Hannah et ses sœurs. Avis philosophique. La mort et au-delà. 8/10

Temps de lecture : 3 minutes

Le film est un gros morceau qu’il a fallu étudier en deux parties. Suite à Hannah et ses sœurs. Avis sociologique. Amour et destinée, je vous propose maintenant quelque chose de tout aussi passionnant, le jusqu’au-boutisme de Woody Allen quant à la mort et le néant.

Woody Allen est un hypocondriaque, ce qui a à voir avec la mort, sise symboliquement au bout du chemin. A l’extrême il peut penser qu’il n’existe plus . Et ce sujet est en soi un long chapitre, que nous traiterons à part sur medito, le site frère plus orienté « médecine ». woody-allen-psychiatrie-hypocondrie-et-la-mort.

Pour vous mettre l’eau à la bouche :

« L’hypocondrie maladie endogène est à la fois la crainte et le désir de la maladie. Elle s’intègre tout naturellement à la conscience mélancolique sauf cependant sur un point. En effet s’il se sent pourri, contagieux, pestiféré, il ne cesse d’affirmer qu’il n’est pas malade mais fautif ».

***

Woody Allen est un anxieux et un cérébral, mais il n’est pas fondamentalement un dépressif. Et c’est pourquoi il peut concevoir de passer une année sabbatique à réfléchir sur la mort. Il peut même en arriver par cette déduction « rationnelle » de vouloir essayer, j’ai bien dit essayer, de se donner la mort. Il a acheté un fusil. Ce qui serait une sorte de philosophie expérimentale sans retour.

En général, quand vous apprenez après une longue angoisse médicale, que vous n’avez rien du tout, que vous n’avez pas le cancer en particulier, il est habituel de dire que les gens, qui ont cette bonne nouvelle, profitent de la vie encore davantage.Ils savent à quoi ils ont échappé et se mettent à gérer leurs priorités. Mais chez Woody Allen, cette bonne nouvelle le trouble, car en s’approchant virtuellement trop près de l’issue, il vient de se prendre le mur massif de son athéisme.

Je suis là et puis il y aura plus rien !

Il cherche donc par tous les moyens, tous les grands systèmes qui ont entrepris de combler ce vide. Il est important pour lui d’échapper à cette absurdité du vide absolu, du rien après la mort, du non concevable. Pas qu’il ait peur d’un quelconque jugement dernier, ou de l’enfer, ou même du paradis, mais simplement que son esprit, comme le nôtre, à y voir de près, ne peuvent être convaincu de « l’existence » du rien. C’est le débat de l’être et du néant.

Ce rien ne peut être rationalisé, ce qui est dur à avaler pour des êtres pensants comme nous. Si on arrive à venir à bout d’à peu près tout, on a là le point de l’ultime résistance. Mais bon dieu, c’est quoi donc rien. Est-ce que le monde peut exister sans que moi-même je ne le conçoive, sans que je ne le sente.

En théorie oui et c’est d’ailleurs la solution la plus probable. Mais en pratique dans notre être, on ne peut pas y croire. Le rien n’est ni froid ni chaud, mais il reste quand même dissimulé par une énorme muraille d’obsidienne. Et un jour ou l’autre, on saura si on devra s’y fracasser la tête ou bien si l’on la traversera paisiblement.

Bizarrement, la seule réponse un peu valable à cette angoisse « non-existentielle », c’est la perpétuation. Si mon être se prolonge dans ma descendance, alors même en disparaissant, je ne suis plus tout à fait rien. Bon, c’est une position assez égoïste et qui semble pas tout à fait rassurante. Si Woody Allen, dans le film, n’avait pas solutionné sa stérilité, il n’aurait pas eu cette perpétuation possible. Mais au fond, je ne pense pas que ça l’ait tellement chagriné. Que la perpétuation de soi est l’élément basique, de la perpétuation de l’espèce, surinvesti l’importance de la descendance, voire de l’humanité chaînée toute entière, mais ne solutionne pas vraiment la question du rien / néant.

Je n’y ai pas été, mais je pense raisonnablement qu’au moment ultime l’évocation de la force amoureuse ou de la chaîne humaine qui nous relie les uns aux autres, est sans doute le meilleur médicament. C’est ce qu’on voit dans Melancholia (film, 2011), quand l’astre percute la terre et que ces êtres se donnent la main.

Si l’on n’est pas dépressif, on ne peut que partir avec cette ambition de penser très très fortement à ceux qu’on aime.

Les religions nous proposent des « non-morts » pour tenter de régler ce problème du néant. Chacune avec son petit kit de survie. L’une proposera la réincarnation, l’autre la vie dans l’au-delà au ciel ou en enfer…

En dehors de sectes suicidaires, aucune nous parle du néant et aucune ne tente de nous familiariser avec.

Envie de considérations plus joyeuses, voir alors la première partie : Hannah et ses sœurs. Avis sociologique. Amour et destinée.

Envoi
User Review
0% (0 votes)

Laisser un commentaire