L’homme sans pitié. Morabito. Renato De Maria. Scamarcio, Sara Serraiocco, Marie-Ange Casta. 7/10

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Le film, basé sur un livre, se donne des airs de fidèle biopic. Le personnage romantisé est Saverio Morabito de la dynastie criminelle ‘Ndrina Morabito. Le « modèle », idéalisé en quasi enfant de chœur dans le long métrage par Renato De Maria, sera accusé en vrai de 14 meurtres.

  • Rien à voir non plus avec notre Pascal Morabito, dont j’apprécie le cuir et les chaussures (hum).

Un film de plus sur la mafia. La vision supposée réaliste qu’on nous propose, est simpliste, excessivement violente et psychologiquement caricaturale. Mais, vous allez le voir, ce n’est pas suffisant pour enfoncer définitivement ce travail.

C’est quand même bien filmé, avec une très bonne photographie et un montage diaboliquement efficace. Et il y a mieux encore ! Le parterre de belles fleurs Italiennes qu’on nous présente, a le don de visser les mâles normalement constitués à leur siège. Elles justifient à elles seules plusieurs détours. Ils savent y faire ces concepteurs un brin proxénètes du cinoche ritalo-italien. On est bien loin des interdits de penser et de rêver, de la police des moeurs de nos cerbères ultra-féministes.

Du coup, ce tournage à l’ancienne, plein de clichés et de conventions, filmé à la manière de maintenant avec autant d’hémoglobine que de sauce tomate, mais aussi de l’ultra-féminité, finit par être agréable à regarder. C’est à la fois distrayant et paradoxalement rigolo. Presque une parodie. A se demander s’ils l’ont fait exprès.

***

Le personnage principal, interprété avec conviction par Scamarcio, est un gars de la pègre qui monte patiemment tous les échelons, pour finir par prendre son envol… et se casser la figure.

Il part de loin puisque son père a trahi la confiance de la mafia et s’est fait virer comme un malpropre de son village. Cette marque d’infamie n’augure rien de bon pour le reste de la famille.

Le jeune Santo Russo se voit monter l’ascenseur social régulier, pour parvenir à une vie moyenne-supérieure bien rangée.

Cependant, il a eu son « brevet » de malfrat, en faisant de la maison de correction. Mais à l’origine ce n’est pas une vocation. C’est juste une équivoque, car il s’est fait pincer suite à une erreur judiciaire. Le cyclomoteur volé, ce n’était pas lui. L’incarcération en tant qu’école du crime entre en action.

Chemin faisant, il a une expérience fantasmatique virtuelle avec Sara Cardinaletti, la bonne sœur bombasse qui veille sur lui à l’infirmerie de la prison. Elle est au début d’une série gagnante d’ultra jolies conquêtes, en vrai ces fois là.

Une fois sorti, encore tout jeune, ce gros malin gagne ses galons. Il se fait bien voir en ramenant des butins à des caïds. Plus tard il monte de plusieurs crans dans l’échelle du crime, grâce aux cambriolages, à des enlèvements, des meurtres sans états d’âmes et autres exactions. Il a suivi les « modes » porteuses du moment. Mais il a su y renoncer quand cela devenait dangereux.

Il revendique d’être moralement « clean », car il pense n’avoir tué que des âmes damnées. Tout juste s’il ne se fait pas passer par un saint exterminateur, chargé des basses besognes au nom du Seigneur.

Arrivé presque tout en haut, ce « krutbur » (*) devient un criminel indépendant. Il aura sa propre organisation. Ce « bienfaiteur » de l’humanité poursuit sa « prodigieuse » carrière en dealant industriellement des drogues dures. De quoi amocher pas mal de monde. Où est la morale revendiquée par notre héros ? C’est fou comme les scénarios sont indulgents.

Au firmament, comme tout bon parvenu, il roule en Ferrari, son petit bébé choyé. Il arbore tous les codes ultra convenus de la réussite.

Il fonde une famille dans le saint respect de la tradition catholique. Tout juste après l’avoir défloré, il épouse cette connaissance de jadis, pour laquelle il a eu un coup de foudre transfixiant. Certes, la magnifique Sara Serraiocco, avec son look à la Natalie Portman (avantage à l’Italienne), ne laisse pas indifférent.

Mais rapidement, il trompe sa jolie madone, devenue une « maman », avec une jeune femme française avant-gardiste et très branchée. Il est fasciné par cette Marie-Ange Casta (la frangine de notre Laetitia Casta). Il prend cette prétentieuse pour une œuvre d’art. Il l’installe dans un superbe appartement milanais, sans regarder à la dépense. Inutile de dire que ce n’est pas du tout son monde à lui.

Elle est tout étonnée par les lourdeurs de ce rustre, mais tombe quand même sous son charme quasi rural et définitivement brutal. Elle apprécie ses largesses. Les jeunettes de son genre aiment à se donner des frissons, tout en assurant leurs arrières. Lui, a du mal à supporter les amitiés artistiques de sa nouvelle conquête. Il est hors du coup dans ces happening huppés, boursoufflés de « modernisme ». Passablement frustré, il en viendra aux poings.

A le regarder, on est plus proche des Deschiens que des aristocrates. D’ailleurs Riccardo Scamarcio, qui est généralement plutôt beau gars élégant, a ici un look de péquenaud à la Philippe Duquesne. « Belle » transformation !

Revenons au « boulot ».

Ne bénéficiant pas de toutes les protections nécessaires, il commet des faux-pas stratégiques irréparables. Acculé, suite à la bévue d’un subalterne, il devient un repenti et dénonce à tours de bras. Il sauve sa peau et refait sa vie, sous un autre nom, ailleurs.

Il a perdu sa femme, qui se réfugie dans la religion, avec un curieux mysticisme à la sauce de maintenant (2019). Sara Serraiocco pense devoir prendre les péchés de son mari sur elle. Cette actrice est un archétype de beauté italienne à faire damner tous les saints. Elle s’enlaidira volontairement en coupant sa belle crinière, avec un dépouillement à la Jeanne d’Arc de Dreyer (1928). Lui est puni, il ne la verra plus, il ne serrera plus jamais ses enfants dans ses bras.

Cette « saga » grotesque mais distrayante, dure près de deux heures. Je vais faire hurler en mettant quand même un 7/10 à ce long métrage, principalement en profitant des équivoques, loin sans doute sur la volonté première de ses créateurs. Je ne serai donc pas l’homme sans pitié.

On pourrait presque dire qu’il s’agit de néo-kitsch semi-culte. Curieux concept ? On connaissait leurs péplums romains, les western spaghetti, voilà maintenant les sagas mafieuses au spumante.

(*) Krutbur : paysan qui cultive des choux en alsacien. Cette apostrophe désigne un gros plouc.

https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Homme_sans_piti%C3%A9_(film,_2019)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Deschiens

https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Passion_de_Jeanne_d%27Arc

https://fr.wikipedia.org/wiki/Marie-Ange_Casta

https://fr.wikipedia.org/wiki/Riccardo_Scamarcio

https://fr.wikipedia.org/wiki/Sara_Serraiocco

https://fr.wikipedia.org/wiki/Natalie_Portman

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