Le couteau sur la nuque. Poirot-Suchet idiot asexué. Ah Paris ! 7/10

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Lorsque David Suchet en Hercule Poirot, nous dit qu’il est un imbécile, c’est qu’il nous met en cause, nous les infortunés spectateurs qui n’avons pas compris grand-chose à l’intrigue. Mais on lui pardonne. Surtout si l’on sait que dans ces Agatha Christie, le suspense le plus échevelé est préféré à la crédibilité.

Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’écrire ailleurs, la logique des romans policiers dits « de gare » est tout à fait particulière. Elle vise à maintenir l’attention coûte que coûte, par des rebondissements incessants, l’implication de tous les personnages et le brouillage voulu des pistes.

Et puis ce qu’on attend, c’est le show de Poirot et l’exposé en long et en large de la triste psychologie des personnages.

  • C’est comme dans les Simenon, plus les gens sont des affreux en puissance, plus Hercule nous montrent leurs défauts, et plus nous nous réjouissons. C’est le même effet qu’avec ces livres et ces films qui décrivent la faim crasse et le malheur dans la pire injustice. On est bien content d’être à l’abri. Et puis on a le recours de courir vers le frigidaire ou de chérir notre très protectrice démocratie. Il est clair qu’on s’adresse bien plus à l’instinct qu’à l’intellect.

La grande actrice Jane Wilkinson souhaite se débarrasser de son mari. Elle incite un Poirot très réticent à aller plaider sa cause et obtenir enfin le divorce. Mais Lord Edgware est surpris de cette démarche puisqu’il a adressé à sa femme une lettre de consentement à la séparation il y a de cela 6 mois. Elle ne l’aurait pas reçu.

Un étrange dîner avec treize convives à table, est l’occasion de réunir des artistes, dont Jane Wilkinson et Hastings. Pendant ce temps là Lord Edgware est assassiné.

Le Capitaine Hastings et l’inspecteur en chef James Japp sont les indispensables faire-valoir de Poirot. Leur rôle consiste à ne jamais rien comprendre et à se tromper régulièrement en pensant détenir la vérité. Un peu plus tard l’imitatrice Carlotta Adams, et amie de la veuve, est supprimée à son tour. Enfin Donald Ross qui a participé au dîner est assassiné alors qu’il téléphonait à Poirot alors qu’il voulait lui faire des révélations.

Le scénario se base sur une très improbable substitution de personnes, sans que cela se voit. Ce « truc » revient souvent chez Agatha Christie. Mais pour 12 professionnels du spectacle, il semble très improbable qu’ils puissent avoir été mystifiés. Seul Donald Ross a flairé un petit détail « culturel »…

A noter une impossibilité majeure. L’implication innocente de Carlotta Adams n’a aucun sens, puisque forcément, une fois le crime découvert, elle comprendra qu’elle est mouillée et fera des révélations pour se disculper. Il faudrait donc programmer sa disparition dès le début.

Une fois qu’on a dit tout cela, on a pratiquement tout révélé.

Mais comme l’histoire principale pourrait se révéler faiblarde, Agatha nous fourgue une histoire B de vol, qui vient parasiter l’affaire… plus une histoire C, avec un neveu privé de rente. Que vos petites cellules grises restent vigilantes. Ne vous laissez pas gruger par ces nuages de fumée.

Mais où se trouve la fameuse psychologie qui nous attire si facilement dans ses filets et qui est l’arme principale de la romancière ?

  • Poirot est plus que sensible aux charmes d’une de ces dames. Ce qui est exceptionnel chez cet être aussi asexué que Tintin. Réfléchissez un peu ! Dans une logique de porte-à-faux osé, cela pourrait désigner une possible coupable.
  • Le mari de celle-ci est un méchant. De quoi atténuer encore la responsabilité.
  • La performeuse Carlotta Adams nous fait un show initial qui est sensé nous éblouir par ses talents d’imitation (Hitler, Poirot…). Manque de chance, dans la version française cela tombe à plat et cela devient même assez ridicule.
  • Un divorce au préalable n’est pas acceptable pour un richissime prétendant catholique.
  • Poirot avec la complicité d’Agatha Christie, laisse passer 3 meurtres. Ce n’est pas bien cela !
  • Il y aurait de l’antisémitisme dans ce récit. Mais je pense que la version TV l’a fait disparaître.
  • Dans cette affaire d’ubiquité, Agatha a été inspirée par un show avec une artiste talentueuse qui pouvait passer d’un personnage à un autre diamétralement opposé. Ce qui est le propre des comédiens et il ne s’agit pas d’imiter quelqu’un qui existe vraiment, mais de faire le Fregoli en utilisant plusieurs fausses identités.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Couteau_sur_la_nuque

https://en.wikipedia.org/wiki/Lord_Edgware_Dies

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