Jeffrey Dahmer, cannibale de Milwaukee. Le mal-aimé. Crime district. 6/10

Temps de lecture : 5 minutes

Le moins qu’on puisse dire, c’est que cette affaire intrigue et fascine à la fois.

Comment ce jeune criminel a pu en arriver à ce stade de morbide, de puanteur, de souffrances infligées ? Il faut déjà être capable de franchir la barrière du dégoût.

Ce criminel / malade mental, a laissé un sacré témoignage, grâce à des enregistrements qui semblent sincères et assez exhaustifs. Jeffrey Dahmer nous a au moins légué cela. Il espérait sans doute, qu’on pourrait, nous les « normaux », démêler tout cet écheveau, dans lequel il se sentait enfermé à tout jamais.

Mais malgré cela, on peine toujours à le suivre. Et peu d’analystes nous ont donné les vraies clefs. On peut même craindre que bon nombre se soient égarés sur de fausses pistes.

Nécrophile, nécrophage ou apprenti démiurge, tyran absolu ?

J’ose un point de vue.

Sa nécrophilie, doublée de nécrophagie, est certes affreuse et révoltante, mais il n’est pas sûr que ce soit le but ultime de ce fou conscient et responsable. Sa volonté d’asservir totalement l’autre, en cherchant à le transformer en zombie vivant, mais sans la moindre réactivité parasite, est plutôt en faveur d’une incapacité de négocier sa sexualité avec l’autre. Et en effet cela va jusqu’au délire.

Sa relation intime ne peut avoir lieu que sur l’esclave absolu et au consentement implicite total. Et dans ces derniers cas, on voit que ce n’est pas tant une question de vie ou de mort.

Il a d’ailleurs un temps fréquenté sexuellement un manequin de plastique ; rien à voir avec un cadavre. Il a aussi tenter de ritualiser cela. On en a retrouvé des schémas. Comme si en organisant sa malsaine foire criminelle, il pouvait peut-être atteindre une sorte de pouvoir maléfique absolu. On dépasse à nouveau le simple goût de la putrescine et de la cadavérine.

RW

***

Ce documentaire n’éclairera pas beaucoup plus, le cas du tueur en série Jeffrey Dahmer. Et c’est bien regrettable. Pourtant le premier chapitre ne craint pas de s’intituler « Les origines du mal ».

Pourquoi cette entreprise de 2019, en plusieurs épisodes, a failli ?

La raison principale tient dans son « psychologisme », avec forcément un peu « d’excusisme », pour celui qui n’aurait été qu’un mal aimé.

Cette « psychologie » du « bon sens ordinaire », telle qu’elle est appliquée aux tueurs en série, mais aussi à pas mal d’individus à problèmes, n’est pas une science exacte ; loin s’en faut.

Au mieux, elle se contente d’identifier des facteurs déclenchants et précipitants ; auxquels elle accorde souvent trop d’importance. C’est trop facile de boursouffler des causes simples, a posteriori. Mais c’est leur gagne-pain d’essayer de démonter la construction chancelante.

Tout le monde est capable de se plier à cet exercice et piocher comme il veut dans les problèmes familiaux, les accidents de la vie… Mais la valeur d’un tel exercice est on ne peut plus discutable.

D’ailleurs, selon le point de vue, les « faits » déterminants invoqués seront très variables.

C’est la recherche du choc et/ou de la faute. En scrutant bien, on peut toujours en mettre en évidence. Parfois il faut s’équiper d’une grosse loupe, tant pis pour les aberrations optiques.

Cette conception est héritée du judéo-christianisme. Et le premier réflexe est de mettre en cause la famille. Les parents d’ailleurs souvent se sentent coupables de quelque chose.

  • Il faudrait juste rappeler à nos psychologues de salons et/ou télévisuels, que dans les fratries parfois soumises aux mêmes tensions, certains coulent en effet, mais d’autres s’en sortent et deviennent même plus forts.
  • Ce qui pousserait à penser qu’il ne faut pas négliger l’équilibre constitutionnel. Le « terrain » est une donnée fondamentale.

Par pitié, ne tombons pas dans les explications univoques, soit psychologiques, soit psychanalytiques, soit sociétales, soit diaboliques (un pasteur est venu exorcisé le « fameux » appartement n°213) etc…

Dans ce travail sur Dahmer, les commentateurs se précipitent tête baissée dans ce piège de la recherche de ce Graal, qu’est la supposée cause première de type conjoncturel, c’est à dire la piste de la réversibilité, en théorie.

Cela vaut surtout pour une femme savante, à l’écran, qui voudrait dominer le récit :

  • Le problème, selon cette Diafoirus, viendrait d’abord d’une double opération de hernie vers l’âge de 4 ans. Depuis, le jeune qui était bien luné avant, serait devenu sombre. Voilà donc le choc primordial. Sacrés chirurgiens, ces pourvoyeurs de cas désespérants !
  • Puis à l’adolescence, la contemplation de la mort, avec sa putréfaction, sa liquéfaction et sa puanteur, pourrait avoir accompagnée ses premiers émois sexuels. Et donc ipso facto, il serait devenu sexuellement nécrophile pour retrouver ce bonheur là ! Les taxidermistes doivent se retourner dans les tombes qui leur fournissent la matière première. Et ceux qui pensent que la sexualité peut être évolutive, vont directement se flinguer… et se putréfier.
  • Ces « pistes » sont soutenues par une « grosse », en costume de psychologue, qui nous répète cela, avec d’autres a priori.
  • L’arrêt de 10 ans entre le premier assassinat commis quand il avait 17 ans et le suivant, neuf ans plus tard, ne rentre pas dans son prêt-à-penser interprétatif. Elle bricole une explication qui ne convainc pas.
  • Elle n’arrive pas très bien à placer l’homosexualité notoire de Jeffrey, dans cette grille simpliste. Il faut dire que cette « particularité » n’est plus considérée comme une maladie qu’on attrape, mais comme un état constitutif, qui se révèle ou non, à un moment ou à un autre. Flûte, il n’y a donc plus de place « officielle » pour une recherche de primum movens (première impulsion) de ce côté là, doit-elle penser ! L’ennemi d’une certaine psychologie, c’est bien l’Inné. Comme ils n’y ont pas de prise, autant le minimiser ou le nier.
  • En ce qui concerne l’alcoolisme notoire de Jeffrey Dahmer, nos analystes ne savent pas sur quel pied danser. Cause ? Conséquence ? Pour l’un d’entre eux, l’alcoolisme confirmé des très jeunes ne peut être qu’un symptôme. C’est sans doute vrai dans certains cas, mais pas dans tous. C’est aussi une mauvaise habitude qui se transforme en addiction. Ça marche aussi dans ce sens.
  • L’horreur des trophées, dont les têtes de moins en moins taxidermisées, les morceaux destinés au cannibalisme, et les expériences de zombification des victimes, ne font pas l’objet d’explications « psychologiques » qui tiennent la route, non plus. Cette « science » reconnaîtrait certaines limites ? Tant mieux ! Même s’il aime Exorciste III on n’en fera quand même pas juste une personne influençable qui se doit d’essayer ce qu’elle voit à l’écran.

Rassurons-nous, dans ce terreau fertile en farceurs, qu’est la haute criminalité, on a vu pire. Comme avec Stéphane Bourgoin, le menteur en série. Cet imposteur, auteurs de tant de livres, avait bien compris la jonglerie psychologisante. Je me suis fait avoir aussi.

Le récit de 2019 est quand même aussi factuel. Et donc, si on ferme les oreilles aux âneries des « experts » en cause, il reste quand même l’intérêt de l’histoire avec ses enchainements et sa montée en puissance. Les viols, meurtres et autres gâteries sont bien expliqués. On voit bien la stratégie du prédateur dans ces approches à coups de billets de 50 dollars, puis de somnifères et d’horribles passages à l’acte.

Le gaillard aurait eu beaucoup de chances, en étant plusieurs fois à deux doigts d’être découvert. Bonne étoile ? Je plaisante. Surtout qu’il a fini par être liquidé par un co-détenu en prison.

L’acteur qui se prête aux reconstitutions est méritant. Il prend le risque d’être pris pour un Dahmer encore vivant (comme Hitler, comme le King, comme Michael Jackson réinvestissant son Thriller…)

Bon point pour la voisine de palier 213 du méchant, qui elle l’a vu comme un gentil et qui se déclare avoir été sa meilleure copine, avant qu’elle connaisse la vérité !

Je recommande le film de 2017 de Marc Meyers, My Friend Dahmer avec Ross Lynch en Dahmer jeune. C’est vraiment prenant et somme toute assez éclairant sur le bonhomme.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jeffrey_Dahmer

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