Après le chaos. Varsovie Phénix. Pénis soviétique. Compétition victimaire. 8/10

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Vous allez me dire : « encore une série d’émissions historiques basées sur l’exploitation d’une niche ». Et vous n’aurez pas tort. La compétition est rude entre les chaînes et il faut désormais ultra-cibler le chaland.

L’évocation d’un « chaos » est porteuse. C’est déjà mieux que les sempiternels « le mystère de… » ou autre buzzwords. Et puis le public finit par se détourner, quand l’appel comporte le mot « guerre ». On peut le comprendre, la locution clef « guerre documentaire » donne 30 600 000 de résultats.

Même en temps réel, les spectateurs ne bougent plus à moins d’un certain nombre de morts. En septembre 2023, le tremblement de terre au Maroc pourrait se faire doubler ainsi par les inondations plus meurtrières de Libye. C’est la classique compétition victimaire, doublée de la grande lassitude d’un public gavé de l’enflure du direct. On en est là.

Eh bien allons-y à notre tour. Varsovie est en effet la grande cité martyre principale de la deuxième guerre mondiale, si l’on excepte les villes japonaises victimes de la bombe atomique.

Il y a eu de nombreux morts lors de l’invasion hitlérienne, auxquels on doit rajouter 150.000 morts de l’éradication du ghetto juif et 200.000 morts après le soulèvement de toute la population. L’addition est lourde. Et pratiquement tous les bâtiments sont rasés au final, en représailles, sur l’ordre d’Hitler. Les Allemands n’en avaient pas que contre les juifs (un tiers de la population, avant). Les slaves devaient également être supprimés, à part quelques-uns réduits en esclavage. Après le chaos. Varsovie Phénix. Pénis soviétique. Compétition victimaire. Varsovie devait devenir une ville allemande.

Le documentaire assène cela sans pathos, en étant suffisamment factuel et didactique.

Une grande place est laissée à « l’après » comme le suggère le titre. Et donc, il s’agit de reconstruire la ville à partir de rien. Les enjeux sont brouillés.

Fière de son passé, la population voudrait qu’on refasse les quartiers historiques à l’identique. Mais les nouveaux maîtres communistes exigent quand même d’effacer les symboles du monde d’avant, pour propulser les signes criards du nouveau régime.

Sous la pression des habitants, des compromis sont trouvés de justesse. Une nouvelle route est clivée pour permettre de sauvegarder un édifice renommé. Les peintures et décorations anciennes qui étaient un peu trop typées « opium du peuple », au goût des commissaires du peuples, ont fait place à des représentations plus neutres.

Amis touristes, ne cherchez pas le ghetto. Ses restes, qui n’étaient plus que des gravas, ont été laissés sur place, mais façonnés en agréables petites collines distinctes, surmontés de barres d’immeubles qui peuvent être parfois à peu près regardables. Mais le reportage a des œillères parfois car il tait les affreuses barres qui occupent également Muranow.

De manière générale la reconstruction serait inspirée par le-corbusier. Cela vaut sans doute pour quelques réalisations, mais dans l’ensemble, je n’y crois pas tant que cela. Il y a quand même du très moche comme pour ce lourdingue siège du Parti Communiste polonais. Et il y a bien sûr les immeubles horribles des années 70, comme partout d’ailleurs en Europe.

La création très soviétique d’un large tunnel sous la vieille ville a permis de la délester, tout en préservant la future reconstruction du vieux quasi à l’identique. Ils ont fait de vrais faux et c’est très bien comme cela. D’ailleurs le public non informé n’y voit que du feu.

Bien plus contestable est l’érection de ce pénis soviétique qu’est le Palais de la culture et de la science. Merci Staline. A l’hôtel, nous avions cette monstruosité du (ir)Réalisme socialiste, pile en face de nous et cela me rappelait bougrement les thermomètres en plastique vendus dans tout le monde soviétique. Comme tous les magasins étaient désespérément vide, j’ai fini par en acheter un comme cela, dans la Roumanie asservie par Nicolae Ceaușescu, le Danube de l’esprit.

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Désolation.

Vous avez sans doute remarqué que la plupart des entrées “Après le chaos. Varsovie ville Phénix” sur le Google des premières pages, commencent par la même phrase :

« Au lendemain de la guerre, après trois vagues intensives de bombardements nazis, la quasi-totalité de Varsovie est détruite et il ne reste que 160 000 … »

Fuyez les sites qui essayent de vous faire saliver avec cette maigre introduction. C’est du toc payant. N’espérez pas de grands développement. Il n’y a pratiquement rien au delà de cette façade répétitive. Et dire que Google continue à mettre en avant ces arnaques (moyennant rétribution bien sûr).

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https://fr.wikipedia.org/wiki/Varsovie

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