en tout cas dans la configuration qu’elle avait imaginée. Mais l’intervention de la femme aux bentos s’avérera bénéfique pour tout le monde. Yui Sakuma est une jolie maman moderne, mais dépassée par les circonstances. Elle a de la prestance et du caractère. Si la vie avait été plus avenante, comme avec un mari qui puisse l’épauler et l’aimer, les choses auraient été bien différente. Ces ruptures avec enfants sont forcément déchirantes et moins glorieuses que les protagonistes peuvent l’imaginer au début.

Le clochard décédera dans un coin, comme un malpropre. Dans la vraie vie l’acteur a un nom : Keiichi Suzuki.

Hana Toyoshima, la jeune fille aidée pressentira qu’il existe un monde bis, plus intéressant que celui trop formel de la néo-tradition nippone de sa famille conformiste. On tremble que ces parents puissent avoir connaissance de sa relation avec une prostituée. On nous épargne cela.

Il y aura une sorte de modeste banquet final, au sommet de l’immeuble. Où la plupart des caractères se rejoindront. Et très significativement l’ex travailleuse du sexe aux bentos, en profitera pour s’échapper à nouveau. Loin, très loin, hors de portée bien sûr.

On la retrouvera dans un domaine agricole pour une nouvelle vie, où interrogée sur ce qu’elle faisait avant, elle n’aura pas de mal à dire « des bentos ». Sa vie sur le trottoir étant déjà une étape d’avant avant.

L’actrice Kasumi Arimura est très présente et convaincante dans ce rôle protéiforme qu’on lui donne. c’est très bien joué par tous les acteurs d’ailleurs. Y compris les plus petits, ce qui n’est pas une mince affaire.

Dans les films japonais les rituels de bonne bouffe ont une grande place. Et pour le reste il faut se garder de tout chercher à comprendre, mais plutôt se laisser porter par les sentiments.

Deux heures et quinze minutes bien dépensées.

Bien que ces vaches de bourgeois, bien que ces vaches de bourgeois
Les appellent des filles de joie, les appellent des filles de joie
C’est pas tous les jours qu’elles rigolent, parole, parole
C’est pas tous les jours qu’elles rigolent

Il s’en fallait de peu mon cher, il s’en fallait de peu mon cher
Que cette putain ne fût ta mère, que cette putain ne fût ta mère
Cette putain dont tu rigoles, parole, parole
Cette putain dont tu rigoles

La Complainte des filles de joie de Georges Brassens.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Call_Me_Chihiro

https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Complainte_des_filles_de_joie

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