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Renforcer le mythe, atténuer le mythe ?

Le documentaire fait les deux avec discernement. Il évite les louanges exagérées mais focalise la vision qu’on a des points forts de ce curieux personnage. Il nous apprend que Gutenberg lie son sort à celui de deux associés, pour le meilleur et pour le pire. L’invention est désormais le fait d’un trio.

L’imprimerie à caractères séparés réutilisables ne date pas de 1450. Les Chinois utilisaient déjà cela pour leurs idéogrammes. Mais la méthode n’était pas facile vu le nombre de « caractères ». Mais rassurez-vous Johannes Gutenberg n’a pas juste adapté cette technique asiatique. Il est à peu près certain qu’elle n’avait été révélée à l’occident. Il a vraiment innové.

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La méthode est complexe car elle nécessite d’allier des secteurs nouveaux et bien différents les uns des autres. Il faut des années de recherche pour que cela marche et que cela reste ergonomique et rentable.

De nouvelles encres moins liquides et dont les temps de séchage s’adaptent à l’humidité et à la température des locaux (d’où l’usage avéré du plomb).
Des presses aux forces étudiées avec des plateaux parfaitement parallèles.
Des caractères à créer facilement et en grand nombre, qui donnent, au fur et à mesure des progrès, une excellente lisibilité (d’où le Donat DK et l’alliance indispensable avec le typographe Pierre Schoeffer)
Les mêmes caractères avec des bases de largeur variable pour permettre la justification de la ligne.
La question de la polychromie reste en discussion. Plusieurs passages sous la presse permettaient un tel exploit avec des lignes en noir et d’autres en couleur. Mais c’était extrêmement difficile en pratique courante. Il a donc laissé tomber. Il fera compléter manuellement la partie couleur.
La qualité du support est bien entendu très importante et nécessite sans cesse des mises au point.
La recherche d’un sponsor avisé et qui a les moyens. D’où la présence dans le trio, du brasseur d’affaires Johann Fust. Son pari économique était risqué… et en cela il a échoué. Mais l’invention demeure et c’est l’essentiel. Un peu comme pour Woodstock où les financiers ont été essentiels à la réussite, mais cela ne leur a pas empêcher de prendre eux un bouillon. Reste la gloire. Et si “sic transit gloria mundi”, c’est encore pire pour les magots.
Une solide formation en économie et en prospective… ce que n’avait pas le gourou de l’affaire et qui concoura à sa perte. Il a bénéficié de deux fois 800 florins d’or (équivalent à 2 fois 4 maisons) mais il en aurait fallu 5 fois plus pour rester à flot avec l’édition des 180 bibles. Mais qui pouvait anticiper de si nombreuses inconnues ?

Le mérite de Gutenberg tient à sa vision, son obstination, la qualité de ses recherches et … un certain sens pratique. Fust lui fera un procès pour récupérer ses billes. Rien à faire Gutenberg est désargenté. Alors le financier partira avec Schoeffer et l’ensemble du savoir faire. Ils se lanceront dans leur propre aventure ; portant encore plus haut le polychromie et la beauté des caractères, comme avec ce Psautier de Mayence. Trop sans doute car ces éditions trop merveilleuses seront quasi invendables.

Gutenberg reviendra sur terre avec une meilleure idée de l’offre et de la demande. Il se consacrera à des éditions de feuillets utiles, très demandés, comme les indulgences « pré-imprimées », des sortes de CERFA – Pourtant l’histoire n’arrive pas à déterminer s’il est mort dans la misère ou non.

De quand date réellement l’invention de Gutenberg. Nous autres Alsaciens, sommes attachés à son séjour à Strasbourg, même si c’est à Mayence que se situe le gros de son travail. On a même tendance à affirmer que sans ces recherches entamées dans cette ville alsacienne, rien n’aurait été possible. Chauvinisme compréhensible.

D’ailleurs je me demande si Elon Musk n’est pas né à Mulhouse. Cité de passants illustres et cela c’est vrai. On cite volontiers nos concitoyens, william-wyler (réalisateur de Ben-Hur), la famille qui a donné naissance aux Marx Brothers et bien sûr le Capitaine Dreyfus. Mais aussi le Pr Karl Brandt, médecin personnel d’Hitler et ordonnateur du programme d’euthanasie T4… (hum).

Mais dans le fond, on se trompe sans doute à rechercher ce genre d’attaches géographiques, comme le font aussi les habitants de Mayence. Une invention arrive toujours, et ceci dans un laps de temps déterminé, tant la concentration des savoirs à un instant T donne obligatoirement ce résultat. Si ce n’avait été Gutenberg cela aurait été un autre. Ce qui comptait c’était l’effervescence dans cette vallée rhénane et les prémisses de la Renaissance. Renaissance qui s’est nourrie en retour de la diffusion des savoirs par l’imprimerie.

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Du beau monde s’est penché sur ce « reportage », parfois avec des méthodes dignes de l’exhumation des cold case (caractère accidentellement « couché » permettant de reconstituer certaines dimensions – voir illustration)

Le récit est plaisant et plein d’anecdotes. Selon la méthode des docu-fictions, des acteurs sont chargés de nous replonger dans ce monde. Il est loin le temps où l’image statique sur papier nous suffisait (merci quand même Gutenberg). Maintenant il nous faut ces « animations » en 3D cinétique.

Et dans cette nouvelle étape de démocratisation de l’information que l’on doit au dictionnaire global que forme Internet, il n’est plus besoin de nous motiver par cet « héroïsme » supposé des grands inventeurs isolés et figurés comme autant de « poètes maudits ». D’ailleurs ici on voit bien le caractère utile du trio. Et puis, désormais l’exposé du process est déjà parlant en soi. Ce ne sont pas les amateurs de Comment c’est fait qui me diront le contraire.

Présentation teasing Arte boutique :

L’invention de l’imprimerie a révolutionné la diffusion du savoir dans le monde. Mais quelle est sa véritable genèse ? Ce docu-fiction riche d’archives rares révèle la naissance tumultueuse de la presse de Gutenberg.

Au XVe siècle, l’imprimerie à caractères mobiles apparaît au cœur de l’Europe, entre Strasbourg et Mayence. Derrière cette innovation, déterminante pour l’histoire de l’humanité, un nom revient obstinément : Gutenberg. Mais qui est-il vraiment ? Que sait-on de l’homme lui-même ? De ses motivations ? De ses ambitions ? Personnage à la fois inventif, querelleur et habile en affaires, l’inventeur a laissé de nombreuses traces dans les archives judiciaires qui témoignent, en cette fin troublée du Moyen Âge, des tourments et des difficultés rencontrés pour mettre au point son projet. Comment convaincre de l’intérêt de son procédé sans en dévoiler les secrets de fabrication ? Avec qui faire alliance ? Pour ses contemporains, la presse de Gutenberg ne révolutionne pas uniquement la production du livre, elle bouleverse aussi les conventions commerciales en vigueur à l’époque.

Retour aux sources

Mêlant une grande enquête historique dans toute l’Europe et d’ambitieuses reconstitutions de fiction, le film retrace la vie mouvementée de Gutenberg dont de nombreux chapitres restent encore sans réponse. Ce documentaire exceptionnel tente aussi de percer les secrets de la technique imaginée par le père de l’imprimerie, grâce à la reconstitution avec une imprimante 3D de caractères typographiques originaux, ou encore à travers l’analyse minutieuse des premiers ouvrages imprimés, comme un calendrier historique issu de la bibliothèque des princes de Munich.