Floride (2015) 7/10 Alzheimer

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Voilà un film sérieux qui n’est pas si mauvais que cela. En tout cas il montre pas mal de bonne volonté dans le traitement de ce sujet casse-gueule. La déchéance de l’Alzheimer étant tout sauf photogénique, c’est très courageux de relever ce défi.

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Et comme ce naufrage de la vieillesse-maladie part dans tous les sens, un scénario fidèle se devait d’en faire tout autant. Ce long métrage est donc volontairement un peu décomposé lui aussi, façon rébus. Cela fait écho à cette maladie dévastatrice peu compréhensible pour le profane.

Une ligne directrice qui parcourt tout le long métrage, nous incite à penser que notre héros malade va faire une fugue très organisée. Ce qui est un comble pour quelqu’un qui oublie tout et se mélange en permanence les pinceaux. Mais ce n’est qu’une pirouette scénaristique, comme on l’apprendra à la fin. Ce piège tendu par les concepteurs du film, n’est ni crédible, ni fair play. Le sujet étant difficile, on pardonne.

Tout repose sur les frêles épaules de Rochefort. Il est tellement bon qu’on en vient à se demander si cet acteur très usé, a encore toute sa tête. Je n’ai pas la réponse claire et tranchée. Il s’est posé lui-même la même question, quand il y a quelques années, Robert Hirsch vieillissant jouait ce même personnage au théâtre dans Le Père, de Florian Zeller.

Pour inciter à voir le film, les auteurs ont eu tendance à rendre la maladie un plus présentable qu’elle ne l’est vraiment.

Le scénario est bien servi par quelques points d’ancrage judicieux comme cette intransigeance quant à son jus d’orange, qui ne peut être que de Floride, ou ces mises en scène de prétendus vols de montre, pour se débarrasser de ses nounous. Les problèmes de décence et de continence sont abordés de manière soft. Mais on en parle, c’est déjà ça.

On peut aussi mettre l’actif du film, le fait d’assez bien cerner les complications intra-familiales occasionnées par l’hébergement de ces personnes difficiles à contrôler et qui tendent à échapper à toutes remontrances et/ou raisonnements. Certains, comme le gendre, sont moins attachés à ce passé qui ne les concerne que de loin. Eux ils sont en plein dans l’histoire d’après. Ils se prennent la crudité du présent en pleine figure. Et donc ils tendent très logiquement à s’énerver plus rapidement.

L’habileté du récit est moins flagrante en ce qui concerne l’insistance du personnage incarné par Rochefort, à vouloir déterrer un mort qui ne lui plaît pas, et avec lequel il ne voudrait pas cohabiter par la suite.

Il faut choisir, soit le malade est organisé et constant dans sa tête, façon idée fixe, soit on ne l’est pas, façon démence. Ce dernier cas de figure étant bien plus probable, je ne crois pas trop à ces obstinations trop construites. Et donc là, c’est du cinéma.

Je vais à nouveau me plaindre de cette production française qui semble n’avoir que Kiberlain à proposer en rôle féminin. Elle est certes un (gros) poil agaçante pour les besoins de l’emploi.

Mais l’actrice est franchement crispante en soi. Et ça ce n’est pas nouveau. En incarnation de la citadine française un brin hautaine, un brin emmerdante, elle a toute sa place cependant. La réalité dépasse sans doute la fiction. En directrice d’usine, elle n’est pas du tout convaincante.

Rochefort ne se prive pas d’énumérer ce qui semblent ses vrais défauts, dont la mesquinerie. Et c’est vrai que cette comédienne donne l’impression permanente d’être étriquée. Mon dieu, je ne voudrais vraiment pas d’une compagne comme cela !

L’Alzheimer est avant tout une sale maladie. Elle occasionne une cascade irréversible de profonds déficits, avec de sérieux troubles de l’humeur et du comportement. Ce n’est pas tout de le dire. Prétendre qu’on ne fait que retourner en enfance, c’est vouloir cacher sous le tapis, les conséquences irréversibles de ce mal effrayant. Il n’y a rien de gentillet là dedans.

Ce qui n’empêche pas le respect dans l’accompagnement, bien entendu. Mais il ne faut pas se leurrer sur ce que cela sous-entend. Il s’agit en permanence d’éviter le pire. Et ici le pire est toujours à venir. L’engagement des soignants ne change pas grand-chose à l’évolution néfaste de la maladie. Et cette désespérance incite plutôt l’équipe à prendre un recul salutaire. Cette directrice qui travestit les mots pour redorer le blason de son Ehpad, ne fait qu’une déculpabilisation des proches et/ou un élémentaire marketing.

Les familles confrontées à cela sont totalement larguées, le plus souvent. L’attachement à ce que fut la victime, fait qu’il faut un bon moment avant de se rendre à l’évidence. Et puis ces lieux du sang, font que nous nous identifions encore plus au patient. Partant du principe qu’on ne voudrait pas que l’on nous fit, ce qu’on lui impose, on a du mal à se résoudre à certaines extrémités.

Un autre problème, c’est ce profond changement de caractère et de personnalité, qui souvent rend le malade profondément injuste et agressif avec son entourage dévoué. C’est classique et le scénario sait bien le mettre en évidence.

Le grand tournant consistant à confier cet individu perdu à un centre spécialisé, est sans doute le plus difficile à prendre. On s’y résout sans doute quand la personne devient trop dangereuse pour elle même et il n’y a vraiment plus rien à faire. Cet abandon raisonné et progressif est bien montré dans le film.

Ce film nous montre un être attachant comme Jean Rochefort, qui fait partie un peu de notre famille à tous. Cet être qui est de plus en plus déshabité, au point qu’il risque de devenir personne, nous concerne donc au plus au point. En cela la démonstration à l’écran de cet effacement progressif d’un de nos ascendants les plus chers, qui s’accompagne en parallèle d’une diminution de nos responsabilités vis à vis de lui, semble avoir atteint son but.

Comme il s’agit autant de divertir beaucoup que d’instruire un peu, on peut lui pardonner un certain romantisme édulcorant.

Le réalisateur Philippe Le Guay a fait de jolies choses dans sa carrière : je ne citerai que Les Femmes du 6e étage et Alceste à bicyclette.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Floride_(film)

Jean Rochefort
Sandrine Kiberlain

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