Inconnu du Nord-Express. Hitchcock escroc, obsédé. Robert Walker alcoolo, Farley Granger homo. Patricia Highsmith, Chandler. 7/10

Temps de lecture : 4 minutes

A force de voir des Hitchcock, on finit par mieux comprendre les « mécanismes » de ses films. Une courte analyse permet même de les démystifier.

Ce soit-disant maître du suspense se révèle un talentueux prestidigitateur, rien de plus. Et si l’on est ébloui, c’est qu’on le veut bien. Il use de la suggestibilité pour nous hypnotiser et nous faire croire à un profond talent. Ses tours de passe-passe visent à obscurcir l’esprit pour mieux placer ses « produits ».

Ce qui n’exclut pas que l’on nous serve à la base, une trame intelligente. Mais ceci, on le doit à un brillant écrivain et/ou scénariste. C’est le cas dans L’Inconnu du Nord-Express avec deux fées qui se sont penché(e)s sur le berceau : Patricia Highsmith (celle de Monsieur Ripley /  Plein Soleil ) pour le livre et Raymond Chandler (celui de Marlowe) comme co-scénariste.

Mais ce qui domine ces retranscriptions filmées, c’est cette deuxième moitié du film, saturée par une fuite en avant haletante et qui a le tort de devenir de moins en moins crédible. L’important étant de truffer l’action de ces rebondissements qui permettent d’inquiéter le spectateur.

Hitchcock a bien compris l’intérêt de l’inconscient et des remous de l’âme. Il augmente la tension avec des états psychiatriques limites. Ce qui fait qu’on ne sait plus trop la part du fantasme et du réel dans les mauvaises actions.

Mais comme le tourbillon est fort, l’esprit n’a pas le temps de comprendre qu’on l’arnaque. La fin sera donc toujours cathartique/libératrice. Dans le fond, quand on en arrive là, ce n’est pas plus innovant qu’un western.

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Le film commence bien avec l’exposé d’un piège hautement rationnel. L’idée du fou étant de faire un double crime en inversant les auteurs de manières à ce qu’ils ne soient liés d’une aucune manière au crime de l’autre.

Le très inquiétant Robert Walker est à la fois une personne déséquilibrée et le brillant concepteur de la combine. Il veut se débarrasser de ce père dominateur qui a compris que son fils était dérangé et voudrait qu’il soit interné pour être soigné.

Farley Granger est un bon gars, cela se voit sur sa figure. Il est champion de tennis. Disons les choses comme elles sont, son épouse est une salope. Elle a même été engrossée par un autre. Elle refuse le divorce et compte bien presser le citron à fond. Mais pour Farley, il est inconcevable de procéder à un crime pour autant.

Soit qu’il ait mal compris, soit qu’il cherche à impliquer de manière irréversible le deuxième homme, Robert procède à l’élimination de la conjointe du tennisman.

Farley / Guy n’était pas sur les lieux et a une sorte d’alibi. Pour les besoins du « suspense » cet alibi est chahuté. Et des policiers sont chargés de le surveiller en permanence désormais.

Mais Robert / Bruno estime que Farley n’a pas rempli sa part du marché. De plus il est trop tard maintenant et à mi-chemin la police ne pourra que penser que le gentil est au moins le commanditaire. Ce qui le réduit au silence. Mais l’autre insiste et s’incruste à toutes occasions pour le rappeler à l’ordre. Dont la fameuse séquence du match où toutes les têtes du public se tournent au rythme de balles et seul Bruno reste fixe. Une belle « invention », comme le meurtre montré dans la réflexion d’un verre de lunettes.

Jusque là Hitchcock enrichit l’intrigue de plein de petites chicanes, qui sont autant de trouvailles, dans un scénario qu’on aurait pu croire totalement bouclé d’avance.

Le suspense est serré et garde pas mal de cohérence jusque là. Mais à présent, pour des spectateurs consciencieux, on peut dire que les choses se gâtent. Alors que ceux qui sont peu exigeants et qui recherchent les émotions, apprécieront sans doute ce tournant vers l’action débridée voire les catastrophes.

Le suspense du match de tennis est un peu trop téléphoné. C’est un classique contre la montre, où le sportif qui veut empêcher une mauvaise action du fou, doit absolument gagner le plus vite possible. Pendant ce temps, le malade doit emprunter plusieurs moyens de locomotion pour se rendre sur le site de son crime afin d’y laisser un objet compromettant pour ce bon Farley / Guy.

Et comme cela ne suffit pas Robert / Bruno laisse tomber le briquet impliquant dans une bouche d’égout. Et il fait des efforts incroyables pour le récupérer. Qui arrivera le premier sur les lieux ? Suspense facile et qui repose sur du sable.

Pour corser le tout, on place un manège « merry go round »… qui part en vrille. Inquiétude ultime pour les enfants laissés sur cette attraction qui tourne à trop grande vitesse, mais aussi pour Farley qui se bat à 100km/h avec Robert. Ce dernier est écrasé à mort. Agonisant, ce diable ne s’avoue pas vaincu et cherche à enfoncer encore le saint homme.

… et forcément happy end.

Les acteurs Farley Granger, Ruth Roman et Robert Walker sont très professionnels, donc crédibles dans leur composition. Walker a mal commencé dans la vie et il terminera mal. Ses obsessions se lisent sur son visage ; il n’a donc pas de mal à interpréter ce dément. Farley Granger, a la physionomie qui nous dit forcément quelque chose, ce bisexuel et surtout homo, n’était pas vraiment apprécié par Hitchcock. Il a fait de nombreux films mais sans atteindre le niveau des autres jeunes premiers. Je ne m’étends pas (hum) sur Ruth Roman. C’est une énième (future) mère courage qui incarne parfaitement les bons sentiments américains ; c’est à dire avec toute la fadeur qu’il faut.

https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Inconnu_du_Nord-Express_(film)

https://fr.wikipedia.org/wiki/Raymond_Chandler

https://fr.wikipedia.org/wiki/Patricia_Highsmith

https://fr.wikipedia.org/wiki/Monsieur_Ripley

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