Martin Roumagnac. Avis. Marlene Dietrich, Jean Gabin – Georges Lacombe 6/10

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Un film désuet et assez mal goupillé. Il n’a pas rencontré le succès critique espéré. Ce qui se comprend très bien. Mais le public alléché par l’affiche a quand même suivi.

C’était en 1946, au sortir de la guerre, et on attendait beaucoup des amours réels et filmés de ces deux grands résistants amants que furent Jean Gabin et Marlene Dietrich. Les deux oiseaux se sépareront à ce moment.

Cette faillite filmique n’est vraiment pas de la faute des ces grandes vedettes. On perçoit clairement leur énorme potentiel. Mais l’obscur réalisateur Georges Lacombe les utilise bizarrement. Et puis le film est discordant, déséquilibré et part un peu dans tous les sens.

Les pistes divergent et se révèlent somme toute peu crédibles. Du coup on ne sait plus trop sur quel pied danser.

Marlene Dietrich pourrait être cette femme fatale sophistiquée, déguisée en agneau, et qui finit par réellement tomber amoureuse d’un maçon de province. Mais il fallait dessiner cela autrement. Et puis son destin en queue de poisson, tombe comme un cheveu sur la soupe (oh les métaphores pourries! – fallait pas m’énerver).

C’est quand même une femme impressionnante. Je n’avais pas le souvenir qu’elle avait autant de charme. Ce n’était pas vraiment mon type. Mais là, la grande hautaine est presque accessible. En tout cas elle distribue des coups de coeurs à bien des soupirants. N’hésitez pas à vous servir au passage.

Ses allers retours sentimentaux et/ou intéressés ne convainquent pas.

Elle va « ouvrir la cage aux oiseaux », au propre et au figuré, dans un grand élan niais qui ne lui sied pas.

Jean Gabin pouvait être cet homme du peuple au grand coeur, simple, honnête, droit comme un I, mais qui en amour vise trop haut. Mais là encore c’est hésitant. Le style de notre revenant oscille dangereusement entre le côté « front populaire » citadin, les conventions paysannes et le style Gabin. Et quand il se retrouve perdu un moment dans la grande vie parisienne, le différentiel est trop souligné, pour un homme de cette carrure. On ne devient pas un Bourvil par un coup de baguette magique.

Ce n’est pas le placement des fourchettes selon le plat qui fait l’homme. Surtout avec un monstre d’adaptation comme Gabin.

D’ailleurs ce lourd exposé des différences sociales est vraiment développé à la manière de l’ancien monde. On est plus ici dans les années 20 – 30, qu’au sortir du dernier conflit. Manque juste l’Hispano.

Daniel Gélin est le jeune amoureux transi, qu’on ne voit pas arriver. Ce dadais romantique est capable de faire toutes les bêtises. Il n’est là que pour permettre un fin « morale » à ce mélo. C’est un personnage « poétique » récurrent du cinéma d’avant-guerre.

Plusieurs autres acteurs jouent clairement à l’ancienne, comme ces Jean d’Yd, Marcel Herrand, Lucien Nat… Ils ont même parfois un style 39-45, d’ailleurs ils n’ont pas cessé leurs activités artistiques pendant la guerre. Comme d’ailleurs Georges Lacombe.

Ces « salauds de riches » sont méprisants, profiteurs et sournois.

Ils fument leur cigarette avec une dégaine caractéristique, qu’on prêtait jadis aux nantis. C’est à dire une main dans la poche et la cigarette tenue d’une certaine manière dandy, toujours la même. Que c’est conventionnel et daté !

Le tabac noir est le préféré des prolos, c’est dans leur sang, et le tabac blond est celui qu’aiment par atavisme les riches. Les uns et les autres sont quasiment nés avec ce déterminisme toxico-gustatif là.

Et sans doute que c’est la même chose pour le précipice culturel entre le gros rouge qui tâche et le champagne de qualité. De toute façon le caviar est exclu des couches sociales « émergentes ». Pas par manque de moyens, mais parce que les humbles considèrent qu’aimer cela, c’est de la frime et qu’on ne les y prendra pas. Pas si bêtes !

  • Ce socialisme simplet est partagé par les nationalistes comme par les internationalistes. Et il est encore présent de nos jours chez les partis extrémistes des deux bords.

Le Consul (Marcel Herrand ), très maniéré et affecté, fait noble de l’ancien régime. On pousse le bouchon social vraiment très loin.

A l’inverse les gens de la base qui bossent, sont aimables, francs et directs. Il y a bien quelques jalousies et médisances, mais dans l’ensemble ce sont les gentils. Confer le dialogue connivent entre le portier du grand établissement et Gabin.

Les mauvais scénarios utilisent les quiproquos. C’est le cas ici avec cet amour finalement assez sincère de Marlène et l’incompréhension crasse de Jean. Le tout menant au désastre, comme il se doit.

L’évolution en suspense de prétoire est déroutante. Car du coup, en l’absence de la protagoniste en chef, on change de film carrément. Ressuscitez notre Marlène (presque) nationale !

PS: Jean Gabin 42 ans et Marlene Dietrich 45 ans – C’est fou comme ils paraissent au moins la cinquantaine de maintenant (pour Marlène il faut voir les moments tristes et sans doute quand elle semble un peu moins maquillée) – Confer la photo principale ici. Les vedettes ont gagné au moins dix ans avec les “techniques” de maintenant et souvent même quinze à vingt ans. C’est dans ces niches là que se cachent les nouvelles inégalités. 10 à 20 ans de séduction de plus, c’est un réel pactole.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Martin_Roumagnac

https://fr.wikipedia.org/wiki/Marlene_Dietrich

Jean Gabin

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