ChinaTown. Polanski rate un chef-d’œuvre. Dunaway tuée. Nicholson insolent, sans nez. 7/10

Temps de lecture : 4 minutes

Il n’est pas forcément déshonorant de dire qu’on n’a pas tout compris. Je dirais même plus. En tant que critique cela peut même désamorcer certaines équivoques, dans lesquelles se serait glissée cette partie du public, qui se sentirait coupable. Coupable de ne pas avoir trop réfléchi ?

Un scénario trop complexe, ne donne pas forcément une œuvre plus intelligente.

  • Je me bats contre ça depuis un bon moment. Je peux citer en particulier le cas des Agatha Christie. Au bout de nombreuses lectures et visionnages, je peux dire qu’elle n’est pas une maîtresse du suspense, comme on l’écrit trop souvent. En fait c’est une impératrice de l’embrouille et des rebondissements improbables. Le fond est matriciel. Elle ne fait que combiner des possibles routiniers, puis de mettre quelques sparadraps pour tenter de colmater les brèches intellectuelles, en prenant le risque d’une parfaite invraisemblance.

Revenons à Chinatown, le film bien connu de Roman Polanski.

Le vrai suspense, c’est de savoir si le nez du héros va tenir jusqu’au bout. Il se prend sans cesse des coups sur le tarin, au point qu’on finit par être inquiet pour le détective privé Jake Gittes/ Cet avatar de Philip Marlowe joué correctement par Jack Nicholson.

A l’opposé, que l’intrigante Faye Dunaway, en tant que Evelyn Mulwray, tombe dans ses bras, ce n’est vraiment pas un suspense. C’est même une obligation conformiste dans ce genre de films.

Plus complexe et assez capillotracté est le fait que Evelyn (a modified dog) est à la fois la mère (baffe!) et la sœur (baffe!) de Katherine / Belinda Palmer. Ce petit fruit fragile, issu de l’inceste voulu par John Huston / Noah Cross, n’est là que pour rendre l’intrigue plus sulfureuse. C’est bien du Polanski ça !

  • C’est une fantaisie bienvenue d’avoir certains metteurs en scène de qualité qui passent devant la caméra. Surtout quand ils ont de grandes carrures et qu’ils sont photogéniques. Ainsi John Huston joue un rôle important dans Chinatown. Comme Sydney Pollack dans le mémorable Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick. Plus modestement Roman Polanski s’insinue dans le récit, dans un petit rôle de coupeur de nez (le sujet principal).

La complexité ne va pas s’arrêter là. Jack Nicholson qui a eu un rôle moteur dans Chinatown, va se risquer à une suite avec The Two Jakes, en tant que réalisateur. Il s’attribuera le même rôle de privé Jake Gittes. Il retrouvera la fille Katherine avec une certaine ambiguïté vis à vis de la « protégée/désirée ». Mais le deuxième film étant plus plan-plan, il ne cédera pas. Il a couché avec la mère à présent défunte, mais il ne couchera pas avec la fille.

Attaquons maintenant le gros morceau.

On ne peut pas soupçonner le Polanski de 1974, d’avoir voulu faire un drame écologique. Pourtant l’histoire est basée sur une captation d’eau dans un vaste secteur de Los Angeles en 1930. Alors qu’on se battait encore pour le pétrole, le sujet des ressources en eau devait passer pour secondaire.

Pourtant des magnats éclairés voyaient déjà loin. Grâce à leur barrage de rétention et leur réseau hydraulique, ils faisaient réellement la pluie et le beau temps. Surtout avec leurs bras armés sans scrupules et leurs appuis dans les sphères corrompues. On veut bien y croire.

Là, la technique est simple, assoiffer les plantations d’une zone promise à un grand avenir, racheter les terres à vil prix grâce à des prêtes-noms (des pensionnaire d’un EHPAD qui leur appartient), puis rétablir la flotte et faire ce qu’ils veulent de leurs nouvelles propriétés désormais bien irriguées.

Cette guerre de l’eau nécessite d’éliminer un ancien partenaire devenu ingénieurs protecteurs des eaux. Huston veut avoir les mains libres. Un coup monté permet de supprimer « proprement » cet Hollis Mulwray, qui est aussi le mari d’Evelyn. Dunaway a marié l’ex associé de son père et donc un vieux. Cela ne s’arrange pas dans l’inceste et son presque équivalent.

Le détective qui a été engagé pour révéler l’adultère de Mulwray, comprend qu’on s’est joué de lui. Un Nicholson ne peut en rester là. Il prend fait et cause pour les Mulwray ex Cross.

L’affaire se dénoue au final, comme dans un Agatha Christie (ce n’est pas un compliment). Une histoire de lunettes à double foyer et d’eau salée, pointe du doigt un crime commis par Huston, lui-même. Et le pauvre est également rejeté par sa fille/femme-d’un-soir-ou-plusieurs. Bien qu’elle reste évasive sur son éventuel consentement (sacré Polanski !) – Elle lui refuse tout contact avec sa fille/petite-fille. Et cela se termine par des coups de pistolets. Dunaway est tuée sur le coup et c’est bien dommage car elle ne pourra donc pas participer à la suite faite par Jack Nicholson dans les Two Jakes. Remarquez, ainsi elle a évité le pire.

La complexité endogamique protéiforme de cette histoire, doublée des glissements de statut des uns et des autres, sont la vraie raison du caractère confus de ce scénario. De plus les révélations sont trop progressives. Il faut tenir plus de deux heures. Il aurait fallu élaguer. Tout n’est pas utile là dedans.

Vous voyez ; oser dire qu’on n’a pas tout compris d’emblée au film, ne vous fait pas forcément passé pour un imbécile. Si quelqu’un vous dit le contraire sur Chinatown, demandez lui de vous raconter l’intrigue d’un bout à l’autre… et s’il y arrive qu’il enchaîne avec Two Jakes (ihihih!)

Très bonne musique de film. Elle sort du conventionnel de l’époque.

Film apprécié par la critique et qui obtiendra plusieurs récompenses prestigieuses. Moi je reste sur ma faim. Polanski est passé à côté du chef-d’œuvre que cela aurait du être.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Chinatown_(film)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Philip_Marlowe

https://fr.wikipedia.org/wiki/Eyes_Wide_Shut

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jack_Nicholson

https://fr.wikipedia.org/wiki/The_Two_Jakes

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