Ballet, Musique, microcosme, macrocosme, fraternité universelle

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Cette petite réflexion a été inspirée par cette oeuvre là : Le Casse-noisette (2017) 8.5/10 Ballet, Musique

A y regarder de près, les figures que peuvent faire les danseurs de ballet sur les planches, ne sont pas illimitées, loin de là.

Qu’est ce qui fait qu’une interprétation puisse être bien plus convaincante qu’une autre ?

En fait il faut prendre ces déplacements comme des notes de musique. Et ce qui compte, ce sont les enchainements de ces gestes, qui forment alors la partition.

Et on monte encore d’un niveau, avec l’imbrication de cette composition musicale et chorégraphique dans de vastes tableaux.

Dans le meilleur cas, la scénographie finale révèle l’intention initiale du concepteur de l’oeuvre, dans toute sa force et sa beauté.

Elle se dévoile grâce à des harmonies de couleurs, le choix judicieux des éclairages, le mouvement savant des habits et bien d’autres choses.

Le parfait synchronisme de l’ensemble finit par tendre vers l’abstraction. C’est d’autant plus flagrant que les personnages sont nombreux sur scène. On parle ici de dizaines. Ils forment alors une énigmatique entité d’ordre supérieur. Un ensemble indivisible qui se meut avec une grâce toute spéciale.

  • On a cela aussi, mais à un niveau moindre, pour les mouvements complexes des nuées d’oiseaux, ou mieux encore dans les jolis bans de poissons multicolores.

Chez les humains ces chorégraphies, mues par des équations savantes, se complexifient car elles mettent en valeur des couples, des individus, qui se détachent sur ce fond vivant.

Cette mise en perspective de haut niveau est soulignée par tous les artifices dont dispose le scénographe. Il peut compter sur les beaux contrastes, les fines variations de couleurs et bien sûr ces mouvements qui les distinguent, tout en restant en phase avec les autres.

Et même si dans un telle prestation, les choses sont bien entendu écrites et sans improvisation, il y a encore les interactions avec le public.

  • Ce dernier point est souligné par un directeur de ballet, qui intervient après le spectacle. Pour lui rien ne remplace le spectacle vivant. Mais moi, le profane ignare planté devant ma télé, je lui donne tort. En tout cas pour l’instant, car je n’ai pas vu en vrai, de ballet satisfaisant.

Cette qualité permet une expérience intense, d’une nature élevée, mais qui semble difficile à définir. Il y a manifestement dans cette élégance, quelque chose qui nous parle et qui nous révèle ce que peut être une harmonie du “vivre ensemble” et bien plus encore.

Il y a sans doute d’abord une allégorie de la fraternité universelle, comme chantée dans l’Hymne à la joie, mais il n’y a pas que cela.

Il y a une part d’indéfinissable, qui est assez incompréhensible car elle se situe dans l’évocation implicite de ce qui est encore à venir. Rimbaud écrivait : « Et j’ai vu quelquefois ce que l’homme a cru voir ! ».

Ce n’est pas faux ! Il me semble que c’est alors une référence à l’immense potentiel de notre espèce, malgré notre finitude en tant qu’individu.

Cette poussée « spirituelle » d’ordre supérieur est flagrante ici avec la fameuse Valse des fleurs. Nous la connaissons tous et elle fait vibrer même les plus rigides. Des petits pas pour les ballerines, de grands bons pour l’humanité ?

  • En l’écoutant, j’éprouve la même forte émotion – de l’ordre du transcendantal – que pour une autre mise en situation d’une Valse célèbre, le Beau Danube bleu dans 2001.
  • Je pourrais pleurer de bonheur, lorsque que grâce à cela, je me replonge dans une telle évocation de l’intemporel, avec ce qui devient une réelle musique des sphères. Il ne suffit pas de dire c’est « trop » beau. C’est en réalité l’émotion vertigineuse, quand on fait face à la fois aux Origines et à l’Infini. C’est explicite chez Kubrick.

Ce ne sont que des valses, mais ce sont aussi des résonateurs qui parfois sont en phase avec les harmonies fondamentales. L’homme a cette capacité d’appréhender un peu du macrocosme à partir de son microcosme.

Avec plus d’humilité, nous pouvons juste rêver comme la fillette qui s’endort, en tenant en main son casse-noisette. Elle va bientôt voir danser ses jouets.

Lamartine interroge « Objets inanimés avez-vous donc une âme ? » et Tchaïkovski répond sans hésiter que oui et il fait se mouvoir toutes ces figurines, avec « la force d’aimer »

Au Mariinsky, il s’est passé quelque chose de cet ordre. Dans ces circonstances, je voudrais que le souhait que je formule d’un Joyeux fêtes à tous, ne soit pas une énième de ces formules toutes faites.

Bien entendu, ce faisant, je verse dans le lyrisme. Mais peut il en être autrement avec une telle manifestation d’un si bel art lyrique.

https://librecritique.fr/le-casse-noisette-2017-8-5-10-ballet-musique-et-fraternite-universelle/

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