Vérités et Mensonges. Orson Welles, Paris Ibiza. Elmyr de Hory, Oja Kodar. 4.5/10

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Paradoxe du menteur vu par Eubulide de Milet : « Un homme disait qu’il était en train de mentir. Ce que l’homme disait est-il vrai ou faux ? »

Orson Welles sent bien qu’on est tenté de le prendre pour un charlot ; dans ce F For Fake

comme ailleurs. Pour désamorcer la critique, il anticipe. Il se décrit comme un des charlatans du film.

Il nous rappelle son plus grand faux, l’attaque des Martiens retransmise en direct à la radio. Nombreux sont ceux qui ont cru à cette guerre des mondes. Un mensonge réussi… si on ne décompte pas les suicides.

Au fond, tout cinéaste, tout comédien, est un mystificateur. Et le notre, à la double casquette, est vraisemblablement un des moins sûr de lui. Cet Orson mal léché passe son temps à essayer de se rassurer.

Pour ce faire, il vise plus haut que lui, dans une fuite infernale. « Je fais mieux que vous tous » semble-t-il nous jeter en permanence à la figure. C’est désagréable et crispant. Voilà une de ses facettes qui fait qu’il dérange et irrite.

Ici, il recommence ses âneries puériles. A force de trop vouloir brouiller les pistes, son documentaire devient franchement illisible et peu passionnant. Il nous impose quelques guest-stars, comme si une longue liste d’imposteurs devait nous impressionner.

Et comme si cela ne suffisait pas, il rajoute des ingrédients bourratifs à ce plat indigeste. On voit donc cet écrivain poseur Clifford Irving, qui a rédigé une fausse biographie du célèbre Howard Hughes. Bon d’accord et alors ?

On se demande même au bout d’un moment si ce Elmyr de Hory ou ce Oja Kodar sont d’authentiques faussaires, ou de simples acteurs d’une de ses fantaisies kaléidoscopiques du réalisateur. C’est en partie voulu par notre imposant bonhomme. Mais c’est tellement mal goupillé, qu’on se lasse de chercher des repères. Cela prend l’eau de partout.

En passant par la case Wikipédia, on est un peu rassuré. Ces deux gaillards vantards existent vraiment. Il en est de même de Welles. Il n’est pas qu’une illusion qui se mord la queue. Quoique depuis, il a rejoint le monde des fantômes. Reste à savoir si ce qu’on raconte de ces trois là, et ce qu’ils en disent eux-mêmes, est fiable ou non.

A écouter les deux peintres polyvalents, la moitié ou presque du post-impressionnisme des musées serait du faux notoire. Je pense qu’ils se vantent outrageusement.

Une belle phrase de Picasso est lancée. En substance, le grand peintre se prétend son meilleur imitateur. Il est plus capable que quiconque de faire du faux Picasso ! On a bien compris que le sujet principal était ces copieurs prétentieux qui veulent se faire passer pour des héros du faux.

A force de contorsions, notre prestidigitateur improvisé fout un sacré boxon. La monteuse Marie-Sophie Dubus a contribué à embrouiller l’histoire. Dommage car le sujet pourrait être passionnant ; surtout si on a dans sa poche le témoignage de ces deux escrocs.

Il nous donne à comburer un ingrédient facile du cinéma : la « fesse ». Il fait bouger dans tous les sens une belle femme, prétendument mystérieuse. On voit son postérieur dénudé devant des pinceaux suggerant un atelier de peintre. Et bien entendu on nous fait l’aumône du bout de ses seins. Tout se passe devant un Picasso virtuel et égrillard. Séquence montée sans queue ni tête et réalisant un faux notoire ; vraiment pas une improvisation ou des séquences volées. Bon d’accord et puis après ?

Pensant nous en mettre plein la vue, notre faux esthète bedonnant se complaît dans des digressions pseudo-poétiques sur la « vraie » Cathédrale Notre-Dame de Chartres. Et puis celui qui affirme au début, que « tout est vrai » dans son film, nous achève au final avec son « L’art est un mensonge qui fait comprendre la réalité ». En clair, tout est vrai mais tout est faux, passez votre chemin, il n’y a rien de réel à voir.

Orson Welles s’est adjoint les talents de François Reichenbach pour coréaliser. Mais ce n’est quand même pas une réussite. Il faut bien l’admettre. La musique de Michel Legrand ne sauve pas le film non plus.

Je sais bien qu’on va trouver quelques cloches pour crier au génie ! La médiocrité critique atteint des niveaux insondables. C’est tellement n’importe quoi qu’il vaut mieux en sourire que de s’en offusquer.

https://fr.wikipedia.org/wiki/V%C3%A9rit%C3%A9s_et_Mensonges

https://fr.wikipedia.org/wiki/Paradoxe_du_menteur

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