Meurtre d’un bookmaker chinois. Cassavetes, Ben Gazzara. 8/10

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Il y a toujours chez John Cassavetes ce côté bricolo qui peut surprendre le non initié. C’est dû à la technique de prise de vue sur le vif, avec une caméra qui ne sait pas toujours où elle va.

Mais quand on a surmonté ce léger trouble, on découvre des situations riches et débarrassées des conventions habituelles. Les acteurs, dont certains ont fréquenté l’Actors Studio, comme Ben Gazzara, sont investis et très bien dirigés, ce qui donne à l’ensemble un sentiment de réalité augmentée.

Cassavetes est le réalisateur talentueux de Shadows et Faces. Des films d’art et d’essai, qui ne sont sans doute pas du goût de tout le monde, tant ce cinéma des années 60 est innovant et donc déroutant.

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Meurtre d’un bookmaker chinois (The Killing of a Chinese Bookie) est de 1976 et il ouvre de nouvelles portes.

Bien sûr l’intrigue, prise dans ses grandes lignes, n’est pas révolutionnaire.

Un patron de boîte de nuit a enfin pu payer sa note. L’entreprise qu’il aime tant lui appartient désormais. Mais ce personnage assez fruste, au premier coup d’œil, va bêtement s’endetter lors de jeux d’argent. Et ceux qui détiennent la dette ne rigolent pas. Pour s’en sortir, il va devoir assassiner un bookmaker chinois. L’affaire est difficile et Ben Gazzara exécutera quand même le contrat. Mais comme il a laissé des traces, les commanditaires voudront le supprimer.

Le plus gros de l’histoire consiste à nous faire découvrir la complexité de la personnalité de ce tenancier joué par Ben Gazzara. Son club c’est toute sa vie. Il l’a fait prospérer, en intégrant ce qu’il aime. De jolies femmes surtout, dont une noire (pourquoi dirait-on « black »?) qui est sa maîtresse. Elle est fondamentalement de son monde, s’exprimant plus par les attitudes que par les mots. Sa jalousie instinctive sera matérialisée par du crêpage de chignons et des coups. Pas besoin de commentaires.

Mais il adjoint aux spectacles, une touche de poésie habile avec ce Meade Roberts en M. Sophistication. Ce vieil homme commente les scènes au gré de son inspiration.

Gazzara est une sorte de psychologue free-lance, qui connaît bien les qualités et les défauts de toute sa troupe. C’est avec ce matériau qu’il la fait obliquer du côté burlesque.

  • C’est la réussite fragile, d’une sorte de monsieur tout le monde. On n’a pas ce sempiternel souffle héroïque, façon type Triomphe de la volonté de Leni Riefenstahl, qui accompagne les mauvais scénarios américains.

Les mafieux sont conformes à l’image que l’on s’en fait. Mais Cassavetes donne à certains des états d’âme. Ce qui enrichit le propos.

La fin approche. Sentant qu’il se trame quelque chose, ses employés ont un coup de mou. Ben Gazzara va savoir leur dire ce qu’il faut pour qu’ils remontent sur scène. C’est une improvisation un peu désordonnée mais qui lui vient des tripes. Sérieusement blessé par balle, il s’éloignera une fois sa tâche accomplie.

https://fr.wikipedia.org/wiki/John_Cassavetes

https://fr.wikipedia.org/wiki/Ben_Gazzara

https://fr.wikipedia.org/wiki/Meurtre_d%27un_bookmaker_chinois

https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Triomphe_de_la_volont%C3%A9

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