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On commence par le début. Ce King Cross là est en Australie, rien à voir avec le King’s Cross de Londres.

Rosaleen Norton est une enfant bizarre, une jeune fille bizarre, une femme mûre bizarre et une morte bizarre.

Elle est parfaitement sincère quand elle prétend habiter un monde de démons, de Sabbat des Sorcières, de Merlin, de Lucifer et d’Initié. Mais en fait, ce monde onirique c’est elle-même qu’elle se le fabrique. Et à partir d’un moment elle n’arrive plus à échapper à sa légende. Et ne peut que s’ENFERrer.

Elle doit beaucoup aux visions surréalistes et à l’univers préfabriqué du franc-maçon fumiste Crowley, avec sa très vendeuse magie-sexuelle. On en a parlé ici.

Certains verront dans ses œuvres quelque chose d’original, mais je n’en suis pas si certain. Ses emprunts inconscients ou non doivent beaucoup aux anciens. Ceux qu’on a cité, mais aussi bien plus loin, des choses qu’on peut voir au verso du Retable d’Issenheim ou bien dans la démonologie d’un Pieter Brueghel l’Ancien. Plus loin encore, il y a les représentation de certains animaux effrayants dans l’art médiéval occidental.

Bien qu’il y ait de bonnes choses dans certaines des œuvres de Rosaleen, cela semble plusieurs crans en dessous de ce qu’on vient d’évoquer. Si au moins elle avait prétexté une part de moquerie wharolienne.

Et d’autres artistes tout aussi nabi, me semblent avoir fait mieux. Et même des « borderline » authentifiés ont réussi de meilleures prouesses. Je pense à Victor Brauner.

La particularité de l’œuvre de Norton est dans son engagement, qu’elle pense être le plus total possible. Elle y mêle son vécu, son passé réel et rêvé, ce qu’elle espère de son devenir. Les drogues et l’ivresse sexuelle devant faire partie de son parcours d’Initiée et d’Initiatrice.

La case « folie » n’est pas absente. Et dans son obstination à créer un autre monde qui serait le sien à l’exclusion de tout autre et de part ses accointances avec de vrais fous / vrais poètes, comme pour son plus proche ami, le schizophrène Gavin Greenlees.

Ce qui aide, c’est son physique. De sa physionomie inhabituelle, elle déduit qu’elle vient elle-même du monde fantasmatique auquel elle tente de recoller. Cela se base sur ce visage étrangement allongé, qui sera en miroir dans ses tableaux. Elle profite de la grande surface du front pour se coller une deuxième paire d’yeux. Et puis elle se targue d’avoir de grandes oreilles pointues. De là à se voir en baphomet androgyne, il n’y a qu’un pas.

Dans cette démarche d’art total, elle renoue avec la vieille tradition du Tantrisme mystique avec sa fête du lingam et du yoni. La « civilisation » chrétienne ayant totalement rompu ses amarres avec la chair, il était sans doute urgent de renouer avec de doctrines moins nihilistes, moins ascétiques.

Mais sa déconstruction / reconstruction ne fait pas mieux, car elle impose un nouvel ordre avec ses propres codes qui vont forcément devenir conformistes à leur tour ; son obligation de la jouissance ; sa nécessaire fuite en avant dans le toujours plus. Je pense que ces « contraintes » ne devaient pas être gaies tous les jours.

Bizarrement le Pape nage aussi dans ces eaux là, quand il impose à ses ouailles de sourire en toutes circonstances, l’histoire de montrer que sa religion est attrayante. Cette attitude est d’ailleurs promue dans toutes les sectes. Dès que je vois un Témoin de Jéhovah s’afficher ainsi aussi bêtement, je ne peux m’empêcher de penser à tout l’embrigadement qu’il y a là derrière.

Bien qu’un peu surjoué, le côté biopic dansant n’est pas raté pour autant. La femme pantomime est un peu trop jolie pour figurer Rosaleen. Et là encore on se heurte aux limites de l’interprétation, et de la vision focale, pour ce qui au mieux ne peut être qu’une Expérience. Mais au fait : Are You Experienced ?