Ce premier film de John Cassavetes est une œuvre d’improvisation. Ce non-scénario est en roue libre. Comme il est fluide, il respire à pleins poumons.
De nombreux plans sont novateurs. C’est un des premiers film-vérité, comme on en verra bien d’autres par la suite.
Pour plusieurs réalisateurs renommés, ce petit bijou fragile tourné en 16 mm, a valeur d’œuvre maîtresse du cinéma américain. Un nouveau genre qui a ouvert la voie aux plus grands.
Les théoriciens se sont empressés de disserter sur le sujet. Ce qui ne déplaisait pas au réalisateur.
Cassevetes a créé et monté ce film de manière progressive et totalement indépendante. Tout dépendait des apports financiers. D’où l’aspect un brin décousu de certaines versions.
Il a la bonne idée de lancer un financement participatif. Internet a redécouvert cela longtemps après.
C’est grosso modo, une tranche de vie d’une fratrie de « colored people » new-yorkais.
Les plus chanceux d’entre eux vivotent de cachetons dans des boites de jazz.
Le grand frère bien noir surveille attentivement les relations de sa jolie sœur métisse, qui elle, tire plutôt sur le blanc. Cette malicieuse gamine de 20 ans nous donne entre autres une magnifique scène de séduction / refoulement. La toute puissance d’une jeune femme sur un soupirant dérouté.
Les frères et leurs copains, boivent et draguent en permanence. Les petits mâles s’exposent à des bagarres.
L’acteur Ben Carruthers se balade là dedans, comme un « rebel without a cause ». James Dean avait fait cela avant lui, dès 1955.
L’atmosphère mi-crépusculaire mi-radieuse du film est au service des « mis entre parenthèses » de la société de consommation. Elle est largement imprégnée de cette glorification auto-complaisante de la Beat Generation. Les beaux décors hollywoodiens cèdent la place aux appartements miteux et étriqués. Ce sont les nouveaux écrins de ces âmes nobles d’en bas.
Une sorte de manifeste politique inconscient. C’est sans doute pourquoi elle a fait tant gloser.
Le coup d’essai de Cassavetes était un coup de bol autant qu’un coup de maître. Par la suite, le réalisateur aura moins de réussite. Ce film mérite d’être vu, les autres parfois moins. Sauf bien entendu « Faces » de 1968
https://fr.wikipedia.org/wiki/Shadows_(film,_1959)
- Ben Carruthers : Ben
- Lelia Goldoni (en) : Lelia
- Hugh Hurd (en) : Hugh
- Anthony Ray : Tony
- Dennis Sallas : Dennis
- Tom Reese : Tom
Ils gardent leur vrai prénom.