Le deuxième souffle (bis) (2007) 5.5/10

Temps de lecture : 5 minutes

Les « vieilles canailles » font leur cinéma.

Mauvais remake d’un ancien film qui était déjà très moyen.

revu ici :

Vous êtes prêt ? Concentrez-vous bien, si vous voulez suivre.

Les films de gangsters sont un genre en soi, né aux USA.

Comme cela avait du succès, les Français se sont mis à les imiter. Surtout après guerre.

Dans ces longs métrages, il y a d’un côté des méchants qui font la loi et de l’autre des gentils qui leur courent après. Et on insiste pour dire qu’il existe des passerelles entre les deux. Ou en tout cas, une certaine compréhension de part et d’autre (*).

L’idée générale, c’est que ce n’est pas plus rigolo d’être derrière ce bureau glauque d’un commissariat – où défile toute la misère du monde – qu’en vadrouille punitive, avec ces tâches d’extorsions morbides. Et même les paisibles bourgeois ne sont pas épargnés. Ils ont forcément de lourds secrets à cacher. Tout est noir, qu’on se le dise.

L’aridité des personnages et la sauvagerie des scènes sont des constantes, mais le propos est souvent adouci par une romance. C’est d’ailleurs par cet angle que se glisse en général le grain de sable. Ici non Monica est épargnée.

Certains comme Melville et d’autres, ont façonné quelques opus à leur manière, tout en respectant les grands principes. Dans les films des années 50 60, il était courant ici de rajouter un passé collabo à certains méchants. Cela collait bien avec une certaine réalité loco-régionale.

Mais le plus intéressant survint plus tard. Ce fut le dynamitage de l’intérieur avec l’humour paradoxal. Il y en avait un peu marre de ne voir que des bagarres réglées. On est monté d’un cran. Les gars du milieu pouvaient avoir un langage choisi et des tournures agréables qui faisaient mouche. La haute n’hésitait pas à dire merde. C’était l’introduction d’un certain intellectualisme distancié, dans ce panier de crabe. Et mon dieu, que cela faisait du bien. Ces films devenaient regardables.

* * *

Or dans le travail dont on parle ici n’a rien de cela. Il se contente de recopier quasi à l’identique la version 1966 de Melville. Laquelle, inspirée d’un livre, avait bien des défauts, comme je vais le montrer ci dessous.

On a connu Alain Corneau plus inspiré. Lui et sa troupe auraient pu en profiter pour tenter de corriger les failles, pour raviver le scénario, pour actualiser le propos, pour intégrer ce fameux humour qui peut tant, quand il est de qualité…

Mais rien de tout cela. Au contraire les modifications qui ont été faites affadissent plutôt l’histoire. On ne retrouve plus le dynamisme, le rythme, le coulant du premier travail. C’est un comble.

Le mot à mot du remake fait qu’on s’ennuie. Il n’y a plus guère de surprise. On en est réduit à anticiper chaque phase du film de jadis, à travers les scènes actuelles. Un lassant travail mémoriel.

Ou bien les nostalgiques regarderont passer les voitures de leur jeunesse, présentées ici avec un curieux faux vieillissement de la pellicule.

Les acteurs ont le triste privilège d’essayer d’imiter leurs grands prédécesseurs, qui eux même tentaient de ressembler aux flics et truands de l’époque. Ce n’est pas fini. Ces derniers étant déjà des reflets lointains de leurs homologues américains – s’inspirant eux de vrais durs – que Melville affectionnait tant. On est donc dans une cascade poupées russes, à 4 ou 5 imbrications, où ne subsiste au final qu’une toute petite chose, pas très regardable.

Et les grands prédécesseurs en question n’étaient pas des n’importe qui. On parle là de pointures comme Lino Ventura, Paul Meurisse, Michel Constantin, Raymond Pellegrin, Marcel Bozzuffi, Paul Frankeur… Eux on tellement habitué à les voir dans ces rôles qu’ils semblent avoir été faits pour cela.

Et donc on assiste dans la version moderne à des « numéros d’imitateurs» qui parodient des contrefaçons. Ils se glissent dans des chaussures trop grandes pour eux. Ça patauge sérieusement. Mais comme l’intrigue est copieuse, elle fait illusion… un moment.

Curieusement, celui qui s’en sort le mieux est Jacques Dutronc, étonnamment crédible, mais dans un poste très subalterne. Et le pire est bien entendu Éric Cantona, qui nous fait un gros chien fidèle et qui n’hésite pas à mordre. Certains seront indulgents avec lui, car ce n’est pas son premier métier. Mais je trouve qu’on a déjà largement laissé sa chance à ce Van Damme du pauvre.

Entre les deux, il y a un Daniel Auteuil pas terrible, en tout cas très en deçà d’un Lino ; une Monica Bellucci souveraine, mais qui ne sait pas trop quoi faire de sa personne dans un si petit royaume ; un Michel Blanc plutôt correct, car servi par un rôle flatteur. Mais à quoi bon, dans une telle daube.

Les uns et les autres semblent mal s’articuler. Il en est de même des scènes. Il y a toujours quelque chose qui sonne faux.

Comme cela ne suffisait pas au naufrage, ils ont alourdi ici ou là, avec une colorisation outrancière et des violences, façon jeu vidéo extrême. On passe d’une certaine économie de moyen voulue et qui laisse opportunément la place à la tension des caractères (1966) à du chromo grotesque avec du flingage exagéré (2007). Il faut voir comme ils sautent haut après qu’on leur ait tiré un malheureux coup de pistolet. On se croirait dans une réalisation asiatique bas de gamme.

La version 1966 était déjà trop longue avec ses 150 minutes. Ici ils sont montés à 166 minutes, malgré le manque flagrant d’imagination et d’inventivité. Plutôt qu’une salutaire résurrection, c’est un enterrement de première. Ce film est un cadavre cinématographique. Et puis dans les deux versions, il manque toujours un Audiard.

Soit Corneau n’a rien compris, soit il avait besoin de refaire du Grisbi d’une manière ou d’une autre. Résultat, les critiques lucides, lourdement armés, sont à ses trousses. Le public n’est pas tombé dans le piège. Ce fut un gros bide commercial. Le réalisateur usé est mort trois ans après de son cancer du poumon. Paix à son âme.

(*) Ne te moque pas de ce que tu vois, ta mère aurait pu être la pute qui arpente ces sinistres trottoirs. Ne te moque pas, ton père aurait pu être gangster ou flic… ou un obscur cinéphile.

* * *

En 1966, Melville a commis le premier « deuxième souffle »

Voilà les quelques lignes que j’ai écrit tantôt :

Le deuxième souffle (1966)

Démodé.

Dans ces films de gangsters des années 60, il y a peu de rescapés. Les réalisations de ce genre, qui se prenaient très au sérieux, sont pratiquement toutes passées à la trappe.

Seules peut-être, celles qui ont fonctionné sur l’humour, la parodie, ont conservé un certain attrait. Mais n’est pas Audiard qui veut.

Melville, est à l’opposé. C’est la raideur et la rigueur incarnées.

Il dogmatise ce prétendu code de l’honneur qui s’appliquerait tant aux flics qu’aux voyous, avec des passerelles entre les deux. Les dangereuses exceptions confirmant la brutalité de déroger à la règle.

C’est l’éloge passablement caricatural, d’une certaine fraternité d’armes. Sans doute un héritage d’une guerre idéalisée.

Ces grand-messes à la camaraderie et à la virilité, ont passablement vieilli.

Il reste pourtant, le grand bal des acteurs. On retrouve donc avec plaisir ces amis de la famille, et chers disparus, que sont, Lino Ventura, Paul Meurisse, Michel Constantin, Raymond Pellegrin, Marcel Bozzuffi, Paul Frankeur…

De reste, l’histoire est riche, et à part quelques détails, elle conserve une assez belle cohérence.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Deuxi%C3%A8me_Souffle_(film,_2007)

Daniel Auteuil
Monica Bellucci
Michel Blanc
Jacques Dutronc
Éric Cantona

Alain Corneau

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