Meurtre de Roger Ackroyd. Bon livre, mauvais film ? Suchet, Poirot, Agatha Christie. 6.5/10

Temps de lecture : 4 minutes

Elle ne m’y prendra plus avec sa fausse sentimentalité. En tout cas celle qui transparaît dans le rôle de David Suchet / Roger Carel / Hercule Poirot. Agatha Christie est une illusionniste qui tente de se faire passer pour un fin limier. L’infini compréhension du détective pour les faiblesses humaines, cela va un temps. Et cela ne doit pas dissimuler l’absence de cohérence de l’histoire et de ses nombreux rebondissements.

Le Meurtre de Roger Ackroyd est un cas d’école, puisque cela passe pour une de ses meilleures histoires. Raison de plus pour le démonter.

***

Poirot est désormais retraité dans cette petite bourgade paisible à King’s Abbot. Le jardinage n’est vraiment pas sa tasse de thé, mais il a décidé de ne plus travailler quoiqu’il arrive. Même si l’assassinat est commis presque sous son nez, et que la victime était un vieil ami ?

Le procédé narratif est très différent cette fois. Dans le téléfilm, le détective parcourt un journal intime au fur et à mesure que se déroule l’affaire, dans laquelle il finira par s’impliquer. Dans le livre tout est à la première personne et donc la surprise est bien plus forte, mais assurément c’était impossible à transcrire tel quel à la télévision.

M Ackroyd est donc un ami de longue date du limier. Ce parvenu a fait fortune dans les produits chimiques. Et bien entendu comme il est très riche, c’est l’homme à abattre. Là dessus il n’y a aucun doute possible, quand on connaît les petites cellules grises de l’autrice.

Tout le monde sans exception a quelque chose à gagner à ce crime. C’est un procédé qui permet d’enchaîner les chapitres et de nous brouiller les pistes.

Le plus grand bénéficiaire est Ralph Paton. Les indices contre lui sont tellement nets et abondants, qu’il devient le suspect idéal. Quant à nous pauvres lecteurs assidus (ou spectateurs) on sait que cet excès de « preuves » font qu’il sera innocent. Les fils sont bien emmêlés cependant. Et puis il y a cette histoire abracadabrantesque de mariage non avoué qui vient rendre le tout totalement imprévisible.

  • Agatha fait tout pour qu’on y comprenne plus rien. Mais c’est inconscient chez elle. Cette complexification totale résulte d’un traitement « matriciel » des différents éléments menant à un meurtre. Elle a le nez sur le guidon et des équations devant les yeux. Pour le reste elle s’en fiche. Moins on comprend, plus elle risque de passer pour maline. Et au bout d’un moment ce minage devient assez artificiel. J’ai dit.

Et comme si cela ne suffisait pas, on rajoute une voleuse qui perturbe la donne, en particulier au niveau du timing. La recherche de l’heure de la mort avec les alibis qui en découlent est primordiale. Agatha en maîtresse des horloges fait tout pour exploiter ce filon. Elle rajoute même un mécanisme de minuterie qui déclenche des propos posthumes. Ce qui fera croire faussement que le défunt est encore en vie. On frise le grand n’importe quoi… pas le génie supposé.

Poirot qui se vante de toujours privilégier les constatations et les déductions, est à nouveau pris en flagrant délit d’intuition divinatoire. Il revient tard le soir dans la maison du ploutocrate parce que… euh parce qu’il sent qu’il faut le faire.

Il accumulera par les suites les « bons » indices, comme par hasard avec un pifomètre bien efficace : une malheureuse chaise déplacée prendra une grande importance et tout le reste est du même tonneau. Il « devinera » le mariage caché etc. Son esprit acéré c’est vraiment du pipeau.

Je passe sur le crime initial non commis par le meurtrier principal mais qui permettra d’introduire un chantage. Chantage qui dans ce genre de roman, se termine très mal inéluctablement. Il faut bien comprendre que le moindre rouage qui flanche, même juste un tout petit peu, est l’occasion de rajouter des crimes. C’est fait pour, pour ainsi dire. Rien ne se perd, tout se crée dans ces romans de gare.

Que dire de la soubrette, dont le rôle se révélera tout sauf subalterne, qui a choisi de travailler à l’endroit le plus dangereux pour son couple ? C’est carrément grotesque.

Le coup du téléphone faisant revenir Sheppard sur les lieux est particulièrement stupide. Agatha utilise cette grossière béquille pour tenter de rendre plausible certains éléments clefs.

Puisque dans un Agatha Christie il est mieux d’avoir plusieurs meurtres, la romancière réutilise une de ses ficelles faciles. Il s’agit d’éliminer l’imprudent qui sait quelque chose, mais ne le dira jamais complètement pour les nécessités rédactionnelles. C’est à nouveau un procédé assez inintelligent. N’en déplaise aux thuriféraires de notre Anglaise.

Dans le téléfilm de l’an 2000, bien évidemment, on ne sait pas qui est le rédacteur du journal intime. En tout cas jusqu’au déballage final.

Le seul moment de bravoure acceptable, c’est quand le Docteur énonce ses hypothèses. Dans le film l’acteur Oliver Ford Davies s’en sort très bien. Je ne sais pas s’il est qualifié comme « bon » médecin de campagne, mais il est qualifié pour le rôle.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Meurtre_de_Roger_Ackroyd

https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Meurtre_de_Roger_Ackroyd_(t%C3%A9l%C3%A9film)

Envoi
User Review
0% (0 votes)

Laisser un commentaire