Avis film. De Helleweeg. Hannah Hoekstra. Explication psychologique. Psychanalyse. 7/10

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En 2016, André van Duren a réalisé un film psychologique qui n’a pas eu beaucoup de succès. Le côté déprimant et la charge en pathos y sont sans doute pour quelque chose. Pourtant ce long métrage mérite un repêchage.

On peut être dérouté par le parti pris filmique d’inverser l’histoire en mettant le début à la fin. Mais le fait que le scénario soit basé sur un livre « De Helleveeg » de A.F. Th. van der Heijden, permet de lui assurer une certaine consistance.

Comme on ne sait pas où on va, on pense d’abord qu’il s’agit d’un film romantique, qui met en scène les déboires amoureux de Tiny. Ce personnage ambivalent, qui fait fuir tous les postulants, est remarquablement joué par Hannah Hoekstra.

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Je vous le fais à l’envers. Ce brave Nico / Frank Lammers fabrique des chaussures dans son petit atelier. Après son dur labeur, il aime bien s’amuser. Et pour se faire, il invite même ses copains. La gamine Tiny, objet de toutes leur lubricité, n’a alors que 14 ans. Elle tombe enceinte. Vu la multitude de partenaires, on ne sait pas qui est le père. Et de toute façon Nico est une forte tête qui refuse toute responsabilité. Il se sent protégé et se réfugie dans le déni. Il est on ne peut plus ferme sur sa position.

La petite doit avorter dans la honte. Le milieu familial et les relations de voisinages sont complices de ce silence. Il n’y a pas d’argent pour la faiseuse d’anges. Une parente se propose de prendre une grande partie de la dépense à sa charge, sous réserve que la somme soit modique. Et c’est donc c’est affreuse femme du marché aux poissons qui va procéder à la chose. Elle le fait avec ses ongles sales.

La petite est alors à deux doigts de mourir. Elle décide d’aller mourir devant chez Nico. Elle se massacre un peu plus pour cela. Grâce à un secours inespéré, elle passe le cap.

Mais désormais, elle est stérile. Et ce secret, qui n’en est pas tout à fait un, est colporté de place en place. Les prétendants sont découragés. Il y a de la malveillance.

Voilà pour l’essentiel. A présent on peut reprendre le film dans le sens qu’il s’est donné. C’est à dire de partir du flou le plus total, avec de sérieuses interrogations sur le mental de Hannah, pour ne révéler qu’à la fin ce que je viens de vous dire. Le procédé classique.

La trame romanesque consiste à nous présenter cette jolie jeune femme, à différents âges de sa vie. Ce qui est matérialisé par la même séquence sur une aire de jeux, avec son âge en indice.

Elle est perturbée et forcément nous on ne sait pas trop bien ce qui lui arrive. On peut prendre cela pour de l’insubordination, de la révolte stérile ou de la fantaisie. Ses grossièretés peuvent être assez offensantes. On pourrait facilement prendre le parti de son entourage. Pourtant ses proches réagissent quand même réagit curieusement. On sent aussi de ce côté un rejet rude et malsain.

Seul son neveu le « jeune Albert » trouve grâce à ses yeux. Et dès le début, ces deux là s’entendent bien et fusionnent. Le plus plus jeune semble percevoir ce qu’il y a de faux dans la réactions des « vieux », il en souffre aussi d’une certaine manière. C’est de l’amitié profonde autant que du secours mutuel. Mais progressivement cette relation prend un tour bien différent. Au début de l’adolescence d’Albert, Hannah fera un provocation sexuelle, lui parlant de son érection possible. Plus tard, Benja Bruijning (Albert plus grand) couchera une fois avec celle qui est sa tante.

Le film est chargé (surchargé?) de pathos. Je pense qu’avec cette mise en scène, ils en font un peu trop. Mais comme la cause est ultra sensible, il est mal venu de critiquer.

Vous ayant révélé la fin, qui pour la chronologie est le début, je me suis mal comporté. C’est un peu comme si pour un film policier, j’avais d’emblée dénoncer l’assassin.

Il est parfaitement compréhensible qu’on fasse des films à thèse comme celui-ci. Ce qui s’apparente à un combat contre l’emprise sexuelle des mineures, repose sur des bases légitimes. Mais il faut bien avouer qu’en ce moment, avec ces différentes dénonciations dans le milieu du spectacle, avec des voies de fait un peu moins critiques, on peut avoir besoin de respirer. Si l’on veut dénoncer des phénomènes de société malsains, il y a d’autres supports pour cela.

D’ailleurs ce chapitre de psychopathologie est évoqué ici sur notre site médico-culturel : Viols, emprise. Gérard Miller. Psychiatrie. De Helleweeg.

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Il est toujours difficile de montrer quelqu’un vieillir radicalement, en à peine deux heures. Au cinéma ce paradoxe temporel est criant, surtout si l’on part de la jeunesse pour arriver à la vieillesse. Et le film n’échappe pas à ce syndrome du mauvais maquillage.

Et là encore, on en fait beaucoup avec des personnages tremblants, grabataires, incontinents, ficelés à leur chaise, cancéreux…

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J’étais tenté de le mettre que 6, mais l’actrice principale Hannah Hoekstra a ce petit quelque chose en plus, qui fait que je passe à 7 sur 10. Albert petit n’est pas mal non plus. Mais par la suite ça se gâte. C’est forcément un autre acteur qui le joue. Le casting est entre deux chaises visant à la fois la ressemblance et la qualité de jeu. Résultat il se plante des deux côtés.

J’ai déjoué le film en le prenant à l’envers, c’est de bonne guerre. Ces auteurs pensaient jouer avec nous et bien nous nous jouons d’eux.

https://en.wikipedia.org/wiki/The_Fury_(2016_film)

https://www.cairn.info/revue-etudes-2003-1-page-43.htm

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