Nosferatu par Brasillach, Bardèche : Caligari, Le Golem, De l’Aube à minuit, Docteur Mabuse, Genuine, Torgus et Expressionnisme. 8/10

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Dans leur Histoire du cinéma muet, Brasillach, Bardèche nous montrent qu’ils ont de la culture et une certaine sensibilité. Ce n’est pas forcément la notre.

On ne va pas refaire l’histoire de Brasillach. Son engagement politique d’abord d’extrême droite maurrassienne est connu. Il en parle lui même clairement dans sa biographie Notre avant-guerre de 1941. C’est un document très informatif d’un certain engagement. Puis sous l’Occupation, il a eu la très mauvaise idée de devenir le rédacteur en chef du journal collaborationniste et antisémite Je suis partout.

Il a été exécuté à la Libération, malgré l’appui de nombreux intellectuels non suspects (*)

Son encyclopédie du cinéma, rédigée avec son beau-frère Maurice Bardèche, est supposée assez neutre et pertinente. Y voir de la neutralité politique est assez étonnant cependant. Certes sa pensée révolution nationale n’envahit pas tous les propos, mais on note quand même des petites touches ici et là. Vous jugerez par vous même avec le texte suivant.

Laissons leur la parole :

Le Caligari de Robert Wiene est le chef-d’œuvre de cette période. Mais il en est d’autres : De l’Aube à minuit de G. H. Martin, Le Golem de Wegener, Le Docteur Mabuse de Fritz Lang, Genuine, Torgus de H. Kobe, Nosferatu le Vampire de Murnau nous imposèrent pendant plusieurs années leurs visions de cauchemar.

L’Allemagne y satisfaisait son romantisme profond, et d’autre part ce goût du sadisme, de la peur, de la secousse, cette jonction de la sexualité et de la mort, qui enivrèrent tant après la guerre. Et il est curieux de retrouver dans les films de cette époque, à la fois, des traits qui les apparentent à tout le romantisme allemand, à Hoffman, au Jean-Paul de Titan, même à Novalis et aussi la marque de l’influence décadente des milieux intellectuels weimariens.

A la vérité, comme l’a bien montré Lotte Eisner l’expressionnisme est plus qu’une école, c’est une manière d’interpréter la perception. Le point de départ de l’expressionnisme est l’affirmation que le monde que nous voyons n’est lui-même qu’une perception déformée et que toute crise, toute passion, toute descente en nous-mêmes nous font découvrir une perception neuve, qui est peut-être plus vraie que la perception habituelle, en tout cas qui nous définit à cet instant.

D’où cet univers au bord de la folie, ces images qui extraient de la vie quelque chose d’autre, et qui, finalement, font considérer la vie elle-même comme une sorte de cauchemar. L’Allemagne ruinée se réfugiait dans cette hypnose. Cet univers de malades était le décor dune époque de folie, d’ébranlement, de débâcle. Des rêves étranges, venus du fond des âges, hantaient l’âme malade de l’Allemagne.

Mais ces rêves n’exprimaient rien qu’une forme de romantisme dont témoigne d’autre part une tradition littéraire très ancienne. Et il faut une étrange volonté de déformation politique des faits pour conclure, comme Siegfried Kracauer, qui a écrit une histoire du cinéma allemand pendant cette période, que Caligari, Nosferatu, Le Golem sont des prémonitions et préfigurent Hitler. L’Allemagne réelle ne tardera pas à réagir, au contraire, contre les excès de l’esthétisme intellectualiste.

Toutes ces œuvres ne sont pas de la même valeur. Le Nosferatu de Murnau (1921) avec son château hanté, ses portes qui s’ouvrent, le vent et le monstre, est aussi démodé qu’un roman noir du Premier Empire et fait bien souvent sourire, malgré le nom illustre dont il est signé.

Il en reste de terribles et magnifiques paysages de petite ville, ou des prairies de la Baltique, sinistres et belles, où galopent des chevaux libres, images moins saisissantes toutefois que les plaines neigeuses, les cratères, les déserts de feu, que Murnau, plus tard, reconstitua en studio.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_Brasillach

https://fr.wikipedia.org/wiki/Maurice_Bard%C3%A8che

(*) « Un intellectuel n’est pas moins, mais plus responsable que les autres. Il est un incitateur. Il est un chef au sens le plus fort. François Mauriac m’avait écrit qu’une tête pensante ne doit pas tomber. Et pourquoi donc, ce privilège ? Une grosse tête est plus responsable qu’une tête de piaf ! Brasillach était intelligent. Il avait du talent. Ce qu’il a fait est d’autant plus grave. Son engagement dans la collaboration a renforcé les nazis. Un intellectuel n’a pas plus de titre à l’indulgence ; il en a moins, parce qu’il est plus informé, plus capable d’esprit critique, donc plus coupable. Les paroles d’un intellectuel sont des flèches, ses formules sont des balles ! Il a le pouvoir de transformer l’esprit public. Il ne peut pas jouir des avantages de ce pouvoir-là et en refuser les inconvénients ! Quand vient l’heure de la justice, il doit payer. »

— Charles de Gaulle, cité par Alain Peyrefitte.

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