Guerre que je préfère. Impossible oubli 1919-1920. Pacifisme, Gueules Cassées, reconstruction, fierté nationale. 8/10

Temps de lecture : 4 minutes

Encore une documentaire historique bien conçu et informatif.

La grande guerre a choqué ses contemporains. Ce fut le cas de mon grand-père paternel, qui par le grand différentiel générationnel qu’il y avait chez nous, pouvait nous en communiquer le souvenir, à sa manière.

  • Napoléon III était d’ailleurs dans ses conversations aussi, en rapport aux souvenirs transmis par ses parents à lui.

Pour la der des der, il ne s’agissait pas de nous faire le récit des atrocités qu’il aurait lui même observé. La parole était encore rare après ce cataclysme. Non, ce qui était transmis par une attitude et quelques silences éloquents, c’est le respect des morts et de la défense héroïque de notre patrie.

Et pour illustrer cela, il faut savoir qu’il y avait dans sa bibliothèque, outre une encyclopédie coloniale, deux gros volumes sur les massacres de la grande guerre. Par héritage, ils ont fini dans notre foyer. Nous gamins, allions voir en cachette ces planches effrayantes, avec ces morts atroces mangés par les rats… C’était aussi initiatique que l’aurait été un livre « osé ». Un rocher dans la mare suivi de vagues puis d’ondelettes qui n’ont jamais cessé, de nous habiter.

On avait pas perçu encore que le Douaumont si moche, mais montré en long et en large, était un ossuaire hors norme. Nous n’étions pas en phase avec le “Moi, mon colon, celle que j’préfère, C’est la guerre de quatorze dix-huit !” de l’antimilitariste Brassens, qui certes était au deuxième degré. Les poètes anarchistes sont nos mystiques hors-sol à nous. Des nabis, des soufis, des illuminés, qui sont en lévitation et n’ont donc pas les pieds sur terre.

Après la guerre, l’impossible oubli se charge de nous mettre dans l’Histoire. Les petits films colorisés sont étrangement proches de nous, par ce subterfuge en « technicolor ».

On était tellement habitué à une théâtralisation noir et blanc convenue, avec la caméra à manivelle hésitante, qu’on a fini par fixer cela comme du « cinéma ». D’ailleurs il est bien connu que certaines scènes ont été « jouées » a posteriori, pour faire œuvre pédagogique. Verdun 1916 ou Charlot soldat de 1918, c’est du pareil au même ?

Ici, il y a suffisamment de bobines de pellicules honnêtes sur des drames in situ bien réels, qu’on n’a pas trop intérêt à en rajouter.

De plus il s’agit d’un après guerre et donc, la joie exprimée au tout début par un peuple entier, libéré des souffrances immédiates, est communicative, belle à voir et n’a pas à être imitée. Les enfants de la patrie ont fait le job. Clemenceau s’étant chargé de mettre les Français bien en avant.

Paris-Versailles était devenu la Victoire que nous offrions au monde. Une fois de plus le coq gaulois s’embarrassait plus de sa fierté, que de l’avenir. On susurre, on dit, on crie… que le traité de Versailles si applaudi par la foule, contenait les ferments d’une revanche qui allait être sanglante elle aussi.

L’Oncle Sam était bien présent sous les traits de l’impressionnant Wilson, qui a donné tant de noms de rue en France. Il voulait sa part et celle-ci était assez idéaliste. Comme pour cette insistance à créer la SDN qui devait abolir les guerres par les franches discussions et un contrôle universel. Il y arrivera en théorie mais les Américains ne signeront pas in fine.

Chacun des vainqueurs a pu grappiller ici où là, ce qui a forgé une nouvelle Europe parfois trop théorique dans ses frontières et ingérable de ce fait. On s’est repris « légitimement » une tranche d’Alsace et de Lorraine. On s’est empressé de la désannexer en y faisant passer des défilés et le premier tour de France de cette période.

Lorsqu’on est tant blessé dans sa chair et/ou son âme, on s’attend à ce que la « réparation » soit totale. Mais la Loi du talion est difficilement applicable, car l’adversaire est à genoux et sans force, bien entendu. Pourtant « on » voulait faire payer ce qu’ils devaient aux Boches.

Éternel problème. La guerre c’est mal. Surtout parce que cela fait mal. Il y a un consensus là dessus, mais qui ne dit pas si c’est évitable pour autant.

Pourtant les pacifistes n’ont jamais prouvé leur efficacité à la juguler. C’est un peu comme pour ces charlatans qui prétendent avoir une solution pour votre maladie difficilement curable, avec du perlimpinpin. Ils peuvent être criminels en retardant le traitement et en laissant glisser la « chose » vers l’incurabilité. On ne cesse de répéter depuis des millénaires Si vis pacem, para bellum, c’est toujours aussi dur à comprendre. Contre-intuitif dirait-on maintenant. Voir aussi capitaine-conan de Tavernier.

Mais une fois qu’on a dit cela, on regarde songeur et effrayé ces Gueules cassées que les autorités de l’époque mettaient en tête de cortège. Il y avait bien entendu le respect dû à ces sacrifiés. Mais aussi une volonté de bestialiser l’ancien adversaire. Les images des camps de la mort que l’on nous projetaient enfant à l’école avait aussi cette ambivalence. 4 millions de morts ce n’est pas de la gnognotte et il faut compter sur le fort facteur multiplicateur pour obtenir le nombre de blessés sérieux.

La mort et le souvenir sont devenus un véritable business. Chaque village meurtri voulait son monument. Les veuves hantaient les nécropoles pour pouvoir faire attester que leur mari était bien mort. Il y avait là de la compassion, des rites ancestraux mais aussi, et c’est légitime, la nécessité de valider sa pension en tant qu’épouse de soldat mort au front.

L’idée du soldat inconnu de 1920 est très intéressante – Confer l’excellent tavernier-la-vie-et-rien-dautre-soldat-inconnu.

La France, en bonne mère, a bien traité ses pupilles de la nation. Une formule qui nous serait propre.

Pour conclure, disons qu’ici, les souffrances en cours en 1919-1920 et celles à venir sont bien cernées. Les pénuries, les affres de la reconstruction… tout y passe.

Il est incroyable que la France se soit redressée si correctement. Elle a bien entendu perdu des plumes dans le conflit. La France ce n’était plus la grande France sûr d’elle-même et dominatrice du Monde d’hier. Confer Souvenirs d’un Européen de Stefan Zweig.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_du_talion

https://fr.wikipedia.org/wiki/Boche

https://fr.wikipedia.org/wiki/Gueules_cass%C3%A9es

https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Monde_d%27hier._Souvenirs_d%27un_Europ%C3%A9en

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