Adieu Philippine. Cinéma Caprioli, TV Lorenzi, Club-Med, libération sexuelle et morale. 8/10

Temps de lecture : 4 minutes

Ce Jacques Rozier n’est pas le réalisateur de la Nouvelle Vague qu’on cite en premier. Il est même assez peu connu. Peu prolifique, il nous a pourtant gratifié de ce très agréable Adieu Philippine. Une sorte de voyage en liberté qui accompagne trois jeunes, en désir d’émancipation, dont des relations libres. Cela se passe dans ce début des années 60, où la jeune génération doit passer par la case « évènements d’Algérie » ou « guerre d’Algérie ».

Les deux belles jeunes filles sont à la croisée des chemins. D’un côté l’ancien monde représenté par les parents donneurs de leçon et de l’autre cette immense ouverture possible vers la joie et la bonne humeur. Cet happening permanent a pour décor un Paris « libéré » ou plutôt libertaire et puis une méditerranée accueillante. Avec des paysages non encore confisqués et qui sont de toute beauté (Île de…).

On sent que le réalisateur et ses comédiens sont portés par la belle atmosphère ambiante. Et vogue le navire…

Il y a aussi un côté ethnographique avec ces balbutiements du Club-Med, ces débuts du cinéma et de la belle télévision (Stellio Lorenzi…), lesquels sont mis en scène de manière gigogne à l’intérieur du film.

Quatre garçons bravaches, dans le vent, achètent en commun une vieille frégate. Alors qu’individuellement leurs petits boulots ne leur permettraient pas. Un piège à filles vétuste, rouillé, souvent en panne et qui ne marche pas très bien lorsqu’il est en mouvement. Mais même en mauvais état, la vieille guimbarde leur donne la nécessaire mobilité. Sans elle, la drague est une galère qui reste à quai. Je me demande comment on fait de nos jours avec cette triste apologie du vélo ?

Cet achat jugé dispendieux, est l’occasion pour les parents de se plaindre, avec les « de mon temps », qui vont avec. Ils sont sincèrement outrés de voir des vies de post-adolescent non basées sur les durs labeurs et qui privilégient une certaine liberté. Ils sont déphasés totalement.

  • Cette grande vague (nouvelle) touche pas mal de pays. Les Valseuses est du même tonneau mais bien plus tardif (1974). L’As de pique, en est un autre exemple que j’adore et qui se situe dans la tchécoslovaquie de 1964. Un remarquable acte de courage que l’on doit au tout jeune Miloš Forman.

Nos trois jeunes sont vraiment à la hauteur. Le jeu naturel et dynamique de Jean-Claude Aimini, Yveline Céry, et Stefania Sabatini est bluffant. Il est étonnant qu’on ne les retrouve pas plus souvent par la suite.

La partition de Aimini est assez subtile. Il est sympa mais un poil agaçant, vu qu’il sait tout.

Il est pressé par le temps, parce qu’il va bientôt faire son armée. Pas question alors de s’y soustraire.

  • Ce copain qui est de retour après son temps réglementaire « là-bas », ne veut pas en parler. On sent pourtant qu’il en gros sur la patate. Ce lourd silence était déjà un signe de révolte. Le réalisateur a pris un risque.

Mais notre jeune freine, car il est partagé entre les deux filles. Et nous aussi finalement. On en choisit sans doute une au début, mais on comprend parfaitement que l’autre soit aussi désirable. Surtout une fois que le metteur en scène nous en révèle d’autres facettes (dont l’aptitude à la danse).

Son cœur balance ? Ce n’est pas tant que le choix de Jean-Claude Aimini soit hésitant entre ces « beautés », mais plutôt qu’il « envisage » quand même de courtiser la plus facile. Et que là les situations sont labiles. Il est d’ailleurs franc sur ce qu’il attend des nanas. Il frise l’insolence en leur disant frontalement.

Malgré ce franc parler, il aura les deux. Ce qui au début sera conflictuel. Mais ce duo de filles « modernes » va finir par l’accepter. Elles en riront.

Pas qu’elles souhaitaient un trio permanent, mais plutôt qu’elles voient cela comme une aubaine, qui a récompensé les deux bonnes copines. Un double cadeau, c’est acceptable. C’est nouveau et très annonciateur des nouvelles libertés dites de 68.

En histoire B, Vittorio Caprioli joue un petit réalisateur minable et retors. Il sera dans le même ton plus tard, avec sa prestation d’éditeur abusif dans Le Magnifique, en tentant de s’insinuer entre Jean-Paul Belmondo et Jacqueline Bisset.

Le film a lui même un côté indiscipliné et volontairement débridé. C’est un assemblage foutraque mais respectueux du vivant. On est content de voir que ces destinées sont globalement imprévisibles. Comme pour les nôtres. C’est donc rafraîchissant et prenant. Et puis avec ces francs empreints à l’existant (Lorenzi etc), il donne l’impression d’une réalité tangible et accessible. Moi, en tout cas, je prends.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Adieu_Philippine

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Rozier

https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27As_de_pique_(film)

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https://fr.wikipedia.org/wiki/Stellio_Lorenzi

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