Avis. Play-Boy Party. Meilleurs films Dino Risi. Sandra Milo, Salerno, Daniela Bianchi. 8/10

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Le titre Play-Boy Party est une très mauvaise interprétation anglo-française du contenu de ce film « Le parasol » (L’ombrellone). Ce long métrage de 1965 est bien plus subtil qu’il n’en a l’air à première vue. C’est pourquoi, il n’a vraiment pas besoin de cette titraille fanfaronne et aguicheuse.

Ce ne serait pas un Dino Risi, on pourrait accepter ici une de ces analyses rapides et triviales. On parlerait sans doute bêtement d’un récit d’amour de vacances. Ce faisant, on se montrerait un peu dédaigneux. Ou bien on referait le coup de la satire sociale. En critiquant communément l’argent facile qui submerge la classe moyenne au début des trente glorieuses et dont les bénéficiaires ne savent pas trop quoi en faire. Bref cette lassante attaque de la société de consommation, qui a sévi tout particulièrement dans les années 60.

Mais c’est du Dino Risi. Le même grand bonhomme que pour Le Fanfaron, Parfum de femme, Les Monstres…

Il nous faut donc traquer ici ce qu’il y a d’universel. Rien que sous l’angle poétique, cette mise en situation du « vieux » couple principal, correspond pile poil au moment fatal ou le vilain mari tue le prince charmant qu’il y avait en lui (Cf Un’ petit’ fille en pleurs de Claude Nougaro)

Notre réalisateur très doué, fait très fort en ce qui concerne les possibilités d’émancipation de ces dames. Et puis il y a ce grand mystère de l’amour vertueux qui précède ou non, ces fortes étincelles qu’on attend de la meilleure « union » physique. Une énigme à la hauteur de celle de l’œuf et la poule.

Ainsi la Sandra Milo, l’épouse, a toutes les raisons d’aller voir ailleurs, ne serait-ce qu’un moment, profitant de cet air grisant des vacances. Sea sex and sun.

Elle n’a même pas d’enfants susceptibles d’hérisser encore plus les moralistes de circonstances, qui cantonnent les mères à un statut de sainte femme qui se détournerait des tourments de la chair. Et pourquoi devrait-on priver les femmes de cette itinérance, si classique chez les hommes ?

Ensuite parce que le romantique commissaire priseur qui a des vues sur elle, lui apporte la poésie, de manière assez littérale d’ailleurs. Encore faudrait-il, qu’il soit lui-même très sincère, mais on sent dans ce personnage joué par Lelio Luttazzi quelque chose d’un peu faux. Mais c’est tempéré par la sympathie qu’on pourrait avoir pour cet amour naissant.

La Milo, l’actrice sur le point de céder, est vraiment très douée. Ce n’est pas cette s***** adultère qu’on aurait envie de baffer. Non, c’est à la fois la force et la fragilité d’une personne qui oscille avec grâce, entre la raison et la passion. Oui vraiment c’est un sujet universel. On a ici toutes les nuances de rose.

Sandra Milo est divine dans ses expressions. Ainsi elle est triomphale dans son bonheur lorsqu’enfin le couple initial se retrouve. Elle est un cran plus décalée lorsqu’elle s’esclaffe et sourit à tout le monde. Dans ces moments de convivialité, elle est touchante. Et quand on la sent se synchroniser avec celui qui aurait pu devenir son amant. Dino Risi parvient à lui faire exprimer tout un panel de sentiments feutrés.

D’aucuns pourraient trouver que ce n’est pas la plus belle du scénario. Et en effet il y a dans le film des pin-up « considérables », comme Daniela Bianchi, la magnifique James Bond Girl de Bons baisers de Russie. Alicia Brandet est moins connue, mais pas mal non plus. Véronique Vendell au minois enfantin que finit par rejeter le Playboy. Consternant pour les pauvres diables comme moi. Confiture au cochon ? Allez, rajoutons Ana Castor et Helga Liné, pour ne pas faire de jalouses.

Mais là n’est pas la question. Cette actrice a en elle des trésors cette fameuse beauté intérieure. Ce flux irradie et se combine à une indiscutable beauté extérieure, mais d’un autre type, celui de la femme accomplie et non pas celui de la gourgandine « immédiatement » désirable. Bon d’accord, il faut de tout et à chaque moment de notre vie d’autres facettes des personnes voire d’autres personnes nous intéressent. Faites vous vous-même votre idée…

L’acteur principal Enrico Maria Salerno en a également sous le capot. Et pas forcément sous le capot de sa décapotable. Les voitures sont les fétiches de la réussite à ce moment.

  • Accessoirement le montage du film a laissé passer un gag. Puisque dans la même séquence on voit le pare-choc avant abîmé et juste après le voilà réparé. Mais c’est un détail qui rend la technique du film plus humaine, car faillible.

Pourtant le réalisateur a voulu légèrement le ridiculiser par son accoutrement de type monsieur Hulot en vacances (même pipe, même chapeau). C’est une feinte pour rendre le choix de sa femme encore plus épineux.

Ce qui nous intéresse chez lui tout particulièrement, c’est qu’il est très logiquement empressé, et physiquement pressant, auprès de sa femme, qu’il n’a pas vu depuis des lustres. Une attitude bien compréhensible, quand on est un homme et que sa femme est pleine de promesses. Et même si elle se défend, par une apostrophe condamnant cet amour qui ne serait que le sexe, ce rejet discret qu’elle lui oppose, nous met la puce à l’oreille.

Et bien entendu lui aussi se pose des questions. Et quand il interroge, elle finit par dire qu’elle est perturbée et que elle-même ne sait plus trop où elle en est. D’ailleurs le « match » est loin d’être plié dans ce triangle en mouchoir de poche.

C’est très sincère, c’est très noble, mais c’est très déroutant. Lui en fin stratège, ne bronche pas, ne s’énerve pas. Il attend son heure. Il observe, il surveille, il finit par suivre un bellâtre dont il pense qu’il pourrait être l’amant de sa femme. Il se trompe. Elle ne le trompe pas ; en tout cas pas encore. Mais à tout moment la bascule est possible. Cet homme navigue donc dans un océan d’incertitude. Tout comme nous, dans la vie en général. Et de savoir le montrer est bien là une des facettes notables du talent du réalisateur.

Finaud, Dino Risi nous laisse entrevoir que cet homme, qui pense sa femme perdue, a des atouts. Mais pour un bon équilibre, il faut qu’il ne les aie pas tous. Ainsi, la belle laisse échapper avec gentillesse que c’est « son chauve ». Il y a plein de petites choses comme ça, des petits cailloux qui forment des pistes, que nous devons découvrir.

Il y a donc un grand numéro de prestidigitation, dont le mari est le principal ordonnateur. Mais où la femme est celle qui rebat les cartes.

Enrico sait qu’il doit être présent et attentif. Il comprend que tout se joue en ce moment. Et c’est bien le jeu qu’il mènera qui lui permettra de terrasser l’adversaire. Pas de manière ostensible, mais de manière discrète et métaphorique. Ainsi il aura raison de son adversaire dans un grand bluff au jeu de poker. Et ce n’est pas bien sûr les quelques sous qui se jouent qui sont l’enjeu, mais bien sa femme. Le tout se double d’une danse avec approches et captation finale de la partenaire. Et cet ensemble complexe est d’une délicatesse extraordinaire.

Dans ces « devoirs » de vacances, plusieurs scénettes sont intéressantes et viennent enrichir le récit. Ainsi cette petite fille perspicace qui lui jette en pleine figure, qu’il ne sait pas nager, qu’il s’est disputé avec sa femme, et toutes ces sortes de choses qu’une gamine est capable d’entrevoir sans filtre. Cette fameuse vérité qui sort de la bouche d’une enfant.

On a droit à un vaste panoramique sur ces femmes, qui savent piéger les hommes. Ne sachant pas résister à la séduction qu’elle soit feinte ou réelle, ils tombent régulièrement dans ces filets. C’est le risque quand ils sont mus par leur sens et non pas par leur raison. Ces moments sont très bien mis en valeur ici, avec une multitude de personnages représentant de nombreuses situations.

Ainsi il y a celle dont on croit qu’elle est toute à vous, alors qu’elle ne faisait que de vous instrumentaliser, de manière à rendre jaloux leur conjoint, qui est la vraie cible de leur attention.

Ou Alicia Brandet qui fait des œillades à tout le monde ; non que ce soit une allumeuse mais justement parce qu’elle est une femme réellement disponible et qui ne voit pas le mal à « aimer ceux qui l’aiment » presque sans restriction.

Et puis il y a cette grande dame qui n’arrête pas de s’esclaffer, qui prétend ne pas céder au ragots mais qui en réalité ne fait que d’y penser. Elle est pour ainsi dire là que pour cela. Et elle picore les anecdotes, ou les recompose avec trois fois rien.

Elle commente en permanence tous les couples qui se forment et se déforment. On sait bien que ces critiques là sont des passe-temps classiques chez les vacanciers. Qui n’a pas céder à ses propose de table ?

Mais là ce qui pourrait passer pour excitant devient si systématique, que cela on devient crispant. C’est voulu. Et pourtant tout son aréopage semble continuer à l’écouter, comme si ses avis ces analyses avaient autorité. Et c’est vrai qu’il y a là ce qui fait son pouvoir. De telles personnes n’existent que si on les écoute. Mais on sait aussi une fois qu’on aura le dos tourné on sera critiqué à son tour d’où c’est ambiguïté entre l’amusement et la crainte

On peut parler des hommes également. Comme ce capitaine de yacht, complètement bourré. Un potentat pathétique, à la fois désabusé mais aussi à la recherche d’amitié plus sincère que celles qu’il rencontre habituellement. Pourtant il ne peut s’empêcher de voir dans notre héros Enrico, un médiocre. Et il lui dit bien entendu. Médiocrité qu’il salue comme si c’était une grande qualité dans la vie en l’assimilant à une saine simplicité. Drôle de paradoxe.

Le gigolo est une trouvaille. D’abord parce que Jean Sorel est vraiment un beau garçon. Mais aussi parce qu’il nous amène à concevoir ce mercantilisme saisonnier affiché, de ses charmes. De telles personnes existeraient-elles donc ? Eh oui.

  • En tant qu’acteur, ce sosie de Delon a fait de nombreux films. Et il n’est pas mort. Bizarre, qu’il n’imprime pas.

Et c’est là qu’on ne peut qu’apprécier, la singulière vacuité d’un autre gigolo, qui tourne à 2 km heure sur la piste de danse ensoleillée, avec une extra vieille friquée.

Autre sujet de réflexion et de rire c’est l’amitié en transit. Quoi de plus labile que ces supposées amitiés de vacances ? On voit déjà ça dans Les Bronzés quand Jugnot ne donne pas sa vraie adresse de résidence plénière, pour échapper à la lourdeur de ces fausses amitiés, une fois les vacances terminées.

Société de consommation ? Oui bien sûr ! D’ailleurs ils mangent, ils s’empiffrent, jusqu’à en être dégoûté.

Et la caméra ne cesse de nous montrer ces foules immenses qui sont partout, sur la plage, en ville, dans les bouchons… On parle de nos jours de tourisme de masse, mais il faut voir ce qu’il en était à cette époque. Ces images sont presque inimaginables. Les uns sont vraiment sur les autres et on se demande bien comment ils font pour circuler sur ces plages saturées. Ce sont des masses colossales. J’ignorais qu’il pouvait en être ainsi.

On parle là de dizaines de milliers de personnes agglutinées sur un rivage et sans doute bien plus. Comme si l’ensemble de l’Italie et des pays amis, c’étaient donnés rendez-vous sur le même spot de Riccione sur l’Adriatique. Un endroit qu’affectionnait tant le Duce ; qui y jouait au grand sportif dans la même tradition adoptée par la suite par Poutine.

  • Bien que n’ayant que 35 000 habitants, on y a compté 3 500 000 réservations d’hôtel, dans les années 2000.

On connaît Paris déserté en été. Il en est de même visiblement à Rome (cf Le Fanfaron). Mais on sait désormais où toutes ces personnes ont pu se rendre.

Il s’agit de cette époque dépassée, où l’on voulait absolument prendre le soleil, où l’on utilisait même des miroirs, pour renforcer son bronzage. C’est surexposition de jadis aux UV fait le bonheur des dermatologues de nos jours – Le collagène des peaux est massacré et les cancers cutanés explosent.

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C’est une des toutes premières fois où je vois un film sur le retour à la paix conjugal, qui ne soit pas moraliste et barbant. Il y a pour cela une raison simple. C’est que cette paix ne signifie pas la petite mort du couple dans les compromissions. Ici c’est une flamboyante Renaissance, un retour de passion.

Ce à quoi aspire ce couple, ce n’est pas de rétablir un temps, la morne paix des ménages. Une vision limitée pour ceux qui passent leur temps en dispute et en trêves. Mais pour lesquels il s’agit en réalité d’une guerre ou l’un des deux doit mourir, au moins symboliquement.

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Quand j’écris « Meilleurs Dino Risi. 8/10 », il ne s’agit pas de le désigner comme LE meilleur de ses films (pour moi c’est Le Fanfaron), mais de signifier qu’il est dans les meilleurs.

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https://fr.wikipedia.org/wiki/Play-Boy_Party

https://fr.wikipedia.org/wiki/Riccione

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Sorel

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