Film, Face à Face. Grèce. Manthoulis, sexe et sciences politiques. Vincent Ostria a raison. 7/10

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Voilà un travail pour lequel la plupart des critiques de maintenant ne voudront pas se donner trop de peine. Ils parleront d’ovni, de film inclassable, ou bifurqueront comme des moutons vers la seule politique…

Eh bien si, ce long-métrage entre bien dans une catégorie et échappe en grande partie au traquenard des orientations supposées. C’est un film d’art et d’essai, niche dans laquelle on ne craint pas un certain amateurisme et la foir’fouille de « trouvailles » plus ou moins réussies. Dans cette case, l’important est de faire preuve d’un minimum de fraîcheur et d’inventivité.

Face à face (1966) danse sur ses deux pieds mais avec des musiques bien différentes. Le ton est badin le plus souvent, mais de fugaces scènes de soulèvement populaire et des allusions politiques, pointillent la toile de fond. Ce qui nous amène à nous demander qu’elle était la situation de ce pays dans ces années là.

L’action se situe un peu avant le coup d’État des Colonels de 1967, qui sera suivi d’une dictature répressive. Ce qui apparaît dans un film culte Z (1969) de Costa-Gavras, co-scénarisé aussi par Jorge Semprún – C’est la seule fois dans ma vie où j’ai vu tout le public d’un cinéma se lever pour applaudir. On comprend mieux la révolte en filigrane de Face à face.

Le réalisateur Robert Manthoulis a étudié les sciences politiques et conscient de la dangerosité de la situation, il a cru bon de quitter la Grèce à lors du retournement de situation de 1967. Heureusement pour lui, car il avait le profil à abattre, tel que le voyait les militaires. Il s’est cependant réfugié aux USA, pays dont on connaît l’implication dans le coup d’État « anticommuniste ».

L’avant-garde de la critique cinéma grec a primé le réalisateur de Face à face. On se doute que ce salut appuyé allait au-delà de la simple qualité esthétique du film. D’ailleurs sur ce plan, il faut dire la réalisation est quand même assez moyenne en soi. Mais sans doute qu’à l’époque sur ce sol philosophique, ce soubresaut était déjà quelque chose. Des commentateurs n’hésitant pas à qualifier cela de « nouvelle vague grecque » – Même à l’abri, Manthoulis n’a pas fait grand-chose depuis.

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Sous la plume de Vincent Ostria, même l’Humanité conteste ce qui est écrit un peu partout et qui se résume à souligner « une féroce satire de la montée du fascisme en Grèce ». Il surajoute ceci : « S’il y a un peu de vérité dans cette affirmation à l’emporte-pièce, elle n’est pas exacte non plus ». Le journal poursuit intelligemment et distancié pour une fois : « c’est avant tout une comédie qui provoque par sa grande liberté esthétique et morale ». Il mentionne également le côté « Jacques Tati » qui m’a aussi frappé par moment.

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Le film est une plaisante satire de la bourgeoisie, comme on en faisant tant à cette époque, un peu partout dans le monde. En cela, on est plus dans le néoréalisme que dans la nouvelle vague.

Le jeune professeur d’anglais doit apprendre cette langue à une jeune élève chahutée par ses hormones et qui est la fille d’un brasseur d’affaires forcément louche. Il a 15 jours pour qu’elle réussisse à tenir la conversation avec un promis britannique. Il s’agit de la caser.

Mais le prof, pourtant bien timide, exerce une fascination sexuelle sur toutes les femmes de la maisonnée. Il fait pourtant tout pour rester froid et professionnel. Ce qui augmente encore l’instinct chasseur de ces furies. Et bien entendu la jeune fille finit par coucher avec lui. Mais sa mère aussi. Il n’y a que la bonne qui n’y passe pas. Manthoulis devait manquer de pellicule.

Une fois la « chose » réalisée, ce « jouet » n’intéresse plus. Et ces dames vaquent à leurs occupations et poursuivent leur destin tout tracé. Alors il pète les plombs. Les esprits politico-psychanalytiques y verront sans doute une métaphore des convulsions du pays.

Avec ce qu’il faut d’anachronisme, et donc vu de maintenant, le film mériterait la moyenne. Mais en se donnant la peine de relativiser et de se replonger dans cette époque sanguinolente, on peut aller jusqu’à 7/10.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Face_%C3%A0_face_(film,_1966)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Gr%C3%A8ce

https://fr.wikipedia.org/wiki/Z_(film,_1969)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_Manthoulis

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