Villes sous l’Occupation. Strasbourg. Hirt, Institut d’Anatomie coupable. Federmann, Vitoux, Vonau, Neau-Dufour. 8/10

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L’Alsace terre d’immigration. On peut dire cela si l’on considère toutes les hordes qui nous sont passées dessus. Dont la déferlante nazie qui nous occupe ici.

Le documentaire plante bien le décor. La drôle de guerre, le contournement à l’ouest de la ligne Maginot, la défaite, le vidage complet de Strasbourg tel que raconté par une « revenante » occasionnelle. Et puis le retour vers son foyer avec la consternante découverte de la germanisation à marche forcée. Mon confrère le Dr Joseph Eschbach, que j’ai cotoyé, témoigne de cela à l’écran également.

Ma mère née en 1930 et habitant alors dans une banlieue de Strasbourg a connu cela. Et son prénom a été transformé à la sauce teutonne, comme c’était la règle alors. L’usage du français était prohibé, alors que bon nombre de gamins ne parlaient pas allemand.

Et puisqu’on en est aux histoires de famille, je mentionne dès maintenant le passage de son père (mon grand-père) au camp de « redressement politique » de Schirmeck, dont ma mère dit que cela l’a transformé, au point qu’elle s’interroge encore sur d’éventuelles mutilations cachées.

Hitler était tellement obnubilé par cette ville, qu’il est venu voir ce qui se passait quelques jours après que la cité soit prise par ses troupes. Il a volontairement investi très “généreusement” dans cette conquête, avec de nombreux travaux sur place et l’apport de ce qu’il considérait comme de grands universitaires (à sa botte et totalement imprégnés de son idéologie) pour façonner les esprits. On y a vite appris comment distinguer les races. Et ces nouveaux « seigneurs » se sont lâchés.

Comme pour le “renommé” professeur Hirt qui a « commandé » des Juifs dans les camps de la morts de l’Est, pour qu’ils soient proprement exécutés au Struthof, dans des structures faites pour cela. Il s’agissait d’enrichir une collection didactique d’éléments constitutifs d’une « race » sensée disparaître.

Mon ami psychiatre activiste, le Docteur Georges Yoram Federmann, s’est battu pour qu’enfin une plaque commémorative soit apposée sur le bâtiment d’anatomie de l’hôpital de Strasbourg, précisément là où j’ai fait ma spécialité en médecine. Il entretient la mémoire de cette abomination sur ce site struthof/taffel, alors que l’Université voulait oublier.

Jacques Heran maintient que « contrairement à une légende tenace, les pauvres restes des victimes juives de Hirt au Struthof, retrouvés à la Libération dans les cuves de l’Institut d’Anatomie, n’ont jamais été donnés à disséquer aux étudiants français, et aucun fragment n’est conservé dans des bocaux »

” En 2015, la municipalité de Strasbourg annonce cependant que des « préparations contenant des restes des victimes de l’anatomiste nazi August Hirt » ont été découvertes le 9 juillet dans les collections (non accessibles au public) de l’Institut de médecine légale de la ville par Raphael Toledano et Jean-Sébastien Raul “.

D’autres éléments sont en faveur d’une thèse contraire. Ayant été aussi étudiant dans cette structure, j’ai aussi de sérieux doutes et suis assez convaincu que des « restes » pouvaient être encore là quand j’y étais, dont sans doute ces hémi-crânes « suspects » en coupes sagittales avec la hémi-physionomie préservée et travaillés avec soin – Accès ultra réservé, mais que j’ai pu observer sous conditions draconniennes. J’ai gardé longtemps cela pour moi, doutes inclus, en raison d’un engagement professionnel que j’ai du faire à l’époque, en échange d’un sésame « pour voir ».

A signaler l’analyse méticuleuse faite par les intervenants, dont Marie-Claire Vitoux l’historienne qui maîtrise bien l’histoire locale, Jean-Laurent Vonau professeur émérite qui sait rendre bien vivant ce passé, et quelques autres comme Frédérique Neau-Dufour qui s’est impliquée dans les travaux sur la faculté de médecine de la Reichsuniversität Strassburg.

Grâce à eux et d’autres experts, on comprend mieux les rôles réciproques et changeants des camps de la région de Schirmeck.

Le camp de sûreté de Vorbruck-Schirmeck où d’infâmes brutes terrorisaient les récalcitrants au régime, puis une fois conditionnés, les relâchait dans leur foyer pour qu’ils découragent les autres révoltés d’en faire autant. C’était déjà très violent et dégradant. Ce camp a totalement disparu. Une zone résidentielle a pris la place.

Le camp répressif de Struthof-Natzwiller, dit de concentration, pas loin du précédent, et dont on a gardé de quoi entretenir la mémoire. C’est un des premiers mouroirs pour des victimes de type Nacht und Nebel, mais pas un camp délibérément destiné à des génocides organisés. La portion gaz létal et crématorium étaient des lieux séparés, réalisés spécialement dans le cadre « d’expériences » médicales. Dont celles de Hirt.

Il faut bien garder ces subdivisions en tête, afin de ne pas tout mélanger et de mettre alors au même niveau différents stades victimaires.

Le récit mentionne aussi la forte désillusion des Alsaciens, qui sous la pression du fanatique gauleiter Robert Wagner (Backfish = « poisson frit »), et son insistance auprès d’Hitler, a fait les Malgré-nous. Les « gens de l’intérieur » (les autres Français) s’imaginent que les Alsaciens incorporés dans la Wehrmacht, étaient volontaires, ce qui est parfaitement faux. Lorsqu’on leur a proposé l’engagement volontaire, il n’y a pas eu (ou presque) de candidats. Mais après on ne leur a pas laissé le choix. Un article officiel condamnant même les familles des réfractaires à la relégation à l’Est du Reich. Les « candidats » soucieux de leurs proches n’avaient pas le choix.

Le même tortionnaire Wagner se félicitait d’avoir fait de l’Alsace le premier territoire  « judenfrei »

PS: … un autre documentaire sur les horreurs de la “science” nazie, donne le témoignage filmé de Henri Henrypierre, prosecteur, qui s’étant offusqué de voir débarquer tant de corps de personnes en apparente bonne santé, a eu l’intelligence et le courage de noter les numéros gravés dans leur chair. Grâce à lui l’histoire deviendra plus claire et les 86 victimes finiront par être identifiées.

En visionnant ces nouveaux apports, j’ai revu ces grands bacs de conservation des corps, s’ouvrant vers le haut et qui étaient strictement les mêmes lors de nos études médicales. Du “matériel”, vraisemblablement plus récent, était bien là.

Wolfram Sievers fut le seul haut responsable à être pendu pour cela à Nuremberg.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Collection_de_squelettes_juifs_du_professeur_Hirt

https://fr.wikipedia.org/wiki/August_Hirt

https://fr.wikipedia.org/wiki/Georges_Yoram_Federmann

http://judaisme.sdv.fr/histoire/shh/struthof/taffel.htm

https://fr.wikipedia.org/wiki/Malgr%C3%A9-nous

https://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_Wagner_(gauleiter)

https://encyclopedia.ushmm.org/content/fr/article/natzweiler-struthof

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