En cloque, mode d’emploi (2007) 6.5/10

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A première vue cette production est dans la droite ligne de ces films US conventionnels, quand ils traitent de l’hyménée et au-delà.

On note en effet ce trop fameux conformisme sur tous les rituels profanes des demandes en mariage, dont le genou à terre et la bague dans son écrin… Mais on constate surtout ces lourdingues règles imposées aux couples par la doxa. Avec bien entendu en premier lieu, la consubstantielle régularisation devant le maire, assortie cette ode à la fidélité et du bréviaire des concessions et de ses accommodements, dont l’hypocrisie.

Et puis de nos jours – et c’est surtout montré ainsi au cinéma -, les femmes ont pris les choses en main, et ne se cachent plus d’attaquer là où cela fait mal. Il faut cela, pensent-elles, pour faire régner leur ordre. Désormais, seules les femmes seraient aptes à gouverner la famille. Elles se doivent donc d’être exigeantes, enquiquineuses et inquisitoriales, mais aussi de faire du chantage au sexe ou un coûteux procès le moment venu.

Elles pourchassent notre virilité ontologique, comme si c’était une tare, en tout cas c’est vu comme cela dans le cinéma bien-pensant. Comme si notre façon d’être au monde n’était qu’un reliquat coupable de notre animalité (*)

Et ces hommes à qui on a limé les ongles, les dents et le sexe, nous sont montrés aussi dociles que des petits caniches. C’est la fin de l’histoire, l’homme est enfin domestiqué et ainsi relégué à son rôle exclusif de géniteur gagne-pain. On peut déjà se passer de lui pour faire un enfant, une éprouvette ça marche aussi. Mais le côté soutien de famille reste indispensable. Peu de femmes veulent pleinement assumer ce dernier point d’émancipation que devrait leur dicter leur féminisme. L’indépendance de nos queen bees étant plutôt conçue comme le contrôle des ouvriers qui doivent eux bosser.

En terme féminin, ces pauvres gars sont devenus doux et compréhensifs. Mais elles ne sont toujours pas satisfaites. Ce qu’on peut comprendre, dans la mesure où on bouscule d’un coup les genres qui ont été à leur place pendant des centaines de millénaires. Quelque chose ne colle vraiment pas, avec cette nouvelle donne. « le vilain mari tue le prince charmant » nous explique Nougaro.

Ce qu’il y a un peu de nouveau dans ce long-métrage, c’est ce léger contre-pied. On va sacrifier à tous ces rituels mais en traînant un peu les pieds. La révolte gronde quand même.

Et puis, il y aura un vrai rétablissement des rôles en salle d’accouchement. Quand même pas au détriment de la future mère, mais contre l’envahissante et castratrice sœurette.

Cette scène est d’ailleurs très habile, y compris médicalement parlant. On se moque gentiment de ces femmes qui veulent faire dans les méthodes naturelles, qui s’accrochent à un gynéco bien précis, et qui pensent qu’il faut imposer sa volonté même contre les évidences de la science et sans tenir compte de l’expérience de l’expert.

Le propos soulève également la question des couples mal assortis, qui se trouvent coincés dans une grossesse fortuite. C’est argumenté en long et en large. Et bien entendu on en arrive à la mièvre conclusion que l’amour est quand même souhaitable. Le cinéma rend ces contes pour enfants possibles.

Le film est servi par des acteurs célèbres, Katherine Heigl, Seth Rogen, Paul Rudd, Leslie Mann, mais dans un jeu conventionnel. Ce sont des habitués de la romance.

Il y a pas mal de bons gags.

Cela se veut un peu politiquement incorrect, mais en réalité, même les pas de côté sont à présent convenus et habituels. C’est juste l’extension du domaine de l’abdication, dans un faux semblant de lutte. Et cela ne dure qu’un temps, vu que tout le monde retourne au bercail.

Le réalisateur et scénariste Judd Apatow est un vieux de la vieille. C’est une véritable usine de production qui tend à faire des films consensuels et qui rapportent. 40 ans toujours puceau, 40 ans : Mode d’emploi…

  • (*) Animal toi-même !
  • Les femmes qui s’attaquent à notre prétendue animalité, ne craignent pas de porter aux nues les valeurs prétendues de leur féminité. Laquelle est d’ailleurs largement devenue synonyme de maternité. Et pourtant il ne faut pas être un grand anthropologue pour se rendre compte que ces valeurs sont juste des obligations liées à leur condition de mammifère.
  • Cela me fait toujours sourire quand je vois qu’on prête à la tendresse d’une mère pour son enfant ce quelque chose de profondément « humain », alors qu’elle partage cet affect avec la maman cochon et la chimpanzé.
  • Et l’ange plein de lumière aux profonds yeux coquins ne s’est-il pas transformé en une banale maman ?

https://www.imdb.com/title/tt0478311/

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