Alexandre le Grand, histoire – mythe. Arte. Aristote, Claude François, Roxane, Kafiristan. 6/10

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En voilà un autre dont on commence à connaître l’histoire. Toujours la même version d’ailleurs, tant les sources sont limitées. Il est donc difficile de nous surprendre.

Pour se renouveler le documentaire joue sur la forme avec ce que lui permet ces nouvelles présentations télévisuelles. La recette est simple, un bon exposé chronologique, quelques passages croustillants, une certaine dose de 3D, des reconstitutions haute définition, bien filmées, avec des acteurs d’aujourd’hui. Il y a un biais si ces interprètes ne nous reviennent pas ou si au contraire ils sont trop à notre goût. On va finir par mélanger ces projections avec la réalité supposée.

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C’est donc une vulgarisation grand spectacle avec quelques cautions scientifiques quand même.

S’agit-il pour autant « d’une conception vieillie et anecdotique de l’histoire, qui ne fait que répéter les âneries de leurs prédécesseurs » ? «  Est-ce à nouveau une histoire qui n’est vu que d’en haut. Les problèmes sociaux et économiques qui sous-tendent souvent tout le reste étant mis de côté. Les actions multiples des « petits », des « invisibles », autrement dit du peuple d’en bas, les sans-dent, ceux qui ne sont « rien » (pour reprendre des appellations hollando-macroniennes), sont passées sous silence, alors qu’elles façonnent l’histoire. »

A décharge, on pourrait souligner que ce n’est que l’illustration du fait que les grandes inflexions de l’Histoire, ne sont souvent dues qu’à une poignée d’individus décidés. En tout cas en ce qui concerne les impulsions décisives.

Taisons nos craintes un moment.

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La vie d’Alexandre est en soi un roman. D’abord car il est né le cul bordé de nouilles et il n’a eu qu’à se baisser pour ramasser les graines de la gloire.

Il y a bien entendu une équation personnelle. C’est là dessus qu’appuie ce documentaire. Il fait la part belle aux déterminismes de l’enfance et aux belles occasions par la suite.

On ne peut être que d’accord quant à l’apport indiscutable du précepteur Aristote. 3 ans en tant que précepteur puis 5 ans en tant que conseiller. Un tel big-bang mériterait un bien plus long développement. Il a une veine incroyable le petit ! Imaginez que Schopenhauer ou Nietzsche soit venu vous apprendre les rudiments obligatoires et les suppléments éducatifs hautement philosophiques.

Bon, la docu-fiction insiste un peu trop sur quelques phrases buzz qui auraient été prononcées par le maître, quant au renforcement psychologique, la recherche d’autonomie avec des choix audacieux mais non téméraires. Bien que cela s’accorde avec la recherche du « juste milieu » de cet auteur.

Je doute que l’enseignement se soit résumé à la traduction grecque du « You can make it » et autre « Triumph des Willens ». ça fait vraiment un peu trop grand public. On aurait espéré une étude de fond montrant en quoi les textes d’Aristote pouvaient améliorer le développement des jeunes et des moins jeunes. On est quand même dans ce qu’on peut considérer comme le premier encyclopédiste, et on ne doit pas négliger tout ce qu’il doit à la filiation Socrate, Platon ; c’est du lourd. Et ce même en l’absence de textes qui concernent spécifiquement à Alexandre.

Peu de temps après cette expérience éducative. Aristote crée sa propre école à Athènes avec ce nom Lycée qui aura un grand avenir. Les « péripatéticiens » y font le tour de la cour en dissertant. Le gai savoir en quelque sorte. Et c’est vrai que l’esprit se libère dans le mouvement.

La mise en boite permanente par son père Philippe II. Cela tient de la petite psychanalyse par moment. En vérité un monarque qui attribue un grand philosophe à son fils ne peut pas être suspecté d’être un mauvais père ou d’être jaloux de sa progéniture comme cela est suggéré dans le « film ». De plus Aristote et Philippe II avait de l’estime l’un pour l’autre et même de l’amitié. Cela ne serait pas cohérent si Philippe II n’avait été qu’une brute inculte. Enfin c’est bien Philippe II qui a propulsé la Macédoine à des hauteurs stratosphériques au point de prendre le contrôle d’une grande région dépassant largement les frontières. Qu’on arrête donc avec ces caricatures.

La montée en puissance démarrerait tout jeune avec la maîtrise de Bucéphale, un épisode glorieux qui tient totalement de la légende bien entendu.

La mère du conquérant serait persuadée qu’elle a été fécondée par Jupiter et donc qu’il n’aurait pas de compte à rendre à son « faux » paternel. C’est une grande ambitieuse et une semeuse de zizanie. Ce qui provoquera la mise à l’écart de ce couple fusionnel mère-fils, surtout en raison de prétentions trop importantes. Philippe II tient à ses nombreuses épouses et ne veut pas trop vite trancher (ce nœud gordien?).

Je passe sur la trajectoire mondiale du « petit ». Il engrange les victoires décisives et se retrouve quasiment de l’autre côté de la terre (qui était plate comme une assiette à cette époque) – Tout cela vous le retrouverez dans n’importe quel résumé, dont celui de wikipédia qui n’est pas si mauvais.

Dans ses nombreux succès, il y a du culot, de la ruse, de l’intelligence et de la chance. Une stratégie intéressante consistait à faire plier diplomatiquement les cités à conquérir et de faire des exemples en violentant les récalcitrants. Je doute qu’il fut le seul à avoir fait cela, même si c’est présenté ici comme une de ses spécificités.

Il en est de même avec son mariage de raison (et de passion) avec Roxane. Cela n’avait rien de nouveau que de s’unir avec une héritière des peuples vaincus, histoire de s’en attirer les bonnes grâces.

Mais il faut reconnaître qu’il est un précurseur de ces people universalistes, favorables au libre échange, à la levée des frontières et aux progrès de la science. Une sorte de Macron mais avec l’expression d’une virilité bien plus affirmée. On n’est pas dans la demi mesure du en même temps, mais bien dans des choix tranchés et décisifs. C’est plus gaullien, l’expansionnisme en plus.

Dans ces années de fuite en avant victorieuse, il s’est montré « humain ». C’est à dire qu’il a fait des fautes comme nous tous. On lui reproche quelques « bévues », comme d’avoir zigouillé des amis d’enfance et de galère, ou d’avoir incendié inutilement Persépolis.

Comme tous les Führer, Alexandre se plantera en voulant trop grignoter à l’est. Et on ne s’étend pas trop sur ces soldats qui ne vivent que des « emprunts » faits sur les vaincus.

Il a laissé de grandes traces dans l’histoire. Bien plus tard, l’Islam le revendiquera comme un des leurs. Les Indonésiens le revendiquent. Alexandrie fera le bonheur de Claude François. Sean Connery et Michael Caine retrouvent les traces de « Sikander » au Kafiristan. Le sort de L’Homme qui voulut être roi est scellé en raison des épousailles interdites avec Roxanne. Je doute quand même que la chute de Darius à Gaugamèles, soit à l’origine de l’expression se prendre une Gamelle. Vous avez sans doute des exemples plus doctes, mais moi passé un certain stade, j’aime bien blaguer.

Alexandre a accumulé de richesses certes, mais il n’en a pas créé. Il faut donc bien qu’il les ait volé. Et même si en échange il a forgé une grande unité dans la diversité, tout cela s’est vite effondré après sa mort.

J’aimerais bien savoir comment nos enseignants woke le présentent dans leurs cours. Ils doivent bien être embêtés.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Alexandre_le_Grand

https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Triomphe_de_la_volont%C3%A9

https://fr.wikipedia.org/wiki/Friedrich_Nietzsche

https://fr.wikipedia.org/wiki/Arthur_Schopenhauer

https://fr.wikipedia.org/wiki/Aristote

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Jacques_Rousseau

https://fr.wikipedia.org/wiki/Claude_Fran%C3%A7ois

https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Homme_qui_voulut_%C3%AAtre_roi_(film)

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