L’Enfer du devoir. Film ignoble (2000) Boycott. Censure – Samuel Jackson, Tommy Lee Jones, Jim Webb, William Friedkin 0/10

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La honte du cinéma américain.

C’est la première fois, et je l’espère la dernière, que j’ai à mettre un infamant 0/10 à un film. Et ce n’est vraiment pas dans mes habitudes de souhaiter le boycott et la censure à quiconque. A priori ce n’est que du cinéma !

Ce long métrage est malveillant, manipulateur, vicieux, toxique et profondément malhonnête. Et ceci est d’autant plus pervers qu’il est bien réalisé et qu’il joue la partition de la bonne conscience !

C’est un scénario propagandiste très habile.

Bien qu’il soit totalement pollué par une animosité anti-arabe, il se donne des airs de bonne justice. C’est là où réside le piège. Cet artifice est matérialisé par un procès où l’on donne à croire que toutes les parties ont la possibilité d’exprimer leur point de vue. Le problème c’est que les prémisses sont délibérément et outrageusement faussées !

1) Vu dans le sens classique, il s’agit de la mise en cause puis de la réhabilitation d’un valeureux officier américain, interprété par Samuel L. Jackson. Cet acteur que je trouve rarement sympathique, est envoyé à la rescousse de l’ambassade US au Yémen. Elle est assiégée par des arabes agressifs. La situation semble désespérée.

  • Cela n’est pas sans rappeler d’autres circonstances analogues, au Moyen-Orient, en Afrique, en Asie… C’est donc quelque chose qui touche tout particulièrement les citoyens américains. D’autant plus, et il faut le rappeler, que ces antennes sont selon le droit international des morceaux de leur propre pays situés à l’étranger.

Ce vétéran a le profil type d’un gradé fidèle à son pays et tout dévoué à sa tache.

Il doit réagir dans l’urgence, sous le feu. Au moment où il exfiltre l’ambassadeur Ben Kingsley et sa famille, il prend la grave décision de tirer sur le foule qu’il juge plus que menaçante. Lui a vu des armes dans le public en bas, en plus des snipers bien repérés sur les toits.

Pour bien nous montrer son patriotisme indéfectible, il retourne même récupérer le drapeau américain, sous un déluge de balles, alors que l’affaire est bouclée.

Donc a priori, il a tout pour recevoir une nouvelle médaille. Mais c’est sans compter sur les médias et les politicards de Washington. Plus de 80 morts tout de même, tous en civil. Et il y a de nombreux femmes et enfants sur la carreau ! Les images sont terribles.

Un tribunal miliaire est constitué pour la circonstance. C’est une cour martiale strictement américaine. Pas une instance internationale indépendante.

Guy Pearce est l’avocat de l’accusation, il attaque le brave soldat, par tous les moyens. Pour lui, il n’y a pas de justification à ce massacre. Il entend bien le prouver. Il sait trouver la petite bête.

Tommy Lee Jones est le pote de galère de Samuel L. Jackson. Bien qu’il se sente incapable de l’aider correctement comme avocat, il se dévoue quand même.

  • L’idée étant que tout s’acharne contre le pauvre Samuel. Accusation implacable, défense faiblarde.

Pour couronner le tout, une cassette ayant enregistré la scène a disparu mystérieusement. Pourtant elle aurait du montrer que tous les gens de la foule étaient armés et tiraient, y compris les petits enfants. Et donc le canardage US n’aurait été que de l’auto-défense ! Ce sont les planqués des ministères qui ont commis cette forfaiture. La bande magnétique est partie en fumée.

Bruce Greenwood incarne ce conseiller de la Sécurité Nationale retord qui incrimine le soldat. Une sorte de traitre dans son propre camp. La thèse de ce responsable civil, est qu’il faut accepter l’idée que ce drame était une faute et qu’il faut juste sacrifier un coupable dans un procès à charge. Ce serait juste un acte isolé.

Mais comme par principe la sacro-sainte justice américaine sait toujours démêler le vrai du faux, elle finira par conclure à l’innocence de Samuel L. Jackson. Mais il faut quand même nous montrer dans de longs passages ce parcours du « combattant », plein de « I object », dont le cinéma anglo-saxon a le secret.

Une belle musique allégorique finale aidera à nous embringuer là dedans. L’honneur du soldat, et de la justice, et de l’Amérique, seront lavés ! On a le devoir d’applaudir à tout rompre !

2) Vu plus objectivement, en déconstruisant le parti pris et le mensonge initial.

Les gradés, les politiques, les images, les situations et le Yémen sont désignés on ne peut plus clairement. Du coup, ce manège semble incroyablement réel.

Pourtant, il faut se rendre à l’évidence. Il faut bien comprendre que ce n’est pas une histoire vraie, mais une construction impossible, faite tout exprès. Il s’agit de justifier la thèse militaire de l’ingérence, d’une prétendue autodéfense et de la fin qui justifie les moyens.

Personne n’a jamais vu dans toute l’histoire, de foule univoque de centaines de personnes intégralement armées, y compris femmes, vieillards et très jeunes enfants, qui tire subitement d’un seul homme sur une ambassade, tout en réussissant à dissimuler pratiquement à tous, leurs mauvaises actions.

Et donc si on enlève cet abject présupposé, tout s’écroule. Et même si quelques uns auraient pu être effectivement armés – qui sait – cela n’en reste pas moins un grand massacre de civils, donc un crime de guerre. Cette histoire de cassette vhs qui prouverait le contraire est une arnaque incroyable.

Pour souligner la perversité du propos, on peut rajouter ceci.

Lors du procès, pour montrer qu’il n’en est pas à sa première « bourde », on reproche à Samuel L. Jackson d’avoir, par le passé, tirer volontairement sur un soldat Vietcong prisonnier pour obliger son supérieur à trahir leur position. Ce meurtre caractérisé d’un gars désarmé, lui aurait permis de sauver des hommes de son groupe.

L’argument est écarté d’un revers de main. Le supérieur vietnamien aurait lui sans doute fait la même chose de son côté ! Je ne fais que le mal que tu aurais pu me faire. Une sorte de loin du talion.

C’est hallucinant, mine de rien, on vient ainsi de valider l’argument justifiant la torture et les crimes qui lui sont liés. En cas d’urgence tous les moyens sont bons.

Le réalisateur Friedkin et surtout le scénariste et homme politique Jim Webb se permettent une manipulation des esprits, d’une rare perfidie. J’ignore s’ils agissent seuls, juste avec des intervenants de leur équipe, ou s’ils s’inscrivent dans le cadre d’une propagande orchestrée par les autorités militaires. Il y a un doute sérieux. Je n’ai même pas envie de me plonger dans leur biographie. Cela ne doit pas être politiquement reluisant.

Je sais bien que les appels au boycott sont peu entendus et le plus souvent inefficaces. J’évoque cela donc juste comme cela.

Et je suis a priori contre la censure. Mais il faut reconnaître qu’il est quand même bon d’avertir le public. On le fait bien lorsqu’il y a des scènes de violence ou de sexe extrêmes. Pourtant on s’est habitué au sang, aux coups et au reste; et cela ne fait plus grand-chose. Mais ici le poison est bien plus pernicieux et les ravages peuvent être conséquents. Les autorités ne nous protègent pas, alors que les critiques conscientes fassent leur boulot… Et comme je n’ai pas vu beaucoup de réactions, je m’y colle.

Il va sans dire que le Yémen a été profondément choqué par ces amalgames douteux.

On est dans le même esprit que lors de ce scandale des pseudo armes de destruction massive qui ont justifié la guerre en Irak. Les mots et les images ne sont pas innocentes que cela. Quelque part elles peuvent donner l’autorisation de tuer.

Il faut se réveiller et dénoncer des saloperies pareilles. Ce film est ignoble, et pire encore, c’est une attaque contre la civilisation.

https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Enfer_du_devoir_(film)

https://fr.wikipedia.org/wiki/William_Friedkin

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jim_Webb

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