Erotissimo. Jean Yanne, Annie Girardot. Pirès. Modernité et conventions. 6.5/10

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Même pas sûr que nos auteurs aient voulu juste faire le buzz titillant avec cette promesse de câlins Erotissimo. C’est une comédie de mœurs moins sulfureuse et plus généraliste que cela.

C’est fou car on dirait un film de Jean Yanne. Alors qu’il est fait par Gérard Pirès. Ce dernier n’est pas un de ces grands réalisateurs reconnus. Dans sa façon de filmer puis de couper haché, on sent un certain amateurisme. La paresse était courante dans ces années là. Il ne fallait pas trop en demander aux créatifs post 68.

Ils se sont mis à trois pour concevoir ce scénario, qui reste cependant assez simpliste. Je dénonce donc Nicole de Buron, Gérard Pirès (bis) et Pierre Sisser.

Une grande part est laissée aux fantasmes et aux conventions du moment ; comme pour en rire, mais finalement avec une sorte d’acquiescement tacite.

  • Un habitat « moderne » très années 60-70 avec les inévitables Vasarely, l’encombrant Mobile, le plastique, les couleurs primaires criardes, les gadgets marqueurs de la réussite et bien datés désormais… On n’est pas loin d’une tentative de dénonciation à la Jacques Tati dans Mon Oncle.
  • Ils font fort en nous mettant sous le nez la Ford GT40. Ce véhicule mythique est vraiment du domaine des très happy et très few. C’est l’objet du désir qui a tout gagné, mais aussi le Veau d’or à proscrire. La démonstration serait plus facile maintenant que nous sommes dans la phase de dénonciation des moteurs fossiles.
  • Peur convenue du percepteur, mais conçue comme une farce, à la manière du cinéma de papa, voire des vaudevilles des temps encore plus anciens, comme chez Feydeau. Francis Blanche assume le job ingrat, en en faisant des tonnes pour notre plaisir. Son texte, du genre  «monologue de Shylock», qui voudrait qu’on finisse par avoir de la compassion pour lui, est intéressant.
  • Libération des mœurs, en cette année 69 érotique, en particulier pour le salut libéré de ces dames. Mais plus que de l’érotisme de haut vol, il s’agit de porno hygieniste. Le grand écart conçu méthodiquement par Annie Girardot, tourne en eau de boudin, avec un retour à la case tendresse. J’ai vu un jour cette actrice, déjà fort atteinte, dans ma seule incursion au Palace (Paris). Dommage pour celle qui n’était pas une actrice négligeable !
  • Mais au fond, il y a beaucoup là dedans qui ressemble à Jean Yanne, dont principalement un ras le bol généralisé, qui paraissait un peu beauf à l’époque. Avec pour cible toutes les « conneries » qu’on voudrait nous voir adopter. En ce qui concerne le matraquage publicitaire, je suis assez d’accord. Pour les autres items, il se pourrait qu’il ait finalement assez raison aussi. Mais il faut plus de 50 ans pour s’en rendre compte.

Une mention particulière pour Jean Yanne, ici encore il nous fait l’homme qui parait pouvoir tout maitriser, qui ne doute jamais. Et avec lequel assurément Nous ne vieillirons pas ensemble. Sans doute était-il comme cela dans la vraie vie. Il y a un paradoxe, car il fait peur par sa rigidité et il rassure par sa constance et sa détermination. Mais j’en ai connu des comme cela, du fait de leur intelligence, ils ne sont pas dépourvus de finesse.

Musiques de Michel Polnareff et William Sheller quand même. Le reste de la distribution ne manque pas de sel, même si ces zouaves ne sont pas utilisés au mieux :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Erotissimo

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Tati

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