Gervaise – film – avis (1956) 8/10 René Clément – Schell – Périer – Delair

Temps de lecture : 3 minutes

Un authentique mélo, soutenu par des acteurs de premier plan.

Une plongée en profondeur dans ce ténébreux monde ouvrier d’avant 1870. Une sorte de « reportage », voulu ainsi par Zola, et qui témoigne des conditions de travail épouvantables, de la misère et des dégâts de l’alcoolisme (*).

L’intrigue du romancier peut paraître complexe et méandreuse. Mais en réalité, elle est assez simple.

La confusion apparente reflète ce vivant plutôt indéterminé, et qui s’auto-modifie en permanence quand il est soumis aux aléas d’une existence mouvementée. C’est la vie, c’est comme ça.

Dans Gervaise, le cour des choses est inéluctable. C’est l’époque qui veut cela. Pas de pitié pour les êtres angéliques.

Cette femme éponyme, connaîtra trois hommes dans sa vie. Et chacun à sa manière la conduira un peu plus dans l’impasse finale.

Elle est solaire et naïve. Elle vit dans une bulle où tout doit être beau et bon. Elle déteste faire de la peine. Elle a du mal à refuser.
On ne pouvait pas trouver mieux que la blonde Maria Schell, surnommée « Maria Chiale », pour jouer ce grand rôle.

Les femmes seront jalouses de sa lumière.

Les hommes voudront la posséder. Et tous, finiront par l’abandonner.

Aurait-elle pu se défendre ? Sans doute, mais au prix de sa belle innocence. Mais pour qu’il y ait une histoire, il faut qu’elle devienne une martyre.

C’est une époque où l’homme est un roi et un protecteur obligé. C’est pourquoi, au fond, la marge de manœuvre de Gervaise est très limitée. Elle doit passer de l’un à l’autre, comme si c’était d’indispensables bouées.

Le premier, c’est le fringant Lantier, un viveur qui plaît. Un porteur de faux espoirs.

Il se sert de sa séduction, tant auprès des femmes dont il fait des maîtresses, que des hommes dont il fait des amis.

C’est un parasite malin. Il abandonne les uns et les autres, après leur avoir soutiré le meilleur, avec sa belle élégance d’escroc. Armand Mestral incarne bien ce personnage.

Cet amant fait deux enfants à Gervaise, dont Nana. Il disparaît du jour au lendemain.

Gervaise retrouvera un bon gars. Un gentil qui travaille et ramène des sous à la maison. C’est une période de paix et de bonheur. Ils se marieront. François Périer est parfait dans ce rôle.

Le troisième homme est une solide forgeron, une homme de parole et d’engagement. Il n’est pas mesquin comme les autres. L’acteur Jacques Harden fait bien le job.

Il aime secrètement Gervaise et lui consentira un gros prêt, afin qu’elle réalise son rêve, l’achat d’une boutique. Il est l’homme de sa vie. Celui qui aurait pu la sauver. Mais rien ne se fera, car il devra aller en prison pour avoir arrêté de travailler. Il n’y a pas de droit de grève à cette époque.

Un jour, le mari couvreur tombera d’un toit et ne pourra plus jamais travailler. Il glissera dans un alcoolisme sombre, et mènera le couple à la ruine.

Lantier reviendra pour s’insinuer dans ce couple en perdition. Il reprendra la main sur Gervaise, tant qu’il y aura quelque chose à piquer.

Puis, il la jettera à nouveau comme une malpropre, pour se mettre avec sa pire ennemie et lui confisquer sa boutique. Suzy Delair est cette chipie opportuniste (elle l’aurait été réellement pendant l’Occupation). Elle prend son temps pour assouvir sa vengeance.

Dès lors, Gervaise n’ayant plus aucun appui, aucune ressource, tombera dans une profonde déchéance.

Plusieurs prix vont récompenser les performances d’acteur de Maria Schell et de François Périer. De nombreux petits rôles sont bien présents, et cela contribue à la bonne tenue de ce film prenant.

La réalisation est de grande qualité. C’est un noir et blanc très travaillé, avec des plans savants. Un régal pour les yeux. De quoi distraire ceux que l’histoire peut un peu ennuyer.

  • Oscar du meilleur film étranger, quand même !

Le réalisateur est René Clément, à qui on doit aussi « Jeux interdits », « la bataille du rail », « Paris brûle-t-il ? », « plein soleil » , « les félins », « le passager de la pluie » et une contribution à « la belle et la bête ». Je suis plus circonspect sur son film en U-boat « Les Maudits ».

A noter qu’à ses débuts, il a fréquenté professionnellement Jacques Tati.

  • (*) Rien d’étonnant à ce que Marx, ce « dangereux révolutionnaire » chassé de Paris en 1845, ait échafaudé ses théories sur ces vérités ouvrières là.
  • Rien à voir avec ces minables simagrées d’assistés auxquelles on a droit maintenant. Des usurpateurs qui prétendent s’inspirer des grands mouvements, on ne peut plus légitimes de jadis.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Gervaise_(film)

Maria Schell
François Périer
Suzy Delair
Armand Mestral

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