Ils en ont mis de L’Argent dans ce film L’Argent. Déjà pour la réquisition de la bourse de Paris avec 2000 figurants ! Mais aussi pour tous ces beaux décors art déco.
Il ne lui manque juste que la parole. Et même sans, le très long métrage s’en sort vraiment bien. La version non censurée par la production dure plus de 3h. Ici on s’arrête à 2h25.
On a l’impression que tout ce petit monde parle sans arrêt. Beau miracle ! La musique soutenue est donc bien adaptée.
C’est un film muet en noir et blanc qui s’avère convaincant. Merci à Marcel L’Herbier d’avoir osé ce morceau de bravoure, même s’il n’est pas parfait.
- En particulier pour les trop envahissantes scènes d’angoisse et de sentimentalisme de Marie Glory, l’épouse trop sensible de l’idéaliste de circonstance.
Ce qui ne gâche rien, c’est qu’il n’est pas totalement gagné par l’idéologie marxiste sommaire, avec des patrons voleurs d’un côté et des humbles forcément vertueux.
L’intrigue, basée sur du Émile Zola éponyme, est soutenue, crédible et intelligente. Il y a de savants rebondissements. Et le message complexe de la finance passe très bien. Pourtant c’est une matière qui exige souvent de longues explications.
Les acteurs principaux sont de qualité.
Et excusez du peu, parmi les plus connus encore actuellement, il y a :
- Jules Berry, pour un petit rôle mais tel qu’en lui même, qui nous fera d’éclatantes démonstrations sonores et visuelles dans Le Crime de Monsieur Lang, Le jour se lève (+++) et Les Visiteurs du soir. Sa faconde, son style démonstratif inspireront de nombreux acteurs par la suite. Dont Pierre Brasseur, Jean-Paul Belmondo …
- Le gringalet surréaliste Antonin Artaud, aux talents multiples et à la vie déjantée, mais qui joue peu ici.
- Yvette Guilbert, une chanteuse courue de son époque. Elle a été modélisée avec génie par Henri de Toulouse-Lautrec. Les connaisseurs apprécient « Madame Arthur », « Le fiacre » … Petites interventions également.
Pour les rôles principaux :
- Le ploutocrate madré et retors Saccard est interprété avec justesse par le colossal Pierre Alcover. Cet ancien fort des Halles (sic!) joue intemporel. Et ce malgré quelques expressions appuyées, comme on en exigeait conventionnellement du temps du muet. Très belle prestation ! Le gaillard, qu’on a un peu oublié, s’est quand même hissé jusqu’à la Comédie-Française !
- Brigitte Helm la blonde aux yeux clairs (bleus?) ne peut pas renier qu’elle est née à Berlin. Tout en elle évoque une belle germanité. Elle a démarré au cinéma dans Metropolis de Fritz Lang. Ici elle interprète une baronne vénale prête à coucher avec le plus fort et le plus offrant. Femme fatale sans vergogne. Elle mène le jeu à sa manière et elle réussit fort bien.
- Henry Victor le pilote idéaliste est moins performant.
- Sa femme Marie Glory nous fait l’oie blanche qui n’arrive pas à se décider entre l’argent bienfaisant et son honneur. Il en faut des comme ça. En tout cas à cette époque.
- Alfred Abel incarne l’homme d’affaire éclairé, qui peut se permettre une certaine philanthropie. Il se doit d’avoir du style et un détachement feint. En réalité cela crépite en permanence dans la calebasse. Même si c’est un peu téléphoné, on y croit.
Les très à droite Brasillach et Bardèche ne sont pas tendres avec L’herbier. Il est possible que certains acteurs, plutôt de gauche comme on dirait maintenant, ne leur aient pas plu.
« De Marcel L’herbier, il n’y a malheureusement pas grand-chose à dire. Après Eldorado, il oscilla entre le commerce et le plus vain des esthétismes. L’Inhumaine était une œuvre abstraite et froide, d’un caligarisme desséché. Feu Mathias Pascal, d’après Pirandello, fut un compromis adroit entre l’intellectualisme et le grand public et resta longtemps considéré comme un film de valeur. En revanche, Le Vertige, Le Diable au coeur ne sont que des bandes commerciales qui ont fort peu d’intérêt. L’Argent, qui vint ensuite et que L’herbier tira d’un roman de Zola modernisé, vaut un peu mieux. Les séances de la Bourse, le départ de l’aviateur et la fièvre de Paris qui attend des nouvelles du raid, la fête chez le banquier Saccard, sont d’assez bons épisodes. On n’en regrette que plus, devant une adresse aussi inutile et aussi morne, le temps où L’herbier composait Eldorado. »





https://fr.wikipedia.org/wiki/Jules_Berry
https://fr.wikipedia.org/wiki/Antonin_Artaud
https://fr.wikipedia.org/wiki/Yvette_Guilbert
https://fr.wikipedia.org/wiki/Brigitte_Helm
https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Alcover
https://fr.wikipedia.org/wiki/Marcel_L%27Herbier
https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Argent_(film,_1928)