L’homme qui en savait trop (1956) 7/10

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Il est d’usage de s’extasier devant ces œuvres majeures d’Hitchcock. Mais je trouve que tout cela a quand même pas mal vieilli… et mal vieilli. Le 7/10 c’est en souvenir des heures de gloire, de ce passé cinématographique où tout était bien différent… Maintenant on serait plus près du 6/10. Eh oui !

Le film est pourtant bien construit. Certaines scènes sont fameuses. Le rythme est soutenu. Il y a du dépaysement. L’image est limpide.

Le point fixe, c’est ce couple de vacanciers au Maroc avec leur fils. Ils sont purs, un brin naïfs et passablement sur la réserve, comme pouvaient l’être alors de nombreux touristes américains.

Autour d’eux, c’est un monde cosmopolite et déroutant. Le public US doit encore avoir en tête ces images troubles de Casablanca avec Humphrey Bogart.

Il y a des gentils et des méchants. Ils sont habilement campés. Mais qui sont-ils vraiment ?

Le réalisateur joue avec nous en semant de vrais et faux indices.

De quel côté est l’intriguant Louis Bernard (Daniel Gelin) ? Et ce couple bizarre, peut-on leur faire vraiment confiance ? Cet homme les suit ou non ?

Il faut dire que le double jeu est consubstantiel de l’atmosphère des films d’espionnage.

On hésite un peu, on penche d’un côté, on y croit. Nous donner l’impression de comprendre avant les autres et d’être intelligent est une flatterie de bonne guerre.

Par contre, pour le tueur à gage, on est fixé d’emblée. Il a vraiment une sale tête de tueur à gage de cinéma.

Ici tout est un peu trop bien dessiné, façon « ligne claire ». On est comme sur des rails mentaux imposés par le réalisateur. On ne ferait plus cela comme cela à présent. Dans les meilleurs films, les personnages seraient plus complexes. Le récit moins linéaire.

L’histoire elle-même, nous amène trop facilement à la solution. Le choix d’aller en Angleterre s’est imposé un peu vite. Et Ambrose Chapel n’a vraiment pas été trop difficile à atteindre. Même si le quiproquos à ce sujet est franchement bien amené.

Plus grave, le «maître du suspense » ne nous a pas gratifié d’une de ses héroïnes terriblement attirante et vénéneuse, comme à l’accoutumée. Ces femmes sur le grill étaient la moitié du spectacle. Fasciné comme on l’était, cela nous dispensait de nous creuser la tête.

Bien sûr, Doris Day joue bien la mère de famille en souffrance, mais cela en reste là côté « sex symbol ».

James Stewart fait le job. Les Américains sont vraiment trop grands comparés aux Européens et aux Maghrébins d’alors. Hitchcock en joue, comme dans cette scène de restaurant marocain où le grand ne sait plus ou mettre ses jambes.

Les Français, alors bien présents dans ce passé colonial, sont épinglés. Le petit propose à Louis Bernard un emploi pour le débarrasser des escargots nuisibles du jardin.

L’interminable attente des amis du couple qui voulait fêter leur arrivée en Grande Bretagne est bien vue aussi.

Il y a plein de petites trouvailles comme cela, qui semblent parfois correspondre à de judicieuses improvisations.

La musique est bien entendu un des points forts du film.

Le Maître n’hésite pas à nous faire écouter encore et encore le motif de cymbales fatal. Du coup on marche comme un seul homme, quand arrive le moment décisif.

Cette sensibilisation appuyée est une ruse psychologique connue. Elle est présente souvent au cinéma, mais de manière plus discrète. On prépare le spectateur (*)

Musique encore, avec le salutaire « que sera, sera » – une des clefs du film.

C’est un film qu’on a pratiquement tous vu de nombreuses fois.

A priori on ne se lasse pas.

Notre génération a fait cela aussi avec les albums de Tintin. Mais il est possible que l’on grandisse quand même les décennies passant et que l’intérêt s’émousse alors.

Ce n’est sans doute pas juste de juger dans ces conditions.

Les films de cette époque, bien avant les videos et les DVD, n’étaient vus qu’une fois. Il étaient faits pour nous surprendre. Et ça marchait !

(*) Expérience : vous interpelez un passant quelconque avec une allusion à un tigre. Au coin de rue suivant vous faites surgir un homme avec un costume de tigre. Inévitablement il sursautera dix fois plus que s’il n’a pas été sensibilisé.

https://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Homme_qui_en_savait_trop_(film,_1956)

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