Avec un titre comme cela, on sait d’emblée qu’on est dans une de ces nouvelles comédies sentimentales. Une de celles qui jouent aux affranchies en n’hésitant pas à agiter du torride devant les futurs spectateurs. Un genre qui a quand même déjà quelques décennies maintenant.
- Et pourtant dans ces grosses productions, quoiqu’on fasse, ce sont encore et toujours ces pseudo-suspenses relationnels à la guimauve. Ceux qui mènent inéluctablement au mariage, tous les couples qu’on estime prédestinés. C’est l’essence même de ce cinéma grand public. Vous devez trouver celui ou celle qui vous correspond. C’est écrit à l’avance dans le ciel et dans le script.
- C’est d’ailleurs une prison scénaristique qui est franchement angoissante.
- La plupart des grands films d’auteurs ne se laissent pas enfermer dans ce schéma simpliste et mettent en avant le puissant libre arbitre (*)
- Et le côté « sexe », présenté comme tel à l’affiche, est bien entendu tout aussi édulcoré.
- Les ingrédients, de ce qui se révèle être chaque fois le même rêve de midinette ou de gentil garçon, sont bien connus :
- Un beau capitaine sur son cheval blanc dont le courage lui permet de triompher d’une femme hésitante ; une prétendante sexy et pleine d’appâts qui n’attendait que lui, mais qui ne le découvre que sur le tard ; la famille qui finit par donner sa bénédiction après quelques réticences de principe ; la promesse de fidélité sans faille et d’amour éternel ; l’engagement à vie, pour le meilleur (le pire est caché sous le tapis) ; la bague transmise agenouillé ; la cérémonie en blanc et en larmichettes ; la procréation avec une maternité heureuse ; l’homme soumis et laborieux ; la femme devenue discrète et dévoué ; la paisible retraite à deux dans le pavillon çà-me-suffit (je suis peut-être parti un peu loin là) …
– En général on sait d’avance ce qu’il va arriver à ces deux tourtereaux de cinéma. Ils sont appelés à connaître une félicité sans limite. Ils l’ont bien mérité puisqu’ils ont obéi à ces règles sociales les plus sacrées.
– Ils sont incarnés par des acteurs sublimes. De quoi faire saliver bobonne et son gros lourd, qui se croient désormais élevés au rang de la télé-réalité. C’est la première marche de la rêverie de nos jours.
– Ce sont ces variations immuables sur un thème éternel, qui nous sont servies à l’écran depuis tant d’années.
Mais dans ce long métrage, cela commence pourtant par une destruction ordonnée du schéma habituel de la relation amoureuse. Ah tiens, on va sortir des sentiers battus ?
Non , il s’agit juste de nous provoquer un peu en tentant l’exact contre-pied de ce rituel immuable… pour mieux y revenir après. On prend un raccourci. L’amour devient le sexe. Cela peut en émoustiller certains.
Justin Timberlake et Mila Kunis sont ces beaux et faux francs-tireurs qui s’attellent à la tâche. Ils y mettent vraiment du leur. Ils sont convaincants. Certains ont fini par se demander s’ils n’ont pas été un vrai couple à ce moment.
Fini le parcours sinueux et plein d’embûches, dit du tendre. On commence par la fin. On consomme le festin de la nuit de noce, ex-abrupto. Ce qui revient à piller le buffet du mariage avant l’arrivée des invités.
Grâce à ce début iconoclaste, l’auteur peut donner l’impression d’avoir une ambition exploratoire et de vouloir ainsi sortir des sentiers battus.
En réalité, il n’en est rien. C’est juste une pirouette pour mieux démontrer, qu’une relation purement physique est vouée à l’échec. Ce qui en soit n’a rien d’étonnant – quoique leurs relations à ces deux là soient appétissantes, torrides et crédibles.
Mais pourquoi en conclure que la seule alternative se trouve dans le retour aux dogmes plan-plans de ces bluettes de cinéma ? Il n’y aurait rien entre les deux, cul et sentimentalisme ?
On assiste à un très classique conformisme d’un pseudo-anti-conformisme.
Il y a un truc qui me tracasse particulièrement dans ces films. C’est l’éternelle scène finale de la déclaration d’amour, devant le plus de public possible. Ici cela se passe à l’aide d’une gigantesque flash-mob où des centaines citoyens de la ville se figent dans un espace public, pour « valider » la déclaration de nos deux perdreaux. Rien que cela. Mais de film en film, il y a de la surenchère.
Je m’interroge car je n’ai jamais rien vu de tel dans la vraie vie.
Je suppose qu’il faut y voir la métaphore boursoufflée de la plus large acceptation sociale possible, sans laquelle, selon la bien-pensance, l’amour ne serait rien.
Il s’agit bien entendu d’une hyperbole irréaliste. Qu’adviendrait-il si tous les couples se mettaient à rameuter les habitants d’une ville, à chaque union ? Déjà que quelques coups de klaxons à la sortie de la mairie m’agacent !
Et dire qu’il ne manque jamais cette énorme cerise gonflée à l’hélium, sur cet écœurant gâteau propagandiste du mariage conventionnel.
A cela se rajoute dans ce film, du blabla sur le pauvre papa bien Alzheimer, mais qui a encore des leçons à donner – ah s’il avait su, il se serait conformé à ce que lui dictait son instinct. Et sa vie avec l’amour-de-sa-vie, qu’il a laissé filer, aurait été différente qu’avec celle avec laquelle il s’est effectivement embarqué ! Pas de droit à l’erreur mon fils, quand tu LA rencontres tu sais que c’est ELLE. Ce type de conseil n’engage que ceux qui les croient. Cela tient de la divination du loto, mais c’est comme cela.
Et dans ce registre de la prédestination, si cela se trouve le bon dieu a puni ce père avec sa maladie déficitaire. On n’est plus à cela près.
Et on nous met dans les pattes une maman libertaire, qui n’est toujours pas sortie des années 70. C’est assez classique maintenant. Cela consiste à propager l’idée, qu’une vie sans trop de limites et surtout sans respect pour la monogamie et les rites sociaux, finit par fabriquer des sorcières.
Bref, la routine de la mièvrerie. A se demander s’il n’y a pas une vraie censure de ces brav’s gens qui n’aiment pas que l‘on suive une autre route qu’eux. Une doxa et/ou un vrai organisme caché qui veillent au grain ? Au secours Brassens, ils sont devenus fous !
- Quand la saint’ famille Machin
- Croise sur son chemin
- Deux de ces malappris,
- Elle décoche hardiment des propos venimeux…
Le quota d’encensement de minorités est respecté également. Principalement par un homo d’opérette qui travaille au magazine GQ.
L’attirail de la modernité type blogs et flash-mobs n’est pas oublié.
On nous fait le coup de New-York contre Los Angeles. Et vas-y les clichés !
C’est donc au total, une arnaque Technicolor de plus. Il a fait la triplette sur le marché international, preuve que les illusions du néo-american-way-of-life font toujours recette. Il y a même 500.000 Français crédules, ou croyants, qui ont couru le voir.
- (*) Où sont passés les : Ma nuit chez Maud (1969 ) ou Pauline à la plage (1983) de Rohmer, Eyes Wide Shut (1999) ou Barry Lyndon (1975) de Stanley Kubrick,Un tramway nommé Désir (1951) d’Elia Kazan – Annie Hall (1977) ou Match Point (2005) ou Whatever Works (2009) de Woody Allen, La Vie d’Adèle (2013) d’Abdellatif Kechiche – Le Mépris (1963) de Jean-Luc Godard, Carnage (2011) de Roman Polanski, Domicile conjugal (1970) de François Truffaut, Snow Therapy (2014) de Ruben Östlund, Lost in Translation (2003) de Sofia Coppola, La Piscine (1969) de Jacques Deray…
- Et sur un registre bien plus dérangeant, on pourrait rajouter Breaking the Waves (1996) ou Nymphomaniac (2013) de Lars von Trier.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Sexe_entre_amis
Justin Timberlake
Mila Kunis
Woody Harrelson
Patricia Clarkson
Richard Jenkins
Jenna Elfman