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Le réalisateur Rudolf Klingohr n’a que 53 minutes pour nous convaincre. Il faut faire vite !

Le documentaire commence fort. Il récapitule les chatoyantes réalisations de l’artiste viennois. C’est une chrestomathie (*) habile, faite d’une succession rapide de morceaux choisis. On a d’emblée les plus les images convaincantes. On démarre avec de belles impressions, reste à en comprendre les tenants et les aboutissants.

Ce Rudolf nous régale.

La technique du reportage consiste à mêler savamment, la vie privée, la vie publique et la vie artistique de ce grand bonhomme.

Vie privée

Otto Wagner est un passionné. Il voue un amour fou à sa dernière épouse. Il la proclame plus belle femme du monde. Ce strabisme amoureux est assez étonnant pour un homme supposé avoir un compas dans l’œil.

Vie publique

L’architecte talentueux fait tout ce qu’il peut pour avoir les faveurs du vieux monarque autrichien, quitte à lui bâtir une station de métro rien qu’à lui. Mais cette cour assidue ne marche pas.

Vie artistique

Notre créatif veut supplanter l’historicisme, par quelque chose qu’il estime plus beau, mais aussi nouveau et fonctionnel. Il utilise le béton armé, l’aluminium, le linoléum, les carreaux sur les murs, les clous sur les façades. Il fait dégouliner des motifs floraux sur ses édifices. Il s’en donne à coeur joie. Les immeubles deviennent des œuvres d’art. Mais aussi des sortes de démonstrations du savoir faire, visibles à tous.

Ou bien il dispose sur les toits des créatures qui vocifèrent et qui sont réalisées par ses amis. Le documentaire suggère que ces personnages conspuent l’architecture des maisons d’à côté. Je pense qu’on peut aller plus loin et que ces Cassandre crient, attention c’est la fin du Monde d’hier. (Confer Souvenirs d’un Européen / Stefan Zweig)

On note pas mal de synergie avec les autres artistes, également en avance sur leur temps. Il a créé un courant et sa postérité est impressionnante.

Ses réalisations sont très nombreuses et marquent Vienne. Il n’a pas à rougir de ses travaux. Mais les Viennois sont moqueurs et affublent ces immeubles, églises et autres, de noms comiques. Nul n’est prophète en son pays.

Pas inquiétude, grâce à une énorme affirmation de soi, doublée de traits des génie, il a été reconnu de son vivant et a été fêté dans toute l’Europe moderne. On parle toujours de lui.

En général, il a assuré toute la construction de A à Z, y compris les meubles, les portes, les poignées, la baignoire en verre…

La Première Villa Wagner fut une réussite. Elle a été rachetée in fine par le stupéfiant artiste psychédélique Ernst Fuchs. Elle est encore actuellement le musée privé Ernst Fuchs.

On lui doit aussi le citron, c’est à dire Église Saint-Léopold am Steinhof de Vienne. Qui devient un étonnant Mandala vu du ciel. Le drone bien utilisé, nous aide désormais à mieux comprendre. A noter aussi la belle Majolikahaus (Maison des majoliques) et une révolutionnaire Caisse d’épargne de la poste.

Homme de son temps, il a assuré la novation d’une partie des ponts et des créations originales pour les stations du métro de Vienne. Des hommes consciencieux de maintenant ont tout fait pour éviter leur destruction.

Il s’est essayé à l’urbanisme grande échelle avec son projet non réalisé de Groszstadt.

Sur le tard il a rejoint Sécession viennoise, avec des grands noms comme Gustav Klimt. Mais on peut rajouter Oskar Kokoschka, Egon Schiele et bien d’autres.

A signaler aussi le tchèque Alfons Mucha, qui n’est pas vraiment dans le groupe mais qui lui est aussi proche par le style.

On peut sourire de certaines des viennoiseries d’Otto Wagner. Les gâteaux sont parfois un peu trop copieux. Et il arrive au style d’être un brin naïf. Tout n’est pas à prendre au sérieux. Mais il faut saluer l’élan libérateur et la précocité.