Temps de lecture : 4 minutes

Voilà un long-métrage bien étonnant. Vu de loin, cela ressemble à une des ces apologies de l’héroïsme, dont les Américains ont le secret.

C’est la proposition impérialiste classique : « Je suis venu, j’ai vu, j’ai vaincu » (Veni, vidi, vici – Jules César).

Mais si on se donne la peine de réfléchir, c’est plutôt une ode à l’inconséquence, à la prise de risque inconsidérée, à la croyance stupide dans sa bonne étoile…

« Combien de marins, combien de capitaines Qui sont partis joyeux pour des courses lointaines, Dans ce morne horizon se sont évanouis ! » Oceano Nox – Victor Hugo

Lindbergh écrit le livre qui sert de base au film. On peut prendre les faits qu’il décrit comme argent comptant. De toute façon, dans sa traversée en solitaire, il n’y a pas de témoin. A part cette mouche ridicule.

Il s’est lancé dans cette affaire transatlantique avec peu d’atouts. Il a juste l’idée qu’il faut faire quelque chose et vite. La concurrence pour emporter la prime du premier arrivé de 25 000 dollars, est rude. Et comme il est pilote et tête de lard, il se pense prédestiné. Il s’était fixé jeune d’avoir 1.80m et il a dépassé ses propres espérance avec son 1.81m, voilà de quoi nous rassurer (hum).

Cependant, il n’a pas été un si bon pilote que cela. Un flash-back nous le montre totalement inexpérimenté, lors de l’achat de son premier zinc tout mité. Au point que le vendeur a essayé de lui rendre son argent pour qu’il s’arrête d’essayer de voler. Ceci confirme donc que Lindbergh prend trop de risque et que cela en est franchement anormal.

Il entraîne un groupe de financeurs dans cette affaire du Spirit of Saint Louis, alors qu’il n’a pas d’avion et qu’il ignore même comment il devrait être, n’étant pas ingénieur. C’est insensé !

Imaginez un quidam qui cherche à convaincre de gros bailleurs de fond d’aller sur la lune, alors qu’il n’a pas de fusée et qu’il ne sait même pas comment la réaliser. Et une fois le deal accepté, la conception et la réalisation ne se feront pas avec les moyens d’un Elon Musk, mais a minima dans un garage graisseux, avec quelques rares ouvriers. Pas mal de choses clochent dans le récit.

Si les évènements relatés sont exacts, pour 1927 mais aussi pour tout ce qui précède dans sa vie adulte, alors il a eu une chance de cocu. Il a constamment joué des paris impossibles et il les a gagné. Que veut bien vouloir dire cette présentation. Le film veut nous montrer qu’il n’est pas croyant au sens religieux du terme. Non, lui a foi dans la mécanique et à ces choses tangibles.

Une petite pensée pour nos compatriotes Charles Nungesser et François Coli qui se sont perdus quelques jours avant, dans une tentative analogue.

Pas un mot pour ses sympathies pour Adolf Hitler. Mais il est vrai que son bord politique très incliné, n’est pas en mesure de modifier la trajectoire d’un avion. Et puis nous ne sommes encore qu’en 1927, une époque où les pacifistes n’avaient pas encore les yeux bien ouverts.

Le réalisateur juif Billy Wilder s’était pourtant exilé à l’arrivée au pouvoir de Hitler.

Le film de 2h15 est assez bien fait. Mais il n’y a pas de quoi crier au génie. En 1957, on commence a bien maîtriser l’anamorphose du CinemaScope (né sur écran en 1953). Certaines maquettes sont maladroites.

La scénette de la fille au miroir, n’apporte pas grand-chose, en dehors du fait que l’ensemble manque cruellement de femmes. Au point qu’on se pose des questions.

James Stewart est un grand acteur. Les scènes où on le montre luttant contre l’endormissement sont convaincantes. Par ailleurs, il restitue une sorte d’insouciance rebelle, combinée à une efficacité non tapageuse, qui doivent être des composantes du vrai Lindbergh.

Par contre la différence d’âge entre ce Stewart de 48 ans, même grimé à mort, et le performer Lindbergh de seulement 25 ans, est trop criante. Et cela empire au fur et à mesure que la fatigue devient visible, que son visage se creuse, que le poil pousse, lors du grand voyage. Ce casting est une erreur gigantesque. Et la plupart des critiques feignent de ne pas s’en rendre compte. On pardonne un peu trop à Billy Wilder.