Itinéraire crime. Mortelles années folles. Edith Thompson, Frederick Bywaters assassins du mari. 7/10

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Encore une caméra inquisitrice qui explore le temps, mais sans l’aide des Stellio LorenziAndré Castelot et Alain Decaux ; tous décédés à présent. D’ailleurs à part quelques vieux schnocks comme moi, ces pointures de l’histoire sont inconnus ou oubliés, pour la majeure partie de la population.

Et puis le sujet présent n’est pas les grands de ce monde passé et leurs frasques.

Ce qui intéresse les concepteurs de l’émission, c’est de pointer les petites mains criminelles, quasi anonymes de nos jours, qui ont sévi dans un passé lointain et obscur. Une mine pour ces (ré)animateurs, chargés de nous surprendre.

Ce sont des cold case, dans la mesure où il faut vraiment réchauffer ces vieilles affaires pour en venir à bout. Les faibles moyens d’investigation de l’époque ont occasionné un certain brouillage. Pas sûr que tout ait été élucidé. Et ce qui n’a rien arrangé c’est traitement déformant des gazettes. Il fallait vendre, d’où l’amplification voulue des faits divers.

Mais cette perspective nous permettant d’envisager d’autres nous-mêmes (témoins ou criminels) dans un cadre différent à tous points de vue, ne manque pas d’intérêt.

Cela devrait nous faire relativiser cette étroitesse d’esprit actuelle qui tend à nous faire penser que tout a commencé avec nous. Bien sûr que les cas extrêmes des « glorieuses » époques sont assez peu reproductibles Le spectre des jack-leventreur ou des amelia-dyer (400 infanticides), a fini par être trop « inhumain » pour qu’on n’y croit encore vraiment. Ces phénomène sont devenus en quelque sorte des légendes. On n’est pas loin des fantasmes de Dracula ou Frankenstein. Ces épouvantails nous incitent à croire que nous sommes sortis à présent des parfaites ténèbres ; comme si nos crimes étaient désormais plus civilisés et comme s’ils étaient plus « réalistes », plus crédibles…

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L’histoire dont nous parlons ici est « humaine » en ce sens qu’elle correspond à des situations parfaitement transposables d’un siècle à l’autre. Pourtant un journal relate que « Aucun procès dans les archives de la Cour pénale centrale n’a captivé l’esprit et l’imagination du public de cette manière. » – Au point d’ailleurs qu’un homme dérangé, Gilbert Wickham, s’est pendu nu et cagoulé par mimétisme à une poutre, comme il pensait que devait l’être la condamnée Mme Thompson devant sa prison. La presse commente ce deuxième fait divers : « il s’est trouvé saisi par l’histoire criminelle la plus fascinante du siècle » – On parle de suridentification. Vraiment bizarre pour une affaire somme toute banale. Faut-il y voir le rôle déformant de la presse ?

Ce crime de 1923 se situe en plein dans les fameuses années folles. Mais il n’a rien à voir avec ce tourbillon ravageur. Ce n’est qu’un crime d’amoureux pour supprimer l’encombrant mari du trio.

A noter que l’on met les deux amants meurtriers Edith Thompson et Frederick Bywaters tout en haut de l’affiche mais qu’on omet en général le mari trucidé Percy Thompson. Il faut dire que Edith et Frederick étaient beaux et jeunes. L’amour transpirait par tous les pores des ces personnages de roman feuilleton. Ce qui fait qu’au début la presse nous seulement les a épargné mais le a plutôt encensé. Les choses se sont gâtées quand on a lu la correspondance sulfureuse et coquine du couple illégitime.

Les docu-fictions ont la lourde tâche d’essayer de coller à la réalité. Ils n’y parviennent que rarement. Et ici on sent l’inclinaison des auteurs en faveur d’une certaine réhabilitation des tourtereaux. On est donc pris dans ce piège. De là on l’on parle, le méchant mari méritait presque d’être supprimé par les réincarnations de Roméo et Juliette. Et le divorce alors ?

On se laisse facilement prendre dans ce qui devient ainsi une bluette. Cette fois-ci ce n’est pas la presse qui nous mène par le bout du nez, mais la réalité révisée par d’astucieux producteurs. Fait étrange les fornicateurs maudits étaient plus beaux que ces comédiens qui cherchent à nous charmer. La « vieille » Edith, 26 ans, a flashé sur le jeune Bywaters, 18 ans. Il était beau et sentait bon le sable chaud. La voilà embarquée dans une aventure charnelle habillée d’un flatteur romantisme.

Alors que l’époux « disparaissait » de leur vue, ils s’ébattaient ensemble. Et on sait que dans ces cas extrêmes, l’idée d’une « disparition » pure et dure finit par faire son chemin. Un travail de sape progressif de la conscience.

Contrairement au facteur-sonne-toujours-deux-fois, ce n’est pas la femme qui manipule l’amant pour arriver à ses fins. Ici l’amant aurait agi avec autonomie. Le documentaire nous donne même à voir la thèse de la surprise totale d’Edith Thompson, alors que l’assassin bien connu vient donner des coups de couteau en pleine rue. Étonnant que sur la base de simples intentions, mais sans participation à un quelconque plan, elle ait été pendue aussi. Même si le gamin amoureux et tueur l’a toujours épargné. Je doute qu’à Old Bailey, lors d’un si long procès, on ait commis une erreur judiciaire.


L’enquête a été longue et méticuleuse. L’acteur chargé de faire le commissaire fait un bon travail. On sent comment délicatement il coince Edith Thompson dans ses contradictions. Il y a du commissaire Antoine Bourrel en lui.

Je n’entre pas dans les détails qui comme je viens de le montrer, sont forcément exposés d’une manière partiale. Vrai ou faux le récit est « distrayant ». Ce qui est un comble habituel pour ces séries d’enquêtes criminelles.

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Insidieux wokisme oblige, nos réalisateurs feraient presque de la belle une effigie du féminisme naissant. Sous l’air de « la femme ne peut être que l’objet d’un féminicide » et plus loin « si elle a agi ainsi c’est qu’elle n’avait pas le choix ; l’emprise patriarcale… et patati patata… », bref la légitimation d’une certaine autodéfense.

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Ne vous laissez pas prendre par les couillonnades payantes du net qui commencent invariablement par ceci :

« Edith Thompson et Frederick Bywaters étaient amoureux : le couple a été condamné pour un meurtre dans… »

C’est du blabla de robots. Et il faudrait casquer pour voir ! Google tu as ta part de responsabilité en mettant cette daube/arnaque dans les premières places. Bien sûr on te paye pour cela, mais on attend mieux quand même.

https://fr.wikipedia.org/wiki/La_cam%C3%A9ra_explore_le_temps

https://fr.wikipedia.org/wiki/Ann%C3%A9es_folles

https://en.wikipedia.org/wiki/Edith_Thompson_and_Frederick_Bywaters

https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Cinq_Derni%C3%A8res_Minutes

https://fr.wikipedia.org/wiki/Rom%C3%A9o_et_Juliette

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